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VITDITS ET AGLAMIETTES
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Vous venez d'atterrir sur le blog d'AGLAMIETTES où sévissent Aglaé, Thomas et Dan.

Chez nous, vous trouverez des textes courts, des aphorismes pas toujours très sérieux, des réparties dites VD, ou « Vitdit » pas vraiment classiques, mais, autant que possible humoristiques.

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14 septembre 2015

CONTE... d'Isabelle Herbert...

 

 

porche

 

 

SATORI


(D'après le Capuchon Bleu, de UEDA Akinari, dans Contes de Pluie et de Lune,
lui-même d’après un conte chinois)

 

 

   Il flotte sur l’océan, dans le chahut des vagues, des montagnes abruptes mais sans lignes droites, souplesse conjuguée du poignet, de l’encre et du pinceau. Il flotte des montagnes, porteuse de pins, maigres opiniâtres tortueux longévifs, des pins aux denses rameaux. Brumes et embruns, spirales tout autour, et spirales les vagues, d’une eau lourde d’écailles.

Sur l’une des montagnes grimpe, en capuchon bleu et sandales de paille, amoureux des oreillers d’herbes, grimpe un moine zen, un maître sur le chemin, grimpe vers un ermitage moins solide qu’un pin, qu’on voit penchant vers la ruine accroché à ce flanc.
Il sait qu’un ermite vit là, qui fut sage autrefois, un abbé shingun devenu fou à la mort du jeune garçon qui le servait. Il ne put se détacher de sa dépouille, couvrant nuit et jour le cadavre de caresses, et finit par en dévorer et sucer toute la chair putréfiée. Sa passion n’en fut pas apaisée et il s’était mis à descendre nuitamment dans la vallée, déterrer et dévorer les morts de fraîche date en terrifiant les villageois.

Aussi Kwai.an, le moine au capuchon bleu, frappe-t-il à la tombée du jour au portail de ce pauvre monastère et s’assied dans la cour pour la nuit. Tout le temps qu’elle fut nuit, passe et repasse devant lui sans le voir, presque transparent à force d’être décharné, l’ermite qui court et bondit et se penche et vacille et saute et cherche, dans la lumière de la lune maugréant et jurant, quelque chose qu’il ne trouve pas. Puis s’écroule le visage jusqu’à l’aube dans la terre.


A l’aube il se redresse, hébété comme au sortit du saké :

- Quoi, tu étais là ?
- Je n’ai pas bougé, dit le moine zen. De quoi souffres-tu ? Si c’est de faim, mange-moi.
- Je ne t’ai pas vu, je ne t’ai pas vu, recula l’ermite effrayé. Tu peux me soigner.

Alors Kwai.an le fit asseoir sur une pierre plate, lui mit sur la tête son capuchon bleu :

- Reste ici avec ces vers, dis-les, vraiment, quand tu en auras pénétré le sens, vraiment, tu seras guéri.

« Sur le fleuve, la lune brille, dans les pins, le vent souffle ;
Longue nuit, nuit pure : quelle en est la raison ? »

Et le moine zen tête nue repartit, vers d’autres vagues, d’autres montagnes.

Quand il s’en revint, un an plus tard, la ruine du bâtiment avait bien progressé, le toit pendait à moitié, un mur s’était écroulé. Au milieu de la cour, sous des volutes de ronces et de capucines, un capuchon bleu répétait sans se lasser les deux vers proposés. Kwai.an s’approcha, et de son bâton de prière, il le frappa à la tête. Comme une petite cascade sèche, des ossements légers s’effondrèrent, et les plantes volubiles aussitôt les habillèrent.

 

Isabelle Herbert

Photo de Clara.

 

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Commentaires
I
alors merci Dan-pêcheur :-)
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I
Merci ma Glaé. Tu as repêché ce conte-ci dans le recueil ?<br /> <br /> <br /> <br /> La photo est en fait de Clara.<br /> <br /> <br /> <br /> Bise<br /> <br /> Isa
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A
Conte tiré du recueil "On l’écrira en vert" d'Isabelle Herbert chez Emeutes...
Répondre
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