Olé Pépito !
Le long d’une place ensoleillée où grouille une nuée d’enfants joyeux, s’étire une rangée de bistrots aux devantures arborées. Dans la chaleur de l’après-midi, tu avances sur le trottoir, entre tavernes, désertes et terrasses, bondées.
Tandis qu’une rangée de haut-parleurs déboite tes tympans à grands coups de flamenco, s’élève des tables une cacophonie de poulailler menacé par un renard rusé. Les oreilles froncées sous l’agression sonore, tu hésites entre folie douce et manque d’habitude... tu votes pour un peu des deux. Tu choisis ensuite la meilleure position, juste entre deux baffles jeteuses d’olé à tue-tête, histoire de limiter au mieux l’avalanche acoustique. Tu t’assois, soulagé. Juste derrière toi, une tablée braille comme une travée d’aficionados en plein match.
D’une table toute proche, une dame en robe à pois se lève, titube jusqu’à toi et, d’un grand sourire, te demande ce que tu veux. Par méconnaissance de la langue autant que par peur de ne pas pouvoir couvrir le tintamarre ambiant, tu lui mimes que tu veux… boire. D’un clin d’œil approbateur elle te signale qu’elle t’a compris et, dans une envolée de jupons à froufrou, va te chercher… à boire.
Le temps de la première gorgée l’atmosphère de fête t’enveloppe, t’emporte et toi, t’es pas du genre à vraiment protester… Dans la chaleur ambiante, la gorge au frais, où pourrais-tu être mieux que là où tu es ?
Détendu, tu laisses planer ton regard autour de toi, tout n’est que vivas, fiestas, cervezas, tapas, migas… lindas todas !
Ou presque. Devant ta table, un couple à la couleur un peu trop pale pour être locale, reste aussi froid que s’ils buvaient un verre l’eau de Villée dans une cuisine d’HLM, histoire de te rappeler que les infirmes de la déconnade existent aussi… Mais trois secondes plus tard, égoïste, tu les as oubliés.
La tablée derrière toi vient de monter d’un ton. Tu te retournes juste à temps pour voir un couple se lever sous les acclamations générales. Un sourire entendu aux lèvres, les deux héros du moment se dirigent vers un espace laissé libre entre deux terrasses et, sous les encouragements d’un public survolté, attaquent quelques passes de flamenco.
L’homme surtout t’impressionne par la grâce et l’originalité de ses mouvements. Pourtant ils n’ont rien de danseurs professionnels. Si tu retires la grosse fleur rouge que la femme porte dans les cheveux, ils ont tous deux l’air de bosser pour une banque ou une compagnie d’assurance. Ils ressemblent à n’importe quels employés de bureau de ton pays... sauf que le mouvement, lui, n’a rien à voir.
Tu t’étonnes qu’un jour de semaine, tout ce joli monde se permette un tel apéro de cowboy. Tu fronces les sourcils en imaginant la migraine de lendemain. Commet font-ils ? En regardant mieux, sur la table, peu de verres d’alcool, deux ou trois verres de bière tout au plus. Le reste est essentiellement des jus de fruit et des sodas. Tu réalises avec plaisir que, dans certains coins de ce monde, il n’est pas forcement besoin de boire beaucoup d’alcool pour être en état d’ibérité.
Pepito-mate con ramon y crouton