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VITDITS ET AGLAMIETTES
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Vous venez d'atterrir sur le blog d'AGLAMIETTES où sévissent Aglaé, Thomas et Dan.

Chez nous, vous trouverez des textes courts, des aphorismes pas toujours très sérieux, des réparties dites VD, ou « Vitdit » pas vraiment classiques, mais, autant que possible humoristiques.

Laissez-nous un commentaire si vous avez le temps et l'envie.

Les commentaires sont accessibles sous chaque post de nos auteurs.

Une réponse vous sera adressée (sauf caprices de l'informatique toujours possible) !

vitdits-ecran

Participez sous la rubrique : « Le Plumard » réservée à nos amis et invités.

A bientôt !

19 décembre 2012

Un souvenir de lecture...aglaé...Jules Renard...

jules

C'est un tout autre ouvrage, et beaucoup plus proche de nous, qui m'a laissé les traces les plus vives au long de lectures et de relectures à partir de l'âge de trente ans, au moment de sa parution dans la célèbre collection de la Pléiade en mille neuf cent soixante. Il s'agit du journal de Jules Renard. J'ai tant aimé ce livre que je l’ ai offert autour de moi le plus souvent possible. Et toujours, les autres l'ont aimé.

Ce qui m'a conquis d'emblée c'est sans doute la diversité de l'ouvrage : divers sans être frivole. S'y côtoient des portraits de paysans, des mots d'enfants, des notes de lecture, des critiques de théâtre. À des pages ironiques de chroniques parisiennes se succèdent d'amers constats sur les embrouilles de famille, des scènes de boulevard, des propos sur l’amitié légère qui permet d'oublier le côté noir de la vie. Rien de disparate pourtant car le sacré style tranchant de Renard décape tous les sujets, leur donnent la densité et parfois, la gravité nécessaire.

 

Mais le premier plaisir de ce livre, un plaisir soudain, énorme, renouvelé, réside dans l'esprit même de Jules Renard. On peut et on doit ouvrir ce livre à n’importe quelle page. C’est à chaque fois une merveilleuse surprise. Ma mémoire est encore remplie de ces mots lapidaires, inoubliables, excellents dans leur fond comme dans leur forme. Je les retrouve toujours avec le même bonheur et chaque fois que j'ouvre le livre je pique quelques pépites oubliées dans un coin. Et quand il n'écrit pas lui-même ses propres mots comme autant de feux d'artifice, il cite avec talent ceux de ses amis. Et ils étaient nombreux à avoir du talent : Rostand, Guitry, Tristan Bernard, Courteline, bien d'autres encore moins connus.

 

« Une fois ma résolution prise, je reste encore indécis ».

« J'ai plus d'une fois essayé d'être triste un jour entier. Je n'ai pas pu. Même pas ça ! ».

« Antoine comprend la réalité, pas la poésie, qui elle aussi, est vraie ».

« Femme. C'était voluptueux, sa façon de fermer un tiroir avec son derrière ».

 

Les portraits des membres de sa famille sont nombreux, tristes ou drôles. Parmi lesquels celui de sa propre mère qui, sous le nom de Madame Lepic deviendra l'affreuse marâtre de Poil de Carotte, autre lecture, autre souvenir.

En quelques lignes, il nous parle de son père :

 

« Il avait un geste familier. Il s'accoudait du bras droit, posait sa joue sur ses doigts et, de l'ongle du petit doigt libre, se touchaient une dent rentrée. Il m'a laissé ce tic, il m'a laissé la peur des lavements et les réponses évasives. Mon frère et ma soeur ont hérité d'autres tics. Les mots « filial » et « paternel » ne signifiaient rien entre nous. Un mélange d'estime, d'étonnement et de crainte, voilà ce qui nous reliait. J'avais le soin de dire qu'il n'était pas comme les autres, et le souci de montrer qu'il ne me faisait pas peur.

Moi, je m'arrache les poils du nez comme il faisait, mais, plus sédentaire que lui, j'exagère. »

 

Renard n'a pas été un grand voyageur : il a vécu la moitié du temps à Paris, et le reste à la campagne, une campagne qu'il connaît très bien, des paysans qu’il nous montre, en quelques phrases rapides, plus vrais que nature :

 

« C'est la coutume, ici, qu'une fois par an le garde champêtre et un maçon aillent, à l'entrée de l'hiver dans toutes les maisons du village, pour faire une tournée de sûreté. Ils visitent les cheminées, tâtent les fours et boivent la goutte. À la dixième maison, ils sont saouls. Ils touchent chacun à trois francs par jour, et ça dure trois jours. Cette année, quand Papon est venu dire au maire qu'il allait faire sa tournée, papa, qui avait dû déjà le mettre à la porte  l'année dernière, a supprimé cet usage qui ne repose sur aucune loi. Il a dit à Papon :

 

- Si ça te rapporte neuf francs j'aime mieux t’en donner dix huit pour que tu te tiennes tranquille…

Malgré les gouttes, Papon a répondu :

- Comme vous voudrez. Moi, ça m'est égal, Monsieur le maire.

Mais Papa a oublié de donner les dix huit francs.

 

Il a aimé le théâtre. Les femmes aussi. De l'un et des autres , il écrira les choses les plus tendres et les choses les plus rosses.

Après une représentation, il dit :

 

« Notre opinion, c'est la moyenne entre ce que nous disons à l'auteur et ce que nous disons à nos amis ».

« Quand je serre une femme dans mes bras, je me rends parfaitement compte qu'à ce moment encore je fais de la littérature. Je dis tel mot parce que je dois le dire, et parce qu'il est littéraire. Même alors, il m'est impossible d'être naturel. Je ne sais pas l'anglais, mais je dirais plus volontiers : « je t’aime » en anglais, que « je t'aime » en naturel.

 

Enfin, comment oublier des tournures singulières et réjouissantes dont Jules Renard se sert pour nous parler des animaux. À leur sujet, les réflexions du journal, sont tout aussi plaisantes que dans les Histoires Naturelles, autre livre encore, autre souvenir.

 

« Heureux les cochons qui occupent toute leur tête à manger, et ne parlent qu'avec la queue ».

« la pie voletait, vêtue en soeur de charité ».

« Une asperge à tête de serpent, de vipère ».

« Les escargots et leurs petits bâtons pour manger, comme les Chinois ».

 

Après avoir lu le début de ce court chapitre, mon mari fait une réflexion qui paraît tout à fait avisée : ce que j'ai vu, retenu, et transcrit ici de ce livre est, sans aucune hésitation à ses yeux, d'inspiration exclusivement  féminine ! au lieu de noter en priorité le caractère pessimiste et distancié de l'homme et de l’œuvre ; ça le fait sourire ! Avant de quitter Renard il serait bon de  noter que c'est en entomologiste objectif qu'il regarde la réalité, celle des choses et celle des hommes. Partout il constate la noirceur des comportements et les difficultés du destin des hommes. Il les décrit au plus près, en détail, sans ménagement, puis il s'en amuse ironiquement, dissipant son malaise par le génie de son écriture. Face à lui-même, il est sans indulgence. Il meurt à quarante six ans et c'est seulement quinze ans après sa mort que paraîtra le fameux journal, mal reconnu alors par le grand public, mais tenu aujourd'hui pour un des plus grands livres de son siècle.

 

Aglaé Vadet

 

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Commentaires
A
Doudou, aussi bon que jules Renard:<br /> <br /> " Je me demande pourquoi les gens s'entêtent à écrire en Français alors que, manifestement ils ne connaissent pas le Français! ILs seraient bien mieux en écrivant une autre langue qu'ils connaissent!"
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A
....merci Hervé!...il y a d'autres auteurs interessants dans la même série et c'est bon à savoir...J'engrange!e
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H
Et c'était un grand ami de Lucien Guitry (esprit éblouissant s'il en fut ! :-)<br /> <br /> Tiens, un petit bijou : <br /> http://tinyurl.com/3y2g5q8<br /> <br /> RV
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