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VITDITS ET AGLAMIETTES
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Vous venez d'atterrir sur le blog d'AGLAMIETTES où sévissent Aglaé, Thomas et Dan.

Chez nous, vous trouverez des textes courts, des aphorismes pas toujours très sérieux, des réparties dites VD, ou « Vitdit » pas vraiment classiques, mais, autant que possible humoristiques.

Laissez-nous un commentaire si vous avez le temps et l'envie.

Les commentaires sont accessibles sous chaque post de nos auteurs.

Une réponse vous sera adressée (sauf caprices de l'informatique toujours possible) !

vitdits-ecran

Participez sous la rubrique : « Le Plumard » réservée à nos amis et invités.

A bientôt !

22 décembre 2013

Félicien Marceau....Elle(la femme)....troisième partie de la nouvelle....la fin la prochaine fois!

ZZZZZZZZcouvFM


Troisième partie
Elle (la femme)

– Ah, Paris...
Puis, moi:
– tu vis seule?
– Non. Il a pris le bateau ce matin. Il m'a installée ici. Il vient de temps en temps.
– Lequel était-ce hier ?
C'était l'homme à la tête de rat.
Rien pourtant n'est jamais tout à fait pur. Au moment de nous quitter, elle m'a dit :
– Tu penseras parfois à moi ?
J'ai dit oui.
Chose étrange : de n'avoir plus jamais pensé à elle, il me semblait maintenant que cela avait gardé à mon  souvenir toute sa fraîcheur. Je revoyais, je revoyais tout, net,lisse, brillant, le restaurant, la maison, les enfants, la pénombre rayée. Mais en même temps, tout cela je ne le revoyais que par éclairs, par saccades, comme sous les à-coups d'un projecteur, comme si quelqu'un voulait m'en empêcher, comme un prénom qui vous échappe ( et le sien que je ne retrouvais toujours pas). A un moment, je me rappelle, elle s'est levée, elle a tiré les persiennes d'une des fenêtres et, au-delà d'elle qui était nue, sous un soleil sauvage, j'ai vu une colline couverte de cactus. Des cactus énormes hérissés, menaçants , serrés les uns contre les autres, comme un mur, comme une armée barbare. Et là,  maintenant, près de moi, c'était comme si elle s'était cachée derrière ces cactus. Elle courait, fuyait entre les cactus. Ils lui déchiraient le chemisier rouge, j'en apercevais les lambeaux mais, derrière ces lambeaux, le corps m'échappait, je le voyais, je ne le voyais plus, ce grand corps derrière la fenêtre, ce grand corps foncé avec les deux bandes blanches qu'imposait encore la pudeur aux bains de soleil et qui sont comme une obscénité dernière. Et c'était cette femme à côté de moi qui brouillait tout. Cette femme épaisse, cette dame, cette matrone en pantalon vert. De sa grande main, elle rayait ma grande fille. Son visage m'empêchait de retrouver l'autre, le gommait, le déformait. Il y avait ses cheveux. Ses cheveux roux. Elle devait y mettre une  laque. Ses boucles étaient raides et sèches  comme des copeaux. Il n'y avait plus de cheveux roux. Il y avait des cheveux gris. Non, il est vrai, le gris de l'âge. Un gris d'acier. un gris voulu. Un gris de coiffeur.. Mais gris ! Il y avait ce regard. Ce regard qui s'était ouvert. Il n'y avait plus de regard. Ou plutôt, dans ce regard, il n'y avait plus rien. Deux yeux,. Deux fenêtres. Mais ouvertes sur rien. L'autre, elle était vivante. Dans la pénombre rayée (un moment, couché le long de moi, elle a pris  ma main et l'a sérrée si fort), dans le restaurant, le genou avançé, le bras à demi plié, l'amour est un bouquet de violettes ! Je t''en foutrai des violettes ! Il n'y a jamais eu de violettes ! Cette femme à côté de moi, elle n'était plus vivante. Je vais vous dire : j'avais l'impression d'errer dans une maison abandonnée. Restait la voix. Sa voix d'enfant. Sa voix niaise. Il me semblait qu'elle m'appelait mais sans même savoir qui elle appelait et de très loin, de derrière un autre corps, de derrière ces foutus cactus.
– Penses-tu ! Dit-elle. Je ne sais même pas comment il s'appelle.
–    Qui ?
–    - Mon bonhomme .                                                           
Quelque chose dans ces propos avait dû m'échapper. J'essayais de me rattraper.
– C'est toujours le même ?
– Toujours.
Elle l'avait dit comme si cela allait de soi. La même île. Le même bonhomme. Le temps, un énorme pan de temps avait tourné. Pour elle, en vain.
– Qu'est-ce que tu veux dire, que tu ne sais même pas comment il s'appelle ?
– Non, je ne sais pas.
– Et quand tu lui parles ?
– Quand je lui parle, je l'appelle Bimbo.
Bimbo ? Bimbo veut dire enfant. Cet homme qui devait bien avoir maintenant soixante  ans…
– Mais je ne sais pas son nom.
– Depuis vingt ans que tu le connais ?
– Oui, depuis vingt ans.
– Mais enfin quand tu l'as rencontré? Il n'est pas sorti du néant!'.
– Si, dit-elle. Presque. Un jour, je l'ai vu dans la rue, devant la vitrine. J'étais vendeuse. Chez Reniari. À Rome, tu sais…
Non, je ne savais pas. Aucune importance.
– Il est revenu plusieurs fois. Il me regardait, derrière la vitre. Les autres commençaient à me blaguer. Un jour, il est entré. Il a acheté dix balles de golf…
– Il joue au golf ?
– Penses-tu ! C'était pour me parler. Il a dû se dire que les balles de golf, c'était ce qu'il y avait de moins cher. Puis, un autre jour, il m'a attendue. Il m'a emmenée dans un café,. Il m'a dit qu'il voulait m'installer ici, que je ne manquerais de rien. J'ai accepté, tu penses. Vendeuse, tu sais. Debout toute la journée. Il m'a dit : vous n'avez pas besoin de savoir mon nom. Bon, il se méfiait, je trouvais ça encore assez naturel. Tu sais, il y a de mauvaises femmes. Mais je pensais que ce serait l'affaire de deux ou trois semaines. Eh bien, non ! J'ai fini par gueuler tu imagines. Rien à faire. J'ai menacé de le quitter. Il m'a suppliée. Dis-moi comment tu t'appelles alors ! Non. Tout ce que je voulais mais pour son nom, rien à faire. Plusieurs fois, la nuit, je me suis levée pour fouiller dans ses poches. Rien. Pas un papier. Rien que de l'argent. Il dit toujours que l'argent, ça arrange tout. Pour ça, il n'y a rien à dire.. Je veux dire, pour l'argent. Il est régulier. Mais moi, je vis avec un fantôme!
Sur la dernière phrase sa voix avait monté.
– Avec un fantôme, avec un mort, avec personne, avec rien. Tu crois que c'est vivre ? Je ne sais même pas où il habite. Écoute ! Il a même décousu les étiquettes de ses costumes. Son métier, sa femme, ses enfants, je ne sais rien je voudrais l'appeler, il n'y a pas moyen
Une vieille anglaise est passée, qui tenait un panier. Elle a demandé : the beach? J'ai fait un geste. Mais elle 'a répondu en anglais, assez bien. Puis, mais sur un ton plus bas
– Parfois, je me dis que je rêve. Que cet homme peut-être n'existe pas, que je l'ai vu une fois devant la vitrine mais qu'il n'est jamais entré, qu'il ne m'a jamais parlé. Une nuit, je me suis réveillée. Il n'était pas à côté de moi Je me suis dit : voilà, mon rêve est fini, demain je devrais retourner chez Ranieri et ils me trouveront trop vieille, ils ne voudront plus de moi. Tu sais, la nuit on a de ces idées. Comme si j'avais rêvé mais que les vingt ans avaient passé quand même. Toute ma vie perdue, jetée dans un trou. Comme j'ai eu peur ! Je me suis levée. Il était sur la terrasse, dans le noir. J'ai hurlé. J'ai pleuré. Dis-moi ton nom ! Dis-moi ton nom ! Où tu habites. Qui tu es. Je veux savoir qui tu es. Rien. Il n'a pas voulu me répondre. Non. Non
Elle secouait la tête, à petits coups, comme une maniaque, comme il avait dû le faire, lui l'homme à la tête de rat. Cette grande fille. Qui avançait en dansant et la vie avançait avec elle. Elle était dure alors. Dure comme la pierre. Dure comme une machine. Maintenant, dans ce corps défait, je ne trouvais plus que ce seul point,ce point où s'était rassemblée toute sa dureté, cette arrête, ce caillot, ce vide, ce seul nom qui lui manquait.

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