Clansayes... ISA...
C’était à Clansayes, ça je m’en souviens, le haut du village était désert, il n’y avait que lui sous le soleil.
« Tu vois, qu’il a dit en s’asseyant sur le banc de pierre et en m’y désignant ma place du plat de la main comme s’il en testait la chaleur, tu vois, y a plein de trucs que tu ne connais pas. Ou que t’as vus sans les voir, en passant sans regarder, les yeux dedans tout retournés. Un jour c’est bon le soir quand tu as trouvé quelque chose de nouveau, qui te les a lavés un peu, les a rendus plus curieux. C’est bon pour la nuit, tu les couches plus pleins, bon pour les rêves dont tu ne te souviendras pas, et pour ton pas du demain matin.
Par exemple là, au bout du rocher sous l’église St Michel, y a des flambés, faut que tu les voies, voler à deux en plein soleil. Pas tout de suite, attends, que je te raconte un peu. La première fois que je les ai vus, j’ai cru qu’ils volaient à reculons. Parce qu’ils portent leurs ailes d’une drôle de façon. Devant ça fait comme un rond de voile presque horizontale, zébrée de noir rayonnant sur fond blanc. Et derrière ça finit en pointes, mais très fines sous des yeux d’un bleu ! Alors en vol ce côté-là, tu croirais que c’est celui des antennes. Tu attendras pour bien voir qu’ils se soient posés sur les fleurs. Ça adore les fleurs les papillons, et ceux-là plus encore. Tu peux pas les louper si tu attends assez. C’est comme ça que j’ai su leur nom, d’avoir attendu pour trouver le bon sens.
Un autre truc marrant, des fois que tu voudrais le trouver, c’est un chat barbu tout allongé carré, gravé quelque part sur l’église. Il n'est pas bien grand et on peut pas lui donner d’âge, peut-être que c’est la signature d’un tailleur de pierre qui n’en aurait signé qu’une, ou le graffiti plus tardif d’un gamin attardé ou d’un amoureux qui a longtemps attendu là. Va savoir … Ben va voir maintenant ! qu’est-ce que t’attends ? »
Je me suis levé, ai commencé docilement à descendre la ruelle vers le minuscule parvis de l’église, puis me suis retourné comme pris d’un doute. Il avait déjà disparu, et je constatai aussitôt qu’il m’était impossible de me rappeler ses traits ou sa voix, ni même si c’était un enfant ou un petit vieillard. La seule chose de sûre, en plus de la couleur de ses yeux, c’est qu’il n’était pas bien grand. Et puis j’ai trouvé les flambés et le chat.
Isabelle Herbert