Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
VITDITS ET AGLAMIETTES
VITDITS ET AGLAMIETTES
Publicité
Archives
Derniers commentaires
VITDITS ET AGLAMIETTES
Newsletter
0 abonnés
Visiteurs
Depuis la création 355 403
Vous y êtes !

Vous venez d'atterrir sur le blog d'AGLAMIETTES où sévissent Aglaé, Thomas et Dan.

Chez nous, vous trouverez des textes courts, des aphorismes pas toujours très sérieux, des réparties dites VD, ou « Vitdit » pas vraiment classiques, mais, autant que possible humoristiques.

Laissez-nous un commentaire si vous avez le temps et l'envie.

Les commentaires sont accessibles sous chaque post de nos auteurs.

Une réponse vous sera adressée (sauf caprices de l'informatique toujours possible) !

vitdits-ecran

Participez sous la rubrique : « Le Plumard » réservée à nos amis et invités.

A bientôt !

16 février 2013

Hervé Baudouy...suite et fin de 'Sans tambour mais avec trompette"

 

 

HerveChalet

 

Cécile revint avec deux tasses de café et s'assit en face de lui.

- J'ai trouvé votre numéro de téléphone dans une cachette, percée dans le mur de son appartement.

- Julien et les compartiments de sa vie ! ... Elle eut un sourire un peu absent, comme si un souvenir ironique lui revenait en mémoire.

Elle reprit :

- Il avait cloisonné sa vie en secteurs et aucun d'eux ne communiquait avec les autres. Je ne suis jamais allée l'écouter jouer. Absurde, non ? Il était comme ça. Sa vie là-bas n'avait rien à voir avec sa vie ici, disait-il. Et je l'ai accepté ainsi.

- Vous le connaissiez depuis longtemps ?

- Quatre ans environ.

- Où l'avez-vous rencontré ?

- Au square Willette. J'y passe souvent l'après-midi avec ma fille. Il s'était assis sur le même banc que nous, sa trompette sur les genoux. Dominique l'observait. Elle a fini par lui demander :

- Tu peux en jouer pour moi ?

Julien s'est tourné vers elle, a souri. Il a embouché sa trompette et nous a donné une aubade très douce dans ce jardin. Dominique était fascinée... Et puis nous avons bavardé. Il parlait très peu de lui-même, mais il savait écouter. Je me suis mise à lui raconter ma vie.

- Justement, j'aimerais savoir...

- Ah ?... Une histoire banale. Je suis arrivée de province, il y a dix ans. J'ai rencontré un homme ; je suis tombée enceinte et il est parti. Classique, n'est-ce pas ?

- Si on veut...

- Alors, j'ai continué toute seule. Je travaillais, Dominique est née. Mère célibataire. Rien d'original. Ca allait bien, pourtant, Nous avions notre petite vie. L'école tout près d'ici. Et puis il y a eu l'accident... Un conducteur ivre a renversé Dominique dans la rue... Paraplégie. C'était il y a cinq ans. Quelques mois plus tard, nous avons rencontré Julien au square... Je crois bien que j'étais découragée. Il nous a pris en charge toutes les deux, à sa manière, discrètement. Les soins, les opérations, des vacances...

- Vous l'aimiez.

- Oui. Il était simple, sans prétentions, attentionné ; mais très fort, très dur, à sa manière. Son sourire était parfois une porte, parfois un mur. J'avais appris à faire la différence...

- Et lui, il vous aimait ?

- Oui, je crois." Un bout de sourire. "On se construisait doucement un bout de vie à nous, ce qu'on appellerait un petit bonheur tranquille.

- C'est-à-dire ?

- Il passait l'après-midi avec nous. On sortait ; le square, les rues, on flânait, ou on allait au cinéma tous les trois. Ou bien il jouait avec Dominique, ici. Des choses normales, je dirais, dans une vie de famille.

- Il dormait ici ?

- Ca lui arrivait. Mais il partait toujours très tôt. Ca me faisait sourire et quand je lui en parlais, il répondait : "Je ne peux pas rester, j'ai des choses à faire..."

- Il ne vous disait jamais lesquelles.

- Jamais. Ca, c'était derrière le mur.

- Et maintenant qu'il n'est plus là ?

- Maintenant ? ... Son regard se brouilla. Elle se leva, se dirigea vers la fenêtre. Dumagnum vit les épaules trembler, une main remonter vers le visage... Elle finit par se retourner :

- Maintenant ? Les plus grosses dépenses sont passées. Je travaille à mi-temps. Ce qu'il nous a laissé est amplement suffisant...

Elle sourit tristement en regardant par la fenêtre.

- ... Sauf qu'il ne sera plus là.

- Et la petite ?

- Il était devenu son père. Ca va être dur...

- Il vous a laissé de l'argent ?

- Il était prévoyant. Il plaçait régulièrement de l'argent dans un compte d'épargne à mon nom...

Elle fronça les sourcils, se retourna vers la chambre :

- Vous permettez ? J'avais complètement oublié !

Elle ouvrit une porte, disparut, puis revint ; elle tenait une enveloppe qu'elle posa sur la table.

- Il me l'avait remise il y a deux ans.

 

Dumagnum prit l'enveloppe ; quelques mots : "S'il m'arrivait quelque chose. Julien"

 

- Il avait été malade, il y a deux ans, et il s'était imaginé que... bref, il m'avait donné ça, "au cas où"...

- Que contient-elle ?

- Je n'en sais rien. Je ne l'ai jamais ouverte.

- Je peux ?

- Je vous en prie.

 

Dumagnum déchira l'enveloppe et en sortit un simple feuillet :

" Pour Cécile.

S'il m'arrivait quelque chose, tout ce qui m'appartient reviendra à Cécile Delfond et à sa fille Dominique. Julien Dalinier.15 mars 1999".

Il avait lu à voix haute ; il leva les yeux. Elle regardait la feuille de papier, les mains tremblantes...

Pour détourner la crise qu'il sentait venir, l'inspecteur se fit administratif ;

- Il va falloir que j'emporte ce document. C'est son testament, en quelque sorte. Il faut faire les choses dans les règles, mais vous le récupérerez ensuite.

- Bien sûr.

Elle secoua la tète, leva les yeux :

- Est-ce qu'on sait pourquoi... ?

- Non ! mentit l'inspecteur avec aplomb. On cherche toujours.

Inutile de lui détailler les activités parallèles de Julien. Ca n'apporte jamais rien, à personne, ce genre de révélations...

 

***

 

Pour se changer les idées, Dumagnum absorba deux grands demis de bière au bar du premier bistro venu, dans le bruit des conversations et des flippers.

- Bon ! Le Sacré Coeur, maintenant.

 

La journée se terminait. Les hordes frénétiques de touristes avaient regagné leurs terriers. Il n'y avait plus que ceux qui venaient là pour prier ou simplement trouver un endroit calme, s'asseoir, réfléchir ou ne penser à rien dans l'ombre fraîche : plaisir rare dans une ville en furie...

 

Dumagnum s'avança par une allée latérale, rencontra un prêtre sortant d'un confessionnal.

- Excusez-moi, mon Père...

- Oui ?

- Inspecteur Dumagnum, de la Police Judiciaire.

Il sortit la photo de Julien. "Est-ce que cet homme vous dit quelque chose ?

Le prêtre jeta un coup d'œil.

- Non, désolé

- Y a-t-il d'autres personnes à qui je pourrais montrer cette photo ?

- A part deux ou trois prêtres pour les confessions, peut-être Gaston Lanchard, notre homme à tout faire.

- Où pourrais-je le trouver ?

- A la sacristie, sans doute, par là, répondit le prêtre avec un geste

vers le fond de la Basilique...

 

L'inspecteur poussa la porte de la sacristie : un homme qui balayait se retourna :

- Vous désirez ?

- Inspecteur Dumagnum, Police Judiciaire.

- La police ? Mais...

- Je veux vous montrer une photo. Le cliché changea de mains.

- Connaissez-vous cet homme ?

- Euh... non.

Il regarda le policier en coin. Dumagnum ne dit rien, mais remarqua la main qui tremblait légèrement, le sourire coincé et l'oeil qui clignait nerveusement.

- Je vous remercie. Vous êtes bien Gaston Lanchard ?

- Oui... Pourquoi ?

- Pour savoir. Bonsoir.

 

Dès qu'il fut dehors, il appela la P.J.

- Bernard ? Salut.C'est Dumagnum. J'ai besoin de deux hommes tout de suite au Sacré Coeur. Il faut me pister un quidam louche... OK, je les attends sur le parvis...

 

Une demi-heure plus tard, il vit arriver Murla et Geoffray, les deux "pisteurs" les plus coriaces de la brigade. On les surnommait les Loups ou les Pitbulls, selon le côté de la barrière où on se trouvait...

- Salut, les gars ! Le type s'appelle Gaston Lanchard. Environ un mètre soixante-dix, maigre comme un passe-lacet, le teint bilieux, une moustache poivre et sel, trois cheveux qui se battent en duel sur le caillou et une cicatrice sous l'œil gauche. A mon avis, il fait dans le trafic des reliques... Oui, je sais, ce n'est pas ma paroisse, mais il y a un cadavre à la clé, si j'ose dire... Vous ne le lâchez pas ! Je veux savoir où il crèche, qui il rencontre, où, quand, tout le toutim, quoi. Vous vous relayez s'il faut.

- OK. lança Murla avec un sourire. Tu viens, Geoffray ?

- Je serai chez moi, ce soir, ajouta Dumagnum. Je passerai au bureau demain matin. Et il s'éloigna rapidement.

 

Il fallut deux jours aux Pitbulls pour ramasser les informations demandées. Ils retrouvèrent l'Inspecteur à la terrasse du Dors-Moi, devant un demi.

- Asseyez-vous, vos bières arrivent. Alors ?

- T'as raison, il est louche, ce type. Il perche rue St Vincent ; mais avant d'y arriver, il nous a baladés pendant deux heures dans le quartier. Il a fait quelques arrêts, voici la liste. Il a rencontré - très innocemment, en apparence - plusieurs personnes ; on a les photos, et même les adresses de certains. Des papiers ont changé de main... T'as raison, là aussi : ça pue le trafic.

 

Dumagnum compara la liste d'adresses de ses collègues avec le calepin de Julien : trois d'entre elles concordaient... Plus qu'une coïncidence...

- Beau boulot, les gars, merci !

- On l'agrafe, le pépère ?

- Non, pas encore. Je dois faire des vérifications. Il ne se doute de rien ?

- Tu plaisantes, non ? lança Geoffray dans un éclat de rire tonitruant.

 

Les vérifications prirent la matinée. Muni d'un mandat, et accompagné des deux "pisteurs", Dumagnum se rendit chez Larchand dans l'après-midi.

- Troisième gauche. Murla, tu passes par derrière, au cas où...

Au troisième gauche, l'inspecteur sonna.

- Qui est là ?

- Police.

Un long silence. Dumagnum se retourna vers Geoffray et esquiva ainsi la balle qui traversa la porte pour aller s'encastrer dans le mur. L'inspecteur sortit son magnum et lança une rafale à travers la porte à son tour ; un cri, une chute. Geoffray, un mètre quatre-vingt dix-huit, lança ses cent vingt-cinq kilos contre la porte…

 

Le Gaston, qui avait attrapé une des balles dans la poitrine, était éparpillé dans le couloir. Son oeil vitreux signalait qu'il était sur le point de lever l'ancre pour le grand Ailleurs...

Dumagnum se pencha :

- Imbécile ! Julien Dalinier, c'est vous qui avez fait le coup ?

- Oui... mais c'était une erreur...

- Quoi ? !

- On croyait qu'il nous doublait...

Sa voix n'était plus qu'un murmure chuintant.

- On ? Qui, on ?

 

Le Gaston le regarda fixement, et commença son éternité en continuant à le regarder fixement...

- Et merde ! lâcha le policier en se relevant.

- Pourquoi ? Parce qu'il est mort ?

- Oh, ça, non ! Parce que c'était une erreur ! Ils ont buté le trompette par erreur... Saloperie !

Il tournait en rond dans la pièce ; il semblait enragé soudain ; il saisit un vase sur la table et le fracassa contre un mur, puis regarda le mort avec colère :

- Crétin ! Sinistre imbécile ! Sombre idiot !

- Hé, Michel, ça va ? lança Geoffray. C'est rien qu'un trafiquant qui a avalé son bulletin de naissance.

- C'est pas ça ! C'est l'autre, Julien, Cécile, la gamine... Oh ! Ca va, laisse tomber, ça va passer. Tout ça, c'est tellement con !

- OK, OK. On appelle le Central ?

- Oui, occupe-toi de tout ça, je vais prendre l'air.

Il sortit et bouscula les voisins qui espéraient assister à la suite de "Règlements de comptes à OK-Montmartre"

- Bande de charognards, cria-t-il. Rentrez chez vous, y a rien à voir !

La volaille voisinière s'éparpilla en pagaille.

 

***

 

Le lendemain, il retourna chez Cécile.

- C'est encore moi.

- Entrez, Inspecteur.

 

Dumagnum retrouva le salon calme, la petite table, avec en plus une fillette assise dans le fauteuil.

- Bonjour Monsieur, dit-elle d'une petite voix chantante.

- Bonjour Dominique, tu vas bien ?

- Très bien, merci.

Il l'observa un instant. Elle avait les yeux rouges, un mouchoir entre les doigts, mais elle souriait bravement. "Bien la fille de sa mère !" pensa l'inspecteur en s'asseyant. Cécile apporta du café et prit une chaise.

- Le papier de Julien est tout à fait légal. Quand tout cela sera fini, tout vous sera remis.

- Tout ?

- Oui, les livres, les disques, ses affaires, les meubles.

- Mais...

- Ne dites rien. Ca vous regarde. Je me permets seulement de dire deux choses. Que savons-nous de la manière dont un homme recherche le bonheur, son bonheur, celui des autres, ou simplement à donner un sens à sa vie ? Et puis, surtout, c'est ce qu'il voulait : que tout cela vous revienne, à vous et à Dominique.

- A moi ? , fit l'enfant

- Oui, à toi aussi. Tous ses livres, sa musique, ses partitions, c'est un peu de lui aussi.

- Sa musique...

La fillette serrait son mouchoir à le déchirer, les yeux comme des soleils noyés.

- Pense à sa musique quand tu penses à lui ! C'est ça qu'il aimait, à part vous deux. C'était sa vie. Ce soir, je vous emmène dans la boîte de jazz où il travaillait. Une cave !

- Mais...

- Je porterai Dominique jusqu'en bas. On ne va pas se laisser arrêter par des escaliers, non ?

Il eut un rire frais, presque juvénile, puis reprit :

- Et avant, je vous emmène au restaurant, là où il aimait aller manger.

- Pourquoi faites-vous cela pour nous ? demanda Cécile

- Parce que vous ne connaissez rien de sa vie ; et qu'il est normal que vous voyiez les endroits qu'il aimait, où il se sentait bien... en dehors de chez vous, bien entendu !

- Merci.

- De rien. Dumagnum se leva. "Je passe vous chercher à sept heures ce soir, d'accord" ?

- Nous serons prêtes.

 

...Les yeux de Dominique brillèrent encore toute la soirée, mais on n'y voyait aucune larme. Dumagnum avait pris Rémy à part : celui-ci jouerait presque exclusivement des morceaux de Julien... Et il l'avait dit à l'enfant...

 

A deux heures du matin, il ramena ses invitées chez elles. Il porta la fillette endormie dans son lit, souhaita bonne chance à Cécile et referma la porte...

 

Il se perdit dans la foule des noctambules. Il lui fallait encore faire sa valise : il passerait le week-end à l'Abbaye de Mortemer avec un groupe de spirites : l'Abbaye était hantée...

 

Hervé Baudouy.

 

Publicité
Publicité
Commentaires
S
C'est vrai.<br /> <br /> C'est pourquoi j'appelle cela des "fausses nouvelles policières".<br /> <br /> Développer ? Faut voir... :-)<br /> <br /> Merci.<br /> <br /> RV
Répondre
I
j'aime bien les personnages et leur musique, on sent que tu les aimes bien, plus que l'enquête que tu bâcles un peu sur la fin<br /> <br /> ça pourrait se développer
Répondre
Publicité