Bab’ha louga
Bab’ha louga
Une histoire captée à la volée en écoutant la radio,
au volant, entre deux rv,
super, extra, hyper importants (et même plus...).
Babalouga voudrait que le monde aille mieux, que les gens soient plus heureux, mais Babalouga ne sait pas comment s’y prendre. Babalouga réfléchit, réfléchit et un jour il a une idée.
- Je ne sais que raconter des histoires, se dit-il, alors je vais en raconter au monde.
Le lendemain matin Babalouga s’installe en plein milieu du parc et commence à déclamer des contes. Les passants, pressés comme seuls savent l’être les passants pressés, passent tout autour de lui et certains lui jette un coup d’œil étonné.
- Qui est donc ce fou qui braille seul à la face du monde ?
Un haussement d’épaule et les passants continuent de passer, pour aller vaquer à leurs affaires, pressés, toujours.
Pour ce coup d’essai, Babalouga n’a pas rencontré un grand succès, à part un enfant et un chien, personne ne l’a écouté de la journée. Mais il en faut plus pour le décourager. Le lendemain il revient, s’installe de bonne heure dans le parc et reprend ses contes. Le succès est encore plus faible que le jour précédant, si c’est possible. Certains promeneurs le traitent de vieux fou. Mais Babalouga ne faiblit pas, sans arrêt toute la journée, il raconte. Il raconte des histoires pour les arbres, la pelouse et les graviers du parc.
Et le lendemain, et le lendemain encore, et les jours qui suivent, Babalouga revient au parc. Il a épuisé tous ses contes, mais il les reprend depuis le début, modifiant un mot par-ci par-là, ajoutant une anecdote, bonifiant ses histoires chaque jour un peu plus. Toujours aucun quidam pour l’écouter. Il fait maintenant partie du décor et personne ne le remarque même plus. Mais chaque jour il revient.
Un jour d’hiver, par un froid du diable, Babalouga déclame dans le parc. Un nuage de buée sort de sa bouche et s’en va faire de petites stalactites sur les arbres en face. Indiffèrent à l’indifférence des rares promeneurs, il va pour relancer un nouveau conte quand il sent que quelqu’un le tire par la manche. Il se retourne, baisse les yeux et aperçoit un petit bonhomme haut comme trois pignes de pin. L’enfant l’interpelle :
- Babalouga, pourquoi tu racontes des histoires tout le temps comme ça ?
Tout content d’avoir enfin un public, Babalouga explique son but à l’enfant.
- Le monde est triste, je veux le rendre heureux en lui racontant des histoires.
- Bah, personne ne t’écoute, à quoi ça te sert de continuer à parler dans le vide ?
Babalouga réfléchit deux secondes et répond à l’enfant.
- J'ai compris que je ne changerai pas le monde, mais je continue à raconter mes histoires, pour que le monde des conteurs et des poètes, lui, ne change pas.