Nicolas Veyron... "Dix-sept ans'... retrouvé dans les archives d'Hervé...
"On n'est pas sérieux quand on a dix-sept ans..." Rimbaud a parfois
bon dos. "Moi aussi, j'ai eu ton âge, disait Papa. On en reparlera
dans dix ans !" Dix ans plus tard revenaient les mêmes discussions,
les mêmes conflits : "On en reparlera dans dix ans", répétait-il.
J'avais pourtant vingt-sept ans, alors, et n'avais pas changé d'avis
pour autant. Ou de camp. Dix ans plus tard, j'en avais trente-sept.
Et ensuite quarante-sept. Papa est mort entretemps, à
quatre-vingt-huit ans. Si Dieu me prête vie, j'en aurai un jour
cinquante-sept, peut-être soixante-sept, soixante-dix-sept, qui
sait... Je ne crois pas que je renierai celui que j'ai été à dix-sept
ans. Je ne l'espère pas.
Ma fille avait dix-sept ans, elle était amoureuse. À nouveau. J'avais
aperçu l'heureux élu, qui m'était d'ailleurs sympathique. Ma fille
aurait voulu que je leur tienne la chandelle. Elle ne comprenait pas
que je leur souhaitais tout le bonheur possible, mais hors de la
maison familiale. "Allez-y, partez ensemble, je vous prête la tente
pour aller camper. Mais ne me demandez pas d'organiser des
fiancailles, vous n'avez pas besoin de vos parents pour vous aimer".
L'avenir m'a donné raison. Le nouvel amoureux est d'ailleurs tout à
fait charmant. Il n'est pas encore question de fiancailles
officielles.
Mon ami avait eu un fils à dix-sept ans. Dix-sept ans plus tard, il
n'avait pas davantage de plomb dans la tête. Il avait quitté la mère
de son fils, traversait une passe difficile avec sa nouvelle compagne
avec laquelle il partageait un autre enfant. Un soir, son fils
donnait une fête avec des jeunes de sa génération. Mon ami s'est
débrouillé pour finir la nuit avec une gamine. Quand on est un peu
con, on le reste.
Ma nièce a dix-sept ans. Elle est le quatrième et dernier enfant de
mon frère. L'autre jour, elle lui a téléphoné. Elle campait avec son
petit copain, à vingt kilomètres de la maison. Elle demandait à mon
frère de lui apporter sa boîte de pillules, oubliée dans sa chambre.
Elle aurait préféré demander à sa mère, hélas absente. "Si ça
t'embête, ce n'est pas grave, a-t-elle dit. Je me débrouillerai." Mon
frère n'a pas voulu savoir quelles étaient les alternatives. Il a
apporté la boîte.
Si l'on n'est pas sérieux quand on a dix-sept ans, le refus de
devenir sérieux préserverait-il du vieillissement ? Je crains que ce
soit plus compliqué que ça. Ce serait trop simple.
© Nicolas Veyron 2003