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VITDITS ET AGLAMIETTES
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Vous venez d'atterrir sur le blog d'AGLAMIETTES où sévissent Aglaé, Thomas et Dan.

Chez nous, vous trouverez des textes courts, des aphorismes pas toujours très sérieux, des réparties dites VD, ou « Vitdit » pas vraiment classiques, mais, autant que possible humoristiques.

Laissez-nous un commentaire si vous avez le temps et l'envie.

Les commentaires sont accessibles sous chaque post de nos auteurs.

Une réponse vous sera adressée (sauf caprices de l'informatique toujours possible) !

vitdits-ecran

Participez sous la rubrique : « Le Plumard » réservée à nos amis et invités.

A bientôt !

25 septembre 2016

Pepito raconte Cupidon...bouleversant!

Le retour de Cupidon-PEPITO ! (nouvelle version)

 

cupidon

 

 Si à la St Valentin elle te prend la main, vivement la St Brigitte…

 

 

 

Dans la plupart des amours,

il y en a un qui joue et un autre qui est joué.

Cupidon est avant tout un petit régisseur de théâtre. 

- Nietzsche -

 

 

 

C’est Luc, il me semble, qu’a eu cette idée. Tout le monde a été d’accord, évidemment, c’était tellement énoooorme ! Même si Marie a trouvé un truc à redire :

- Le problème c’est que nous sommes sept, et sept c’est pas un nombre pair. 

Faut le reconnaitre, Marie a toujours été callée en math et pour le coup, elle n’avait pas tort. Pas que le nombre total gênait, mais nous étions quatre garçons pour trois filles et, ça, pour un week-end Saint-Valentin, c’était un sacré problème...

Heureusement, Luc n’était jamais à court d’idées.

-  C’est simple, un des garçons va jouer le rôle de Cupidon et désigner les couples !

J’ai dû soulever un sourcil dubitatif, surtout quand les autres ont tous approuvé avec un enthousiasme tonitruant. Emporté par l’élan, Thomas a enchainé :

- Il ne reste plus qu’à tirer au sort le garçon qui va jouer Cupidon.

Aïe, je le sentais pas bien le coup du tirage au sort. Depuis quatre mois que je faisais partie du groupe, la loterie a rarement été en ma faveur. Au début j’ai cru à une sorte de bizutage, mais il a fallu que je me rende à l’évidence, j’avais un sacré manque de veine. Chaque fois qu’une corvée se profilait à l’horizon, genre ranger les habits de scène, faire répéter son texte à un quidam, aller chercher des bières en milieu de soirée,… on tirait au sort et c’était pour ma pomme. Mais si c’était le prix à payer pour faire partie de la bande la plus glamour du département Arts Dramatiques et Théâtre de la Fac, cela en valait largement la peine.

Un peu de brouhaha pour fêter la toute nouvelle idée géniale et Thérèse s’est désignée d’office pour plouffer entre les garçons… Sans la moindre surprise j’ai été nommé, et haut la main, grand lauréat du prix Cupidon ! Aussitôt chacun s’est précipité pour m’aider dans ma tâche. Cécile a voulu me faire un déguisement doré,  Sébastien a proposé de me prêter son arc de chasse, Marie avait une paire d’ailes en stock… ajoutez à tout ça mon physique de petit gros joufflu frisé et j’étais parti pour, le soir de la Saint-Valentin, être le Cupidon le plus réaliste que la Terre ait jamais porté. 

Le matin du 14 février nous nous sommes tous entassés dans la camionnette du père de Luc : six places assises, plus une, en vrac, dans la malle. Nous n’avons même pas fait appel au hasard, je suis allé direct prendre place au milieu des sacs à dos, à provisions et autres tentes à déploiement automatique. Thérèse et Sébastien, assis à l’arrière, on quand même trouvé curieux que je sois au fond, alors que j’étais le seul à savoir où nous allions. Cécile et Thomas, au milieu, ont approuvé en rigolant. Luc, Marie à son coté, a répondu qu’il serait tout aussi sympa de se transmettre les instructions façon téléphone arabe. Cécile et Thomas, au milieu, ont re-approuvé en se marrant et nous voilà parti pour le lac de l’oncle Joseph.

Ha oui, j’aurais peut-être dû commencer par ça. En fait, c’est au moment où je décrivais le restaurant de mon Tonton, perdu dans les montagnes, au bord d’un lac avec une île arborée toute mimi au milieu, que Luc a eu l’idée de cette petite fête. Alors que moi, je ne voulais que leur raconter comment, l’été d’avant, j’avais construit un radeau pour aller du débarcadère du restaurant jusqu’à une plage de l’ile… Il arrive parfois que les choses s’enchaînent de drôle de façon.

Bref, hormis le fait que l’arc de Sébastien me labourait les cotes à chaque virage, le voyage a été sans histoire et nous sommes arrivés sur le parking du restaurant en milieu d’après-midi. Un salut rapide à l’oncle Joseph, tout surpris de me voir, et tout le monde s’est précipité sur le radeau, direction l’île du milieu.

A peine débarqués, nous avons déployé trois tentes biplaces : plop-plop-plop ! Plus une autre, plus grande : plooop ! Cette dernière fut pompeusement baptisée « Temple de Cupidon » et nous y avons entassé, en plus de mon sac de couchage, matériel et provisions. Ensuite, les filles se sont fait un malin plaisir de me déguiser en chérubin ailé. Une heure plus tard, nous étions tous autour d’un grand feu, à décapsuler force canettes de bière : pssiit ! pssiiit ! et re-pssiit !  Même Thérèse, qui normalement ne bois-jamais-parce-que-elle-peut-pas-vu-qu’après-elle-est-toute-malade. Vers minuit, nous en avions éclusé un sacré paquet, assis plus ou moins en rond et ronds, à prévoir un autre monde, à délirer sur un peu tout. La discussion a évidemment dérivé sur l’amour. Marie toujours aussi fleur bleue :

- Pour moi, l’amour, c’est quand un couple regarde dans la même direction.

- Non, là tu confonds avec la levrette, a paraphrasé Luc, ovationné par les garçons.

Ce que j’étais bien, là, sous le ciel étoilé, entouré par la bande de potes la plus adorable que l’on puisse imaginer… C’est à ce moment-là que Luc s’est redressé, a pris Cécile par l’épaule et d’un air conquérant, a déclaré qu’il était temps pour moi de remplir mon rôle d’entremetteur. J’ai dû le regarder avec une drôle de tête, tant j’avais oublié mon attifement doré et mon arc lanceur de sort. A côté de moi, par contre, Sébastien a réagi au quart de tour.

- Hé, tu nous fais quoi là ?! Tu vas pas nous la jouer, mâle dominant, par hasard ? Cécile est à moi !

- Mon pauvre Sébastien, tu ferais bien de cuver ta bière, lui a répondu Luc. Pour pouvoir choisir, il faut en avoir les moyens. Tu voudrais pas demander son avis à Cupidon, tant qu’à faire ?

Entre les vapeurs d’alcool et l’absurdité de la scène, je n’ai pas bougé d’un millimètre. Paralysé ! Sébastien n’a rien répondu. Il s’est levé, a machinalement ramassé l’arc et le carquois et s’est éloigné de quelques pas, boudeur. Marie a alors essayé d’arranger la situation :

- Hé les gars, arrêtez vos bêtises, on est ici pour s’amuser. Sébastien, je t’en prie, reste avec nous !

- Laisse-le, a rétorqué Luc. C’est un enfant gâté, il faut qu’il apprenne un peu à vivre !

Curieusement Cécile ne semblait pas malheureuse d’être la pomme de discorde, elle a même laissé échapper un petit gloussement guilleret. Sébastien s’est arrêté, a posé le carquois, s’est retourné et, sans un mot de plus, a décoché une flèche en plein dans la poitrine de Luc : tchac ! Il s’est ensuite légèrement tourné vers moi et a dit :

- T’as vu Cupidon, plein cœur !

La scène semblait comme arrêtée… plus un bruit, si ce n’est le choc mou du corps de Luc s’affalant sur le sol. Puis Cécile s’est mise à hurler, une vraie sirène. Sébastien s’est baissé, a tranquillement ramassé une deuxième flèche et dans le même geste, l’a décoché au jugé… tchac !

Cécile s’est tue. L’empennage dépassait juste un peu au-dessus de son arc de Cupidon, elle avait l’air d’avoir éternué une plume. Elle s’est écroulée à son tour, le visage tourné vers le feu. Là, pour le coup, la scène s’est animée. Tout le monde s’est levé d’un coup en hurlant.

Thérèse s’est retournée pour partir en sprint du côté des tentes. Mauvaise pioche, elle a chopé le trait entre les omoplates, tchac !  et s’est affalée sous l’auvent du Temple de Cupidon. Le temps que Sébastien se baisse pour saisir un nouveau projectile, Thomas a hésité un seconde. Il a regardé vers Marie, restée aussi immobile qu’une statue - une statue avec une sacrée danse de Saint-Guy, quand même – et s’est précipité vers le sous-bois tout proche. La flèche qui lui était destinée s’est plantée, vibrante, dans un jeune chêne, stoonggg !  

Marie a enfin trouvé la force d’articuler :

- Séb… Sébastien, arrête qu’est-ce que tu fais ? Tu ne vas p…

Tchac ! 

Là c’est moi qui l’ai pensé. Plein cœur !

Comme je ne devais pas représenter un problème immédiat, Sébastien m’a ignoré pour se lancer à la poursuite de Thomas. Il m’a semblé judicieux de profiter de sa distraction pour aller faire un petit tour.

M’éloignant du feu, j’ai plongé dans la nuit noire. Rejoindre le restaurant de mon oncle à la nage était impossible, l’eau était trop froide. Le seul moyen d’échapper à la crise de folie de Sébastien était de retrouver le radeau. Tout en avançant plus ou moins à tâtons, je surveillais la direction approximative prise par les deux autres. J’avais un avantage, je connaissais bien cette île, ce n’était pas leur cas. J’en eu la confirmation quelques secondes plus tard, en voyant briller la lumière d’un téléphone. Thomas devait essayer d’appeler des secours. Peine perdue, pas le moindre réseau au milieu de ce lac de montagnes. Par contre, dans la nuit, la lumière d’un portable se repère à grand distance. Une seconde plus tard, j’entendis un tchac ! suivi d’un haaargh ! et vis la petite lumière virevolter avant de disparaitre. Je continuais d’avancer, me sentant de plus en plus seul...

Sous mes pieds, des galets roulèrent en s’entrechoquant. J’étais arrivé sur la plage. Sur ma droite, à la faible lumière des étoiles, je reconnu la forme sombre du radeau. Encore quelques pas, le temps de détacher le bout d’amarrage de son arbre et je poussais sur l’embarcation de toutes mes forces. Entre la vase et le poids de l’engin, pas facile de le faire bouger. Il a enfin décollé, deux pas d’élan et j’ai sauté sur la plateforme.

- Tss, tss, Cupidon, on cherche à s’envoler ?

Accroupi sur le plancher de bois, curieusement, j’ai d’abord pris conscience du ridicule des deux ailes blanches dans mon dos, puis mes mains se sont mises à trembler. Désespérément, je cherchais une solution, rien ne venait, alors je me suis retourné. Sébastien était dans l’eau jusqu’aux genoux, arc tendu, flèche pointée sur ma poitrine. Emporté par son erre, le radeau s’éloignait lentement de la plage.

- Tu vas revenir bien gentiment vers moi, sinon je vais t’épingler comme un…

Je ne saurais jamais à quoi j’étais censé ressembler. Il a soudain basculé en arrière, sa tête disparaissant sous l’eau dans une gerbe d’éclaboussures… splatch !  Il m’a fallu une fraction de seconde pour comprendre que son pied s’était pris dans une boucle de l’amarre. Je me suis d’abord précipité sur la perche, avec l’idée saugrenue de pousser le radeau vers le large. Lui barbotait, affolé, essayant de libérer sa cheville d’une main, sans pour autant lâcher son arme. J’ai enfin réalisé qu’il ne servirait à rien de s’éloigner de la rive s’il restait accroché au radeau. Avec des gestes mal assurés, j’ai levé ma perche pour tenter de l’assommer. Il a vu mon mouvement, a pris appel sur le fond du lac de sa jambe libre et, le torse remontant au-dessus de l’eau, il a tendu son arc. Au sommet de son élan, ma perche l’a arrêté, net. Ça a fait chtong !  sur son crâne. Pas suffisant fort, pourtant, pour masquer le tchac !  de sa flèche pénétrant dans mes chairs.

J’ai suivi la douleur, regardé l’empennage dépassant au-dessus de ma hanche droite. Au moins je l’avais empêché de viser juste. J’ai cherché Sébastien dans le noir, mais je n’ai rien vu, rien entendu. Le sang commençait à tacher mon habit doré, il fallait faire vite. Serrant les dents, j’ai repris la perche et poussant d’une seule main, j’ai fait avancer le radeau vers les lumières du restaurant. De l’autre rive du lac, me parvenait le brouhaha étouffé de voix joyeuses, surement des fumeurs en train de griller une cigarette sur la terrasse.

Je ne sais pas exactement à quel moment Sébastien s’est détaché. Ce qui est sûr, c’est que je ne l’ai jamais revu.

 

***

 

Cela fait un bon moment que je poireaute, tout seul, assis devant le bureau du lieutenant Legendre. Pas méchant le bonhomme, mais depuis plusieurs jours que je le côtoie, il commence à me fatiguer avec ses questions. Voilà au moins quatre fois que je raconte l’histoire par tous les bouts. La première fois j’étais encore à l’hôpital, le bide couvert de pansements. Je ne sais pas ce qu’il veut exactement, j’ai l’impression qu’il cherche une explication à la folie de Sébastien…

Si c’est ça, il est pas arrivé…

La voix de Legendre résonne dans le couloir, il termine une conversation au téléphone et entre dans la pièce, un dossier sous le bras :

- Excusez-moi, j’attendais une information pour éclaircir un point précis, dit-il en s’asseyant. Il pose son dossier sur le bureau, en tapote la couverture d’un air distrait, puis lève les yeux sur moi.

- Savez-vous de quoi est morte votre amie Thérèse ?

- Heu, ben… elle s’est pris une flèche… non ?

- Hmmm… j’ai là son rapport d’autopsie. D’après le légiste, elle est morte asphyxiée... noyée par son vomi suite à un coma éthylique… la flèche l’a transpercée post-mortem.

Meeeerde ! Même morte, Thérèse cherche encore à me jouer un tour…

- Ben là, heu… lieutenant,  je ne sais pas trop quoi vous dire…

- Je m’en doute, vu que vous avez déclaré qu’elle a été touchée de dos, en pleine course. Mais il y a autre chose… Ce matin, un de mes collègues est allé jeter un œil chez votre oncle. Il vient de m’appeler, savez-vous ce qu’il a trouvé sur une étagère du restaurant ?

- Heu… je ne sais pas trop, des casseroles je suppose ?

- Pas seulement. Il a aussi trouvé un trophée de champion régional de tir à l’arc… avec votre nom gravé sur le socle.

Le lieutenant Legendre me regarde un instant, droit dans les yeux, puis reprend la parole :

- Il me semble que vous avez encore des choses à me dire.

Marrant, il me dit ça sur le ton d’un curé cherchant la confession. Ce n’est pas trop mon truc et surtout, il m’est difficile de tout lui raconter. Certains souvenirs sont trop… personnels.

Je nous revois encore autour du feu, à rire, à discuter de tout de rien. Cécile était à ma droite, Thérèse s’était déjà allongée sous l’auvent du Temple de Cupidon. C’est vrai, elle n’a jamais supporté l’alcool. Secouée par les salves de rire, petit à petit, Cécile s’est décalée vers moi. A un moment, sa main a touché la mienne. Je me suis immobilisé, me demandant si c’était fait exprès, n’osant rompre le contact… Sentant mon trouble, elle s’est tournée vers moi, la tête légèrement penchée sur le côté, le regard par en dessous. Quand elle a serré ma main, j’ai senti mon visage s’empourprer, mes oreilles devenir brulantes, j’ai attribué ça aux vapeurs d’alcool. Elle a souri, carrément, j’ai dégluti, péniblement. Statue au cœur hoquetant, j’ai attendu la suite. Elle m’a encore regardé quelques secondes, bien en face, et s’est approchée, lentement, une moue délicieuse sur les lèvres. J’ai résisté le plus longtemps possible, me régalant de son visage. Au dernier moment j’ai fermé les yeux, tendu mes lèvres vers les siennes. Je ne sais si c’est le laps de temps, trop long ou les rires, trop forts, j’ai soudain relevé les paupières. Cécile s’éloignait déjà pour rejoindre Luc et vous étiez tous là, à me regarder, tordus de rire. Pire, Thomas, portable à la main, venait d'immortaliser ma déconfiture.

J’étais si contrarié que je me suis levé sans même m’en rendre compte, j’ai avancé de quelques pas, m’éloignant du feu. Mes oreilles bourdonnaient, très fort, je n’ai pas entendu la dernière raillerie de Luc. Juste l’éclat de rire général qui a suivi. Je me suis retourné, vous étiez tous autour du feu, gorges déployées, à me dévisager…

Le lieutenant toussote. Mes souvenirs s’envolent et je me ressaisi. C’est vrai, il attend toujours sa vérité. Je reprends à voix basse :

- Heum… Vous savez, quand j’ai gagné ce concours de tir à l’arc, j’avais à peine dix ans. Nous n’étions que deux ou trois participants de mon âge, ce n’était pas vraiment un exploit. Après tant d’années, il ne m’en reste pas grand-chose.

Pour le reste, lieutenant, je dois vous avouer ma… lâcheté. Quand les flèches se sont mises à siffler, je me suis jeté au sol et j’ai fermé les yeux. Jusqu’à mon départ vers le radeau je n’ai rien vu, juste essayé d’interpréter les bruits et les cris, de deviner le déroulement de la scène… et pour Thérèse, manifestement, je me suis trompé.

Legendre s’agite sur son siège. A la tête qu’il fait, je réalise qu’un tout autre scénario avait pris forme dans sa tête. Un scénario où mon rôle était bien différent, l’impression qu’il se voyait déjà en train d’arrêter un serial killer. Au fond il ne lui restait qu’un point crucial à confirmer : étais-je un gars assez dur pour m’embrocher, moi-même, une flèche dans le bide ? Manifestement, il n’a pas la moindre idée du mal que cela peut faire…

Il tourne encore un moment autour du pot et finit, à contrecœur, par se contenter de ma déposition. Je signe ou il me dit de signer et, après une ultime poignée de main, je prends congé.

Quelques minutes plus tard, solitaire, je m’éloigne à pieds du poste de gendarmerie. Depuis ce jour funeste je me sens abandonné... désespérément seul. J’étais si heureux avec vous tous, vous étiez mes héros ! Pourquoi, mes amis, pourquoi m’avez-vous fait ça ?

Certes, vu de l’extérieur je pouvais passer pour un souffre-douleur, celui que vous moquiez en permanence, jusqu’à me faire tenir la chandelle pour vos agapes de la St Valentin. Mais pour moi, tout cela n’était que blagues potaches, un simple jeu… du moins jusqu’au faux baiser de Cécile.

Car cette dernière moquerie m’a fait très mal, trop mal. Pour fuir la souffrance et la honte, je me suis éloigné du feu de camp. Mais la crécelle de vos rires gras continuait de me vriller les tympans. C’était atroce, cela ne semblait pas vouloir cesser. Protégé par la pénombre, j’ai voulu me boucher les oreilles. C’est à ce moment que j’ai pris conscience de l’arc dans ma main.

La suite a été étrangement fluide. Sans trembler, j’ai ajusté le carquois autour de ma taille, serré le bracelet sur mon avant-bras, passé le gant trois doigts. Dès que j’ai soulevé l’arc, les réflexes sont revenus, mes pieds ont pris la position au carré, j’ai encoché, plume coq à gauche, trouvé l’allonge idéale…

Luc, toi le beau gosse aux blagues si drôles, tu es bien obligé de le reconnaitre… tu avais largement mérité d’ouvrir le bal. Sur ta poitrine j’ai imaginé un blason, juste après la décoche j’ai pensé :

- Plein Noir ! Pour un Cupidon d’opérette, je n’ai pas perdu la main.

Puis ce fut toi, ma Cécile, nunuche si fière de son joli minois… tu croyais peut-être à une erreur de tir ? Non… j’étais bien placé pour savoir que, dans ton cœur, une flèche n’aurait pas d’effet. Alors j’ai un peu forcé l’allonge. Sous le choc de l’enferron ton visage s’est déformé, un vilain rictus, accentué par les lueurs dansantes du feu quand tu es tombée dans les braises… moins joli ton minois maintenant.

Pour les autres, j’ai entendu vos protestations et je suis d’accord, vous n’aviez pas mérité un tel sort. Seulement voilà, quand le vin est tiré…

Marie, la sainte nitouche, toi qui minaudait perpétuellement « Oh, c’est pas sympaaa ! », tout en te marrant à chacune de mes mésaventures. Même avec une flèche dans la poitrine, tu n’y croyais toujours pas… et pourtant.

Thomas, si prévisible. Il a suffi d’attendre dans le noir, sans bouger, que tu allumes ton téléphone pour te repérer. J’en avais besoin de ton portable, je ne voulais pas que ta dernière vidéo fasse le tour du monde… tu me comprends, n’est-ce pas ?

Haaa, et Thérèse… quand je t’ai retourné du bout du pied, j’ai regretté que tu ne te sois pas réveillée, je voulais que tu profites pleinement de tes derniers instants. Dans la nuit, j’ai cru que tu cuvais ta bière, je n’ai pas vu le vomi, et puis j’étais pressé. Sébastien avait disparu depuis un bon moment. Au fond, c’est toi qui as eu la plus belle mort. Etouffée et épinglée… un vrai papillon de collection.

Sébastien, toi, le grand sportif à l’arc de chasse ! Toi, mon coupable idéal ! Tu as bien failli me fausser compagnie… Tu étais déjà sur le radeau, fébrile, prêt à partir… juste que tu avais oublié la perche sur le rivage. Quand tu m’as entendu, tu n’as même pas osé te retourner. A genoux sur la plateforme, suppliant, tu t’attendais à ce qu’une flèche te transperce. Comme tu as dû être surpris, quand le coup de gaule t’a fait éclater le crâne…

Ensuite j’ai lassé le bracelet à ton avant-bras, passé le gant à ta main droite et serré les doigts de la gauche sur le grip de l’arc. Puis je vous ai balancé, toi et ton matériel, au milieu du lac. Sans oublier de garder une flèche pour ma mise en scène finale. Je n’avais plus qu’à finir de traverser pour rejoindre le restaurant de mon oncle.

Voilà mes chers amis, maintenant je suis seul, mais nous sommes quittes. J’espère que vous ne m’en voulez pas trop d’avoir modifié le déroulement de notre soirée Saint Valentin…

Au fait, comment avez-vous trouvé mon interprétation de Cupidon... splendide, non ?

 

***

 

PS : Désolé, je n’avais pas assez de place, en haut, pour l

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Commentaires
A
Lle même Pepito m'envoie cette belle maxime de Frédéric Dard:<br /> <br /> <br /> <br /> " Paradoxalement il n'y a qu'avec les gens intelligents qu'on peut bien déconner"<br /> <br /> <br /> <br /> C'est tellement vrai!
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