Xavier Bordes...'Amorces'...deux images essentielles pour éclairer une première série de textes...merci Xav'...
ÉCRIRE ENCORE
Écrire encore, comme si c'était la seule voie.
Et c'est la seule en effet.
Une sorte de glisse sur l'immaculé
envisageant du regard la multiplicité des voix possibles
du haut d'une hauteur intérieure qui n'est pas
mont de Vénus, mais au vrai beaucoup plus austère !
Quelle trajectoire choisir alors que menace
l'avalanche d'une éternité qui ne t'appartient pas
davantage qu'aux étoiles ?
SIMPLICITÉ
Si nul ne te lit c'est sans doute
que tu t'attaches trop à la réalité...
Tu voudrais la ciseler, en faire
une orfèvrerie de mots avec la tentation
creuser et polir sans cesse plus profond
les détails – ainsi que ces dorures baroques
qui vous saisissent par la profusion des beautés
dont elles ornent les plafonds des lieux sacrés.
Ton bureau pourtant n'est pas un «lieu sacré»
ni même ton corps ni ta pauvre vie.
Tout cela n'est qu'encre sur papier recyclé,
ou gribouillages sur écran d'ordinateur.
FUITE INUTILE
Tu files au loin, emporté par la citrouille
qu'on t'a donnée en guise de carrosse,
vers une destinée dont s'ouvre la porte
noire ainsi que la bouche du Moloch !
Les ombres te traversent, les arbres se courbent
au vent qui emporte leur neige comme au mois de mai.
Tu sais qu'en vérité nul ne monte ni ne montera
prendre place à tes côtés ! Pas même un fantôme
aimé dont le seul souvenir déchire ta mémoire
qui s'effiloche au fond d'un brouillard mortel.
COCON
Avant de te changer
en papillon blanc et dodu
(une sorte de «bombe X»!)
tu files ton cocon de poèmes :
cela va de soi – comme disent
les vers eux-mêmes... Devant toi,
tu sondes l'obscur avec des mots
pour vérifier si le mur y est...
Sans doute parce que tu es le rejeton
d'une vieille famille de sériciculteurs
.
Tu auras passé une vie à le ronger
pour élargir, dans sa paroi mince et blanche
comme une feuille, un trou par où tu puisses
apercevoir enfin l'Autre Face des choses !