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VITDITS ET AGLAMIETTES
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Vous venez d'atterrir sur le blog d'AGLAMIETTES où sévissent Aglaé, Thomas et Dan.

Chez nous, vous trouverez des textes courts, des aphorismes pas toujours très sérieux, des réparties dites VD, ou « Vitdit » pas vraiment classiques, mais, autant que possible humoristiques.

Laissez-nous un commentaire si vous avez le temps et l'envie.

Les commentaires sont accessibles sous chaque post de nos auteurs.

Une réponse vous sera adressée (sauf caprices de l'informatique toujours possible) !

vitdits-ecran

Participez sous la rubrique : « Le Plumard » réservée à nos amis et invités.

A bientôt !

12 février 2013

Hervé Baudouy...'Sans tambour mais avec trompette'...avant dernière partie...

 

 

HerveChalet

 

L'inspecteur finissait son verre lorsqu'il vit s'approcher un pan de mur ; au moins deux mètres, large comme une porte, avec un regard bleu très clair. Le mur s'assit à côté de lui et quand il parla, ce fut avec une voix très douce, un peu chantante, comme un violoncelle mélancolique.

- Rémy Larédo... Jean-Louis m'a dit que vous vouliez me parler.

- Oui, si ça ne bouscule pas l'orchestre.

- Ils peuvent jouer autre chose.

Il fit signe au barman, qui déposa un jus de fruits sur le comptoir. Dumagnum l'observait : une masse de muscles avec un regard vide, abattu, assommé.

- Vous étiez son ami ?

- Oui. Enfin, je crois.

- Et vous jouez ce soir ?

- Pour lui. Sinon, je serais allé me saouler dans un troquet quelconque. Alors...

- Je peux vous poser une question personnelle ?

- Allez-y...

- Pourquoi le jazz ?

Rémy le regarda avec un sourire vide, transparent :

- Pourquoi la police ?

Dumagnum sourit à son tour, mais avec dérision.

- Moi, je suis spectateur. Comme le journaliste qui rapporte ce qu'il a vu, sans s'impliquer, sans s'émouvoir. Je m’intéresse, mais je ne participe pas. La frontière est fragile, j'essaie de la respecter... J'analyse, je cherche, je compare, j'interroge, j'essaie de comprendre, mais je ne suis pas concerné. Dans la vie des autres, des assassins, je suis un peu comme le Destin, mais un Destin aveugle, qui trouvera ou non, suivant que je serai plus ou moins fin... Pourquoi le jazz ? ...

- Allez savoir... Je connaissais Julien depuis la maternelle. On a appris la musique ensemble, on a massacré les mêmes morceaux ensemble. Et puis, il est tombé dans sa trompette. Il m'a dit :"C'est ça que je veux faire !". Et je l'ai suivi.

- Par amitié, alors ?

- Si vous voulez. Vous êtes flic, vous le savez mieux que moi : on sait souvent qui, parfois comment, jamais vraiment pourquoi...

- Vous le connaissiez bien ?

- Non. Je connaissais certaines choses de lui, ce qu'il voulait bien en dire quand on était ensemble. Un jour, il m'a parlé d'une femme... quelques mots ; je jurerais qu'il l'aimait. Et puis...

- Vous a-t-il dit son nom ?

- Son prénom : Cécile. Et puis, il s'est refermé comme un coffre-fort, avec un sourire d'excuse. Je sentais bien qu'une grande part de sa vie était "ailleurs", mais pas trop loin...

- Sinon, il serait parti depuis longtemps, n'est-ce pas ?

- Oui. Quelque chose l'attachait ici.

- Aucune idée ?

- Cette femme peut-être ? Autre chose ? C'est quoi, en fait, la vie d'un homme ? Un nuage, un tunnel, on n'en connaît "que les extrémités», comme disait l'autre...

- Hum... Philosophe ?

- Même pas. Quand on est musicien, on est forcément très sceptique – au mieux ! ... Regardez Julien: un type surdoué qui aurait pu être un grand, et puis..." Il claqua des doigts. : "... Plus rien ! Que va-t-il en rester ? Un souvenir chez quelques-uns, quelques paillettes de mémoire en forme de notes de musique... Sa vie s'est perdue dans les sables comme une portée musicale dans l'ombre enfumée de cette boite. Nous jouons, de la musique flotte alentour, vous en percevez une partie, vous en retenez quelques bribes. Mais l'essentiel ? Ce que le musicien a voulu faire passer, ce qu'il a senti, vécu, au moment de jouer ces notes, cette mélodie, qu'en avez-vous capté, reçu, intégré ? Connaissez-vous ce vers d'Hésiode : "Les dieux ont caché ce qui fait vivre les hommes" ? Qu'y a-t-il de plus "cachant" que la musique ? Une série de notes, jouées d'une manière ou d'une autre, fugaces, aériennes ou plombées... Mais ce qu'elles expriment, ce qu'elles voudraient dire, ou cacher ?... Qui peut affirmer quoi que ce soit ? ... Le musicien joue pour lui, en fait ; il se joue sa vie. Comme l'Acteur, d'ailleurs. Ce que l'auditeur en perçoit, c'est périphérique, je dirais "épiphénoménal", au risque de passer pour un cuistre... C'est par hasard, parce que les oreilles ou la sensibilité de l'auditeur étaient "accordées" ce soir-là, en harmonie avec le musicien... Chaque musicien est un monde ; et ce monde est clos ; la sensibilité est une barrière redoutable. Allez savoir ce qui se passe derrière, et pourquoi ! Tenez, une chose toute bête : plusieurs fois, j'ai vu Julien entrer au Sacré Coeur...

- Tiens ! Il ne vous a jamais dit pourquoi?

- Jamais ! Et je ne me serais pas permis de le lui demander.

- Mais vous étiez son ami...

- Justement ! Parce que j'étais son ami! S'il ne m'en parlait pas, c'est qu'il le jugeait bien ainsi. Et je n'avais qu'à respecter son silence...

- Ouais... Bizarre quand même, reprit l'inspecteur en hochant la tête. Ce qui ne l'empêcha pas de classer le renseignement dans le dossier "Pistes à suivre ?"

Rémy se tourna vers lui :

- Tout ça n'a pas vraiment d'importance. "Nous sommes des notes, ombres d'espoir, dansant sur du vide"

- Joli, ça... Je suis sincère !

- Merci. La suite ? "Nous sommes des îlots mélodiques d'illusions flottant dans les rivières absurdes de la ville. Des sillons chimériques, de la poudre de solitude dans la grande parenthèse insensée"...

- C'est de vous ?

- Oui, mais je n'en suis pas plus fier pour autant.

 

L'orchestre jouait une mélodie douce-amère. Ça rappela au policier le morceau entendu au restaurant.

- C'est de lui, n'est-ce pas ?

- Oui.

Rémy eut quelque chose comme un vrai sourire, mais les yeux brillaient, brouillés. "Ecoutez ! Ecoutez la trompette, ironique et désolée ; elle escalade les octaves, timide mais ambitieuse. Et le saxo, plaintif et amical, la pousse et l'encourage : "Vas-y ! Tu es capable !". Le trombone seconde la motion. La contrebasse, imperturbable, médite en contrepoint sur la dérision de tout ça... Un petit coup de main de l'amie clarinette. La trompette continue son ascencion-pélerinage : trois notes vers le haut, deux notes vers le bas, le rêve qui s'y croit... Elle finirait bien par y croire, la trompette... Et puis, arrivée presque en haut, dans le halo d'une lumière de colère, elle hésite, elle dérape, elle se joue une pause... Ecoutez ! Elle frôle l'évanescence... Et très lentement, elle va revenir sur elle-même, dans un ton acidulé, teinté de tristesse : "Vous voyez ? J'ai essayé. Ca ne sert à rien ! ». Elle redescend, se dépouille de l'ambition, de ses notes superflues, des décorations sonores qui l'encombrent, l'étouffent. Note à note, elle redescend l'escalier de la réalité... Et la voilà revenue à son point de départ. La clarinette se désole : "Essaye encore une fois !" et la trompette répond : « A quoi bon ? ... Mais c'était sympa quand même ! »... C'est Julien, ce morceau-là : J'm'en foutiste grandiose. Il jouait sa

vie en sceptissimo. Il ne croyait à rien, mais il agissait... quand même.

 

Eberlué, l'inspecteur regardait Rémy. Celui-ci se calma, fit un geste vague de la main.

- Je voulais seulement vous montrer comment je voyais Julien... pour ne pas l'oublier... enfin, pas trop vite.

- Merci. Je crois que j'ai compris.

- Il faut que j'y aille. Bonsoir, Inspecteur et bonne chance ! Il se leva.

- Pas d'autre idée ?

- Non, vraiment pas.

Il se faufila entre les tables vers la scène, reprit son saxo et se lança dans un long solo plaintif. L'inspecteur, dans la lumière des projecteurs, vit des yeux qui brillaient, un hommage secret en forme de pointillé musical... Il se leva et quitta la boîte, assez barbouillé...

 

***

 

Le lendemain matin, vers dix heures, il s'installa à la terrasse d'un café de la Place Blanche, devant un gigantesque café crème et une charrette de croissants. Il appelait cela "petit déjeuner méditatif". "Tout ça n'a aucun sens ; non, je n'y trouve aucun sens, plutôt. Ca part dans toutes les directions : un resto, des paris, la musique, une femme sans doute ; et qu'allait-il faire à l'église ? Je le vois mal en grenouille de bénitier..."

 

Le soleil commençait à chauffer. Il se sentait bien, regardait passer et repasser la ville et les gens. Ses yeux glissèrent sur les façades, les devantures, s'arrêtèrent sur une affiche qui vantait les mérites miraculeux d'un produit à douze francs. Il sourit : douze euros... pas cher, le miracle, de nos jours... " Les deux chiffres, de très grand format, dansaient devant ses yeux.

1,2... 2,1... Tout ça flottait dans sa tête, avec les paris, l'église, la femme...

- Bon sang ! Le CD ! Il y avait un numéro "1", il y a peut-être un "2" !

 

 

Il se leva, paya et partit à grands pas vers l'appartement. La cachette était toujours ouverte. Dumagnum commença la chasse au No 2. Ca lui prit une heure. Le disque était resté entre deux livres. Il le posa sur la platine, enfonça la touche "Play" et s'installa sur le lit. Il lui fallut attendre le dernier morceau pour entendre un déclic du côté de la cachette. Un coup d'œil sur la pochette : "Don't sell my bones...". Il se leva ; le fond de la cachette s'était ouvert, découvrant une seconde cachette. Le policier éclata de rire :

- Astucieux, le copain ! Une cache à double fond. Mais où a-t-il trouvé quelqu'un pour réaliser ça ? !

Il plongea la main et ramena un carnet et une enveloppe.

  • Encore un carnet ! C'était un vrai Bottin, ce type !

... Encore des adresses, des noms, des téléphones. Ce n'était plus des paris clandestins, mais un trafic de reliques.

- Des reliques ! Nouvel éclat de rire. "On est en 2001, et on fait encore du trafic de reliques. Hallucinant !"

... Reliques... reliques ?? L'inspecteur se pencha et saisit un livre sur l'étagère du bas : "Histoire et Géographie des Reliques"

- Evidemment !

Revenant au carnet, il essaya de déchiffrer les annotations ; sur la dernière page, quelques mots : "Sac. C. 19 h."

- Ah ! Les visites à l'église... A creuser.

 

Il posa le carnet et le livre, ouvrit l'enveloppe ; celle-ci contenait une photo et une lettre, datée de juillet 1997. Sur la photo, une jeune femme d'environ 30 ans, les cheveux bruns bouclés, en maillot de bain, souriait sur une plage, à côté d'une fillette - 10 ans ? - assise dans un fauteuil d'infirme...

La lettre, très courte, était signée "Cécile".

 

"Julien,

Nous reviendrons bientôt à Paris, Dominique et moi. Nous avons bien profité de ces deux semaines que vous nous avez offertes. Dois-je encore vous en remercier ? Trébeurden est une petite ville tranquille, familiale. Nous sommes à la terrasse du café des Marins. La radio du patron diffuse un air de jazz, et les notes dansent sur la mer... Un souvenir de square flotte dans ma mémoire... Vous nous manquez, mais il fallait ce recul pour nous en assurer. Oui, vous manquez aussi à Dominique. Nous serons à Paris le 27 juillet. Je serais heureuse, nous serions heureuses, de vous voir. Tendresses de nous deux.

Cécile."

Puis un numéro de téléphone.

- Enfin une piste qu'on peut suivre ! Si elle n'a pas changé de numéro...

 

... Cécile n'avait pas changé de numéro. Elle habitait au rez-de-chaussée d'un vieil immeuble de la rue des Abbesses. "Décidément, tout ce petit monde vit en vase clos !" pensa l'inspecteur. Cela faisait son affaire : il détestait les "voyages d'affaires" ainsi qu'il appelait les déplacements nécessaires à une enquête. Il remonta la rue Lepic, pris la rue des Abbesses à droite et arriva devant l'immeuble. Il sonna au rez-de-chaussée gauche : "C. Delfond". La porte s'ouvrit.

 

La photo sauta à la figure de Dumagnum, les cheveux noirs, les yeux... mais pas le sourire. Une robe noire toute simple. Elle le regardait, interrogative.

- Inspecteur Dumagnum, Police Judiciaire. Pourrais-je vous parler ?

- La police... Bien sûr. Entrez, je vous en prie.

Il pénétra dans un petit salon rangé comme un musée, à l'exception de quelques livres éparpillés sur le sol, à côté d'un grand fauteuil. Une cuisine d'un côté, des portes de l'autre, vers les chambres sans doute.

- C'est au sujet de Julien...

- Oui, je sais. Les journaux...

- Et vous n'avez pas appelé la police ?

Elle eut un sourire absent.

- A quoi bon ? Ce n'est pas moi qui vous aiderai à trouver le coupable.

- Sait-on jamais ?

- Asseyez-vous. Voulez-vous un café ?

- Merci.

 

Elle passa à la cuisine. L'inspecteur jeta un regard autour de lui. Un grand buffet, des reproductions de tableaux sur un papier peint de couleur gaie ; quelques bibelots, une photo de Julien avec Cécile et Dominique, dans un cadre sur un guéridon près de la fenêtre.

 

A suivre…

Hervé

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Commentaires
A
Hervé<br /> <br /> <br /> <br /> Quand j'aurai tout le texte je l'imprimerai car j'ai donné mon dernier'Sacré Choeur à une des jeunes femmes de la famille....Edith...ou une autre il y a qqs années...je ne me souviens pas....bonsoir toi!
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