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VITDITS ET AGLAMIETTES
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Vous venez d'atterrir sur le blog d'AGLAMIETTES où sévissent Aglaé, Thomas et Dan.

Chez nous, vous trouverez des textes courts, des aphorismes pas toujours très sérieux, des réparties dites VD, ou « Vitdit » pas vraiment classiques, mais, autant que possible humoristiques.

Laissez-nous un commentaire si vous avez le temps et l'envie.

Les commentaires sont accessibles sous chaque post de nos auteurs.

Une réponse vous sera adressée (sauf caprices de l'informatique toujours possible) !

vitdits-ecran

Participez sous la rubrique : « Le Plumard » réservée à nos amis et invités.

A bientôt !

22 décembre 2012

Aglaé Vadet...mon beau frère Georges...suivi de Surprise,surprise...une grosse miette très ancienne!!!

agla_artiste

 

Mon beau- frère Georges et Surprise, surprise

 

Je l’ai connu, il avait vingt trois ans et encore quelques cheveux. Sous la toise, un mètre soixante six, à son bras, une femme ravissante, la sienne , ma sœur Mado. Aussi bien dans sa peau qu ‘un Apollon, amateur de bonne vie et de bonnes rigolades, chaleureux, entreprenant aussi bien des projets épatants que des conneries sublimes, il a été mon meilleur copain jusqu’à mon mariage.

 

Notre première rencontre m’avait pourtant laissé un souvenir pénible. Lui, et ma sœur venaient de faire connaissance comme directeurs d’une colonie de vacances, au Pays Basque, en mille neuf cent quarante deux, et moi, dix ans je faisais partie de la piétaille. Arrivée depuis trois jours j’étais déjà sans voix, ou plutôt, j’émettais, comme une pochetronne un peu précoce, des sons rocailleux et assourdis. Apres m’avoir écoutée gentiment ,Georges s’est tourné vers ma sœur et lui a dit : » « D’où est ce qu’elle sort celle là avec sa voix de mêlé-casse? » Réponse : « C’est ma sœur ».

 

De retour à Paris,alors que ma sœur restait sur place dans le midi pour inventorier le matériel, elle me confia à Georges. Très fière d’être reconduite chez mes parents par le chef, je le fus encore davantage de l’entendre me dire : »Nous nous reverrons bientôt » Cette formule gentille et ambiguë masquait à peine ses espérances au sujet de ma sœur.

 

Ils se marient donc en mille neuf cent quarante quatre, à St Cloud , où la mère de Georges était directrice de l’école maternelle. Deux pièces ,à l’intérieur de l’école sont aménagées pour le nouveau couple. Premier logement, première bagarre , vol plané de l’alliance et de la bague de fiançailles à travers la pièce .

J’ai oublié le motif déclenchant mais je me souviens de l’énorme rire du beau- frère. Je devais l’entendre souvent. A StCloud, je découvre une autre facette de son caractère : nous plier, ma sœur et moi, à ses coups de cœur successifs avec obligations pour nous deux de nous réjouir de cet esclavage et de l’adorer autant que possible. Cette année là, sous prétexte de nous faire apprécier Péguy, il nous fait subir de longues lectures à haute voix, jusqu’à l’anéantissement complet du public. D’autant que Péguy à dix heures du soir, quand on a douze ans, ça vous liquide en moins de deux.

 

A Louis le Grand, où il avait terminé ses études, Antoine Blondin avait été son copain. Blondin bégayait et avait eu cette idée merveilleuse : placarder dans le hall du lycée, une affiche proclamant :

« Vous savez parler

Vous pouvez bégayer

Cours par Antoine Blondin

Tous les jours à 17 heures

Grâce à cette anecdote, Georges me fit aimer, à la folie, l’auteur de « Un singe en hiver » « Monsieur Jadis » »Entre les Lignes » « Certificat d’Etudes »etc.. ;.Chez lui, je découvre pour la première fois ces styles nerveux et sans déchets, restés ceux que je préfère. Sa paresse et son manque d’hygiène de vie obligeait son éditeur à le boucler trois semaines dans un hôtel bien surveillé, pour obtenir un manuscrit. D’après Georges, il avait une écriture d’enfant, ronde et régulière, sans ratures Mon beau frère était un dingue de littérature, un fou de livres, un puits de références. Je n’avais qu’à puiser.

 

Tout en préparant une licence de droit, il apprend, sous la férule de son père, le beau métier d’imprimeur. Les papiers, l’encre( qu’on appelle la colle en jargon du métier) les lettres, les petites cases du typographe, le marbre des lithogravures, tout vous rapproche des livres et jusqu’à l’odeur pénétrante de l’imprimerie elle- même.

 

Avec une mise de fond très modeste, il achète en viager à Madame C. devenue veuve, une très petite imprimerie, sise Rue Bobillot. Il fallait descendre trois marches pour entrer, les locaux s’organisaient autour d’une verrière, grâce à quoi on pétait de froid l’hiver et de chaud l’été. Entouré d’une sacrée équipe,de très beaux travaux allaient se faire ici, des affiches célèbres, des lithos modernes, et les programmes du T.N.P. que Jean Vilar venait chercher lui-même, sans oublier de donner deux places pour un spectacle à Chaillot à Georges et Mado.

 

La mère C. a vécu vingt ans de plus que Georges et ma sœur lui a versé chaque année jusqu’à sa mort, à quatre vingt douze ans, une importante somme d’argent qui lui manquait terriblement pour ses enfants. Dure loi du viager.

 

Ténors du baby-boom, notre gentil couple mit au monde, sans difficultés apparentes, quatre enfants en quatre ans. Je m’interdis de commenter pareille folie, mais vous pouvez me croire, on en a lavé des couchettes. L’appartement de saint Cloud étais trop petit depuis longtemps, et toute la famille déménagea à Sceaux, dans une maison vaste et vieille, entouré d’un jardin très fouillis comme je les aime.

 

Nous n’étions pas des bricoleurs intensifs. La maison resta à peu près dans l’état où nous l’avions trouvée mais nous eûmes tout de suite une bibliothèque superbe. De temps en temps, Mado décidait qu’il fallait absolument ranger les livres, car on ne s’y retrouvait plus du tout… alors, on mettait tout par terre et on s’asseyait au milieu. On feuilletait. On s’interpellait pour lire à haute voix un petit passage bien savoureux. On riait. On passait un week end charmant et, il y avait bien des chances pour que les bouquins restassent à terre pendant un mois ou deux.

 

A cette époque là, j’avais quatorze ans ou presque, Georges décide d’emmener ma sœur voir les Impressionnistes au Musée d’Art Moderne. Je les suis, bien entendu.

 

Dimanche après dimanche, j’apprends à voir. Des tableaux, des dessins, des couleurs ,des styles, des noms. Nous restons là une heure ou deux. Pas Plus. J’ai le mal des musées. Là, et nulle part ailleurs ,j’apprends ce qui constitue vraiment une peinture. Ni un objet qui fait joli au dessus du buffet de tante Agathe, ni une réussite technique dont la perspective serait la loi incontournable, ni une recherche de ressemblance avec ‘une quelconque réalité.*** Georges m’apprend l’essentiel sans grandes phrases. Il me montre le tableau de Maggritte qui représente une pipe, seulement une pipe. Et sous la pipe, une inscription de la main du peintre : »Ceci n’est pas une pipe » Ceci n’est pas une pipe ? Non. Seulement le dessin d’une pipe. Un tableau n’est jamais rien qui appartienne à la réalité. Il est uniquement un tableau, seulement des lignes et des couleurs. Il n’a pas besoin d’être conforme, à rien de la réalité. .Il suffit, comme toujours en art, de créer une émotion. Peut-être en trois coups de crayon noir, comme Picasso, ou les graphismes gigantesques de Matthieu, la légèreté de Dufy , la tendresse de Chagall, etc…Botéro dit : « ma peinture n’a aucun compte à rendre à la réalité »

Nos balades à trois du dimanche matin dépendait de la présence d’Huguette qui non seulement gardaient les enfants mais maternait aussi ses patrons. Dans ma famille, j’ai toujours connu ce genre de femme , un peu nurse, un peu cuisinière un peu confidente ,. Je crois aujourd’hui qu’on en abusait, tellement sa vie faisait partie de la notre. Quand ses patrons l’avaient vraiment fait tourner en bourrique, elle se plantait sur le pas de la porte pour les regarder partir et elle disait ; »Au revoir, au revoir, et ne revenez jamais… » et on était morts de rire.

De cette relation avec Huguette, sont nées beaucoup d’autres avec les hommes et les femmes qui ont travaillé chez moi et pour moi. Ce n’est pas un paternalisme de mauvais aloi .Plutôt une façon d’être heureux les uns avec les autres quelque soit la place qu’on occupe dans une équipe. Chacun reste libre de ses initiatives et respecté quoiqu’il arrive. Ce n’est pas la moindre des choses que j’ai apprises grâce à Georges et Mado.

 

Un grand moment de nos vies, c’était le repas du dimanche midi. Dans la semaine, tous les trois bien occupés, on bouffait un peu n’importe comment. Mais, le dimanche matin, après un conseil de guerre pointilleux, le livre de cuisine d’Edouard de Pomiane nous fournissait quelques recettes, particulièrement le Veau Marengo, je m’en souviens, car nous trouvions à la page 148,criblée de sauce tomate, le texte et les échantillons. L’ennui, c’est que nous ne démarrions pas avant onze heures du matin et que nous tenions à faire nos courses Rue Mouffetard, en bons parigots que nous étions. Retour à Sceaux vers quatorze heures, on espérait être à table à l’heure du goûter des enfants. Notre gourmandise aidant, nous préparions une trop grande quantité de tout. Georges était le plus doué pour cette démesure gourmande. . Un jour qu’il avait acheté des framboises superbes et un kilo de crème fraîche, nous avons à peine touché à un énorme saladier où les fruits à moitié écrasés par un touillage vigoureux, nageaient tristement dans une bouillie rose de crème liquéfiée. Il me semble bien qu’on a également zigouillé des coquilles St Jacques au chablis, mais je dois dire que tout le Chablis n’avait pas servi entièrement aux coquilles ce jour là.

 

Les départs en vacances étaient folkloriques. Les bagages étaient préparés la veille, placés dans la voiture ou arrimés sur la galerie. On baignait les enfants la veille au soir, et on les couchait de bonne heure. Mado et moi raffinions sur nos toilettes, poils superflus, cheveux, tout y passait. Dîner calme et souriant comme il se doit à la veille des vacances. Nous nous attardions encore un peu après le dîner, la nuit tombait, il fallait se coucher. Hé bien non, justement, on n’allait pas se coucher. Georges sortait de sa panoplie, un regard bleu ravageur et il disait : »Au fond, si on partait tout de suite. On arriverait à La Baule au petit matin, un bon bain, un petit déjeuner de compétition,….et on se reposera dans la journée…on est en vacances ,que diable ». Et nous, bonnes pommes, on disait oui.

 

Les enfants endormis, portés doucement dans le vieux break 403, nous gais comme pinsons et rafraîchis par la tombée de la nuit, les premières heures du voyage me laissent le meilleur souvenir . Les choses se gâtaient vers trois heures du matin. Georges garait la voiture sur le bord de la route. Il descendait se dégourdir les mollets, remontait dans la voiture et nous prévenait : » J’ai un petit coup de pompe. Pas grave. Je me relaxe un petit coup, et on repart. « Les bras croisés sur le volant, la tête sur les bras, il s’endormait pendant deux heures. ;Les enfants se réveillaient, demandaient un petit déjeuner qu’on avait pas prévu, dans l’euphorie des départs, les deux plus jeunes avaient copieusement inondé les couchettes, l’odeur générale relevait assez exactement de la bétaillère. Mado et moi, nous étions fatiguées, énervées, et affamées. En attendant le réveil du chauffeur, nous avons dégotté un petit bistrot d’ouvriers ,en pleine campagne, qui ouvre tôt le matin, où le patron un peu interloqué devant ces deux parisiennes et leurs quatre moutards, nous servait un café au lait tiédasson. Dans la voiture, Georges était réveillé mais tout le monde à partir de là était sale et de mauvaise humeur. Nous sommes à trois cent kilomètres de La Baule. Nous y arrivons au milieu de la matinée, les enfants attendent de nous la bonne journée de vacances promise la veille, et nous nous traînons, Georges, Mado et moi comme des zombies jusqu’au soir.

 

 

 

 

 

 

 

 

………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………..

 

Ma sœur Mado ,toujours présente dans nos équipées, mérite à elle seule un détour. Un été où Georges s’était entiché de bateaux à voile, après une initiation forte et rapide, comme toujours, aux aléas maritimes, les voilà en route avec des amis, pour une courte croisière. Il fait beau., Mado se tient sur le pont du Ketch, la gauloise vissée entre les lèvres, comme d’habitude. Un mouvement du barreur ou un caprice du vent, projette durement la bôme d’un bord sur l’autre, et ma sœur au terme d’une voltige disparaît dans le sillage du bateau.. Cet incident classique est toujours un peu inquiétant pour les témoins. Dieu merci, ma sœur refait surface. Soulagement des spectateurs, suivi d’un énorme rire de Georges et des autres. Le mégot de la cigarette ramolli, dégoulinant , dégoûtant , innommable n’a pas bougé d’un iota d’entre les lèvres de ma sœur.

 

Leurs querelles de ménage étaient afffreuses. Plus encore pour nous que pour eux. Elles prenaient naissance dans un prétexte très mince.

- Mado, la carte de visite posée sur la petite table de l’entrée, c(est quoi exactement ?

- C’est pour la directrice de l’école des enfants.

- Ah oui…A quel sujet ?

- Pour lui dire que les enfants n’iront pas à l’école samedi matin, puisqu’on part en vacances vendredi soir.

- Tu lui écris ça sur une carte de visite ?

- Ben oui. C’est bien fait pour écrire, les cartes de visites…

- Oui. Mais pas pour écrire ça…

- Comment ?

- Tu ne peux pas écrire ça sur une carte de visite.

- Et pourquoi au juste ?

- Parce que c’est particulièrement mal élevé, pour ne pas dire pignouf.

- Selon toi, qui sait tout, Qu’est ce que je dois faire ?

- Une lettre.

- Une lettre ?

- T’as bien entendu, une lettre. Et bien torchée en plus. Tu sollicites une permission particulière pour deux enfants,tu dois donc t’excuser de….

- Georges, arrête tout de suite. Je suis aussi capable que toi et peut être plus, de savoir ce que je dois faire pour MES enfants et je ne vais pas me laisser emmerder à huit heures du matin pour une histoire de carte de visite ou de pas de carte de visite.

 

A partir de là, c’était parti. Chacun d’eux hurlait de plus en plus fort des arguments de plus en plus spécieux, Les enfants pleurnichaient et moi je prévoyais de ne pas digerer mon petit déjeuner ;Ils pouvaient monter jusqu’à un niveau de méchanceté et d’horreurs inqualifiable. De vieilles querelles remontaient à la surface .Les accusations mensongères qui englobaient à l’occasion, les familles et belles familles terrassaient de tristesse les témoins éventuels.

 

Si la scène de ménage avait lieu le soir, chacun finissait par aller se coucher. Le lendemain, chose curieuse, nos deux ostrogoths réconciliés sur l’oreiller, se levaient frais et dispos. Au contraire, nous autres les témoins, frères, sœurs, ou parents, tous mal à l’aise et fatigués nous pensions que, cette fois, on ne leur pardonnerait jamais.

 

 

 

 

 

 

Surprise, surprise

 

Vous connaissez ces petits dimanches mous, à la fin de l’hiver ,dont la matinée, entre un gros petit déjeuner et un passage prolongé à la salle de bains ; celle qui vous donne une impression de détente heureuse jusqu’à l’heure de l’apéritif ? rien n’est plus trompeur ! Ces débuts de journée paisibles, en famille, avec le projet, sans génie,plutôt de manger quelque chose de bon à midi que d’organiser quelque chose d’intéressant dans la journée. Bah !a mon avis, il en faut des dimanches comme ça . A part les engueulades toujours possibles pendant le déjeuner, qui comptent parmi les meilleurs souvenirs de famille, on ne rigole pas beaucoup, et vers quinze heures, les intellectuels ronflent dans un fauteuil, pendant que les sportifs entament sans conviction une petite marche de santé.

 

En dehors de la marmaille dispersée dans la maison et le jardin, nous étions quatre adultes, deux à la sieste , deux au jogging, sachant, sans en parler, qu’à cinq heures du soir chacun de nous, dans le secret de son cœur, aurait vaguement envie de pleurer, pour avoir raté un dimanche ou pour avoir raté sa vie, qui sait ? Heureusement, le frigidaire de la maison était rempli de petites bières délicieuses !. Ma sœur Mado, et mon beau frère Georges , nous avaient accueillis, mon mari et moi, pour cette fin de semaine un peu alanguie. Nous avions tous les quatre entre vingt et trente- cinq ans, pas toujours aussi amortis que ce jour-là.

 

Concernant la suite de la journée, mes souvenirs sont flous. S’occuper des enfants, certainement, puisqu’ils ont tous survécus à un grand nombre de dimanches comme celui -là, sans loto et sans football, nous avons toujours été très ferme sur ce point. Je suis sûre que nous n’étions pas incapables d’une conversation intéressante ponctuée de plaisanteries pas forcément très relevées.

 

J’y pense tout d’un coup ,je ne vous ai pas dit où se passait mon histoire :dans. la maison de Georges et Mado, vieille baraque choisie pour son jardin fouillis comme je les aime, à Robinson, dans la proche banlieue sud de Paris. Nos parents avaient connu Robinson comme un lieu de guinguettes et de friture de goujons mais à l’époque de mon histoire, toute cette campagne desservie par la Ligne de Sceaux abritait des maisons occupées par des Parisiens, fiers d’un bon air qu’ils étaient en principe les premiers à respirer

 

La journée avait fini par finir. Les enfants dormaient. C’était sympa après tout.

On n’avait pas faim mais on casserait bien une petite croûte, pour être raisonnable. Une dernière petite cigarette. »Mado, il reste une petite bière ? Moi ,je monte. Oui, moi aussi. Bonsoir. Ne réveillez pas les enfants. Non, non ; compte sur nous.

 

Mon mari, Edouard, Doudou pour tout le monde, se couche et s’endort en quelques minutes. Il bascule son oreiller par- dessus la tête, comme pour s’étouffer lui- même et entame un gémissement de petit chat, grotesque si l’on songe à sa corpulence. Je me choisis un des romans policiers empilés par terre. « deux torgnoles pour Elodie »… « une Fuite à la Préfecture »… « Un travers de porc à la cocotte »….Saisissons nous de celui- là, me dis- je ! et je m’allonge dans le lit d’amis qui n’est pas d’un modèle récent, pas très multispires si vous voyez ce que je veux dire. J’ai le temps, une demie heure après d’entendre monter Huguette, la charmante soubrette de ma sœur, qui rejoint chaque dimanche un amoureux et qui rentre vers minuit en retirant ses chaussures vernies pour ne pas réveiller la maisonnée. J’abandonne le travers de porc et je ferme mes petits yeux d’ange.

 

Une demi-heure après :

 

-Toc ,toc, ou plutôt, boum,boum boum, en même temps qu’une voix forte et curieusement enjouée, nous somme de nous réveiller ( merci, c’est déjà fait) en criant : « mes enfants, on tient un truc formidable ! Mado,Mado, arrive!… Et vous aussi , les Doudou !De la fenêtre de la salle de bains, on voit un truc formidable…

- A part « truc formidable »,tu peux nous expliquer ce que tu as vu, Georges ?

- Mais bien sûr. Je sais ce que j’ai vu. Et même j’ai prévu depuis très longtemps ce qui arrive aujourd’hui…

- Vas-y ,explique

- Attends, on passe une robe de chambre…

- Non, non il faut s’habiller tout de suite…

- Ca va pas. Il est plus de minuit, et j’ai mon premier rendez-vous à neuf heures demain.

- Râle pas Doudou. Quand tu vas savoir…

- Vas- y alors

- Hé bien, voilà : en regardant par la fenêtre de la salle de bain, direction plein Sud, vous pouvez aller le constater vous même, on voit des flammes très hautes s’élever dans le ciel. Un incendie quoi ! Et cette direction je la connais, c’est celle d’Orly ! Et j’ai dit mille fois à Mado : un jour, il y aura un accident d’avion à Orly et nous serons aux premières places. Je ne souhaitais pas cet accident, c’est pas très marrant comme occasion, mais ça doit être un grand spectacle. Et on pourra faire des photos de nuit. Et, ce soir, Je dis : on y va.

- C’est bien une histoire à toi, mon vieux. Tu t’emballes, tu t’emballes et nous, comme des gogos ,on te suit. Tu nous a fait le coup cent fois.Qu’estce que vous en dites les filles ?

- Moi, j’ai envie de voir ça.

- Moi aussi.

- Et les enfants ?

- Ils dorment et Huguette est rentrée.

- Si tout le monde est d’accord, je suis la foule. Mais vous êtes vraiment timbrés.

 

Moins d’un quart d’heure après, nous nous entassons dans la vieille 404 qui pue la gauloise agrémentée de « Femme » de Rochas, ce qui donne à la vieille tire une fragrance indéfinissable. Habillés et coiffés à la va -vite, nous entreprenons l’opération commando la plus bizarre qui soit, excités comme des puces, dès lors que nous sommes bien réveillés et d’assez bonne humeur.

 

De Robinson à Orly, la route nous est bien connue. Tous les Parisiens empruntent, à l’occasion, l’autoroute du Sud pour partir en vacances. Au départ, les petites routes qui montent et qui descendent, nous cachent constamment les grandes flammes vers lesquelles nous nous dirigeons. Et, plus loin, aux abords de Fresnes, nous longeons, ou presque, les bâtiments sinistres des prisons, et, plus loin encore nous repérons les lumières de Rungis , puisqu’à cette heure- ci, les Halles travaillent à plein régime. Depuis un moment, nous ne voyons plus l’incendie. Peut être les bâtiments de Rungis nous le dissimulent- il ? Continuons…Dis ,Georges, t’as pas l’impression qu’on s’est gouré quelque part ? Non, non, on va dé

boucher dessus tout d’un coup…

 

-J’ai l’impression de voir les lumières au dessus des pistes, on est pas loin…

-Tu dis rien, Doudou ?

-Je trouve que c’est bizarre. Un feu pareil, tel que nous le voyions de Robinson,

devrait commencer à exhaler une forte odeur. Et des fumées.

-Je longe la piste et je ne vois toujours rien.

 

Chacun de nous, dans son for intérieur, rumine les pourquoi et les comment de la situation. Ce bon dieu de feu était devant nous au départ, c’était normal, nous le perdons de vue selon les irrégularités du trajet, c’est encore normal, mais, une fois arrivés sur l’aéroport ou presque, un avion en feu ou un hangar enfumé ne peuvent pas être complètement invisible.

 

- je veux pas casser votre belle histoire, ni la nuit impérissable de votre vie, mais on s’est foutus dedans. Que je dis ,moi, perso.

- Pourtant nous sommes quatre à avoir constaté les prémisses de l’aventure.

- Je propose même qu’on renonce et qu’on fasse demi tour. On réfléchira à la maison devant un grog, vu que je me les gèle salement.

- Je refais le grand tour encore une fois.

- Vas y Jojo. Comme cinglé ahuri on a jamais vu plus têtu.

- Moi, je voudrais comprendre.

- Moi aussi,je voudrais comprendre, mais avec les pieds bien au chaud.

- Vous êtes vraiment petits. Très petits. Je fais demi tour et direction Robinson.

 

Et nous demitournons. Re rungis. Re Fresnes. Et re…. Vous voyez ce que je vois ?

-Où ?

-Là. Devant et un peu à gauche.

-Merde, Je vois. C’est pas vrai. Les filles, vous voyez ?

-Bien sûr, on est pas plus bêtes que vous. C’est une énorme fumée blanche dans la direction de Sceaux.

-T’es sûr ?

-Oui et même, pour être précis, dans la direction du Parc de Sceaux. Je connais l’endroit, je joggingnotte de temps en temps dans les allées.

-Mais alors, maizalors ,maizalors, ce feu à Orly grâce à un don d’ubiquité peu commun ne brûle- t- il pas à cinq minutes de la maison en plein Parc de Sceaux ?

Sois humble et serviable, cher beau- frère, et conduis- nous à la maison, le plus vite possible.

- Avant, je veux en avoir le cœur net, je me dirige du coté des grilles du Château.

- Quand je pense que j’ai mon premier rendez vous à neuf heures demain.

- On le saura.

 

Devant les grandes grilles du château, une douzaine de voitures de police et deux camions de pompiers meublaient agréablement les lieux. Quelques curieux contemplaient ce déploiement de force assez inhabituel. Les voitures, dont la notre, ralentissent, un agent fait circuler les uns et les autres de manière assez affable. Georges arrête la voiture. Doudou ne proteste même plus. Il est au delà de l’exaspération.

 

-Mado, sois gentille, va demander au planton avec ton sourire le plus câlin, ce qui se passe, ici, ce soir ?

-C’est toujours moi.

-Je peux quand même pas faire des sourires câlins aux flics !ça ferait pas naturel !

 

Ma sœur est sortie de la voiture. Elle s’est dirigée vers le gardien de la paix. Et elle est revenue vers nous.

-Alors ?

-Alors ?

-Alors ?

- Je ne vous fais pas languir. Accrochez vos ceintures. Ce soir, Sacha Guitry tourne ,pour son prochain film, l’incendie de Moscou en 1814 par l’armée de Napoléon,.

Mon mari a demandé si il pouvait émettre, pour la première et la dernière fois de la soirée une suggestion vraiment intéressante pour tout le monde. Comme on lui accordait la chose de bon cœur, il proposa qu’on aille se coucher.

 

Aglaé

 

Post scriptum

Apres avoir obligé les trois mêmes victimes , à attendre toute une nuit, sur un lit défoncé, en juillet mille neuf cent soixante neuf, que Armstrong veuille bien enfin poser son pied sur la lune , Georges est mort le mois suivant, subitement, en Aout, laissant ma sœur et ses quatre enfants, lui qui n’avait jamais laisser personne en route .Mado est partie l’an dernier, et nous, les Doudou nous restons seuls pour dire à nos enfants, à nos neveux, les toutes petites histoires de nos vies.

 

La mort de Georges nous a déchirés en deux. Il était arrivé à St Véran avec sa femme et une de ses filles, marie hélène, avec le projet minutieusement au point, de bonnes et belles marches en montagne ; Le soir même de leur arrivée, ils s’étaient un peu engueulés parce que les randonnées prévues par lui se présentaient comme très fatigantes pour les deux femmes. On verrait ça demain.

Mais, il n’y eut pas de demain.. A minuit ,il se plaignit d’un tres violent mal à la tête et reclama un antalgique. Il ne parla plus du tout des ce moment là. Mado, boueversée, reveilla les patrons de l’hotel. Une ambulance emmena Georges à l’hopital de Grenoble. Il était dans le coma…. Ne reprit jamais connaissance…L’assistance respiratoire fut débranchée le lendemain.

 

Nous nous retrouvâmes tous à Paris le jour suivant, par une chaleur de 15 Aout. Il est enterré au cimetière de Massy et aucun d’entre nous n’y va très souvent. Nous avons rangé le sac à dos de ses vacances que personne sauf lui n’avait touché. Depuis des années il souhaitait posseder de belles chemises de drap taillées sur mesure .Elles étaient là, toutes neuves, une bleue et une rouge. Et, enfouis entre elles, une dizaine de citrons. Georges disait toujours qu’il ne faut pas oublier d’emporter des citrons pour la soif, quand on part marcher en montagne.

agla

 

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Commentaires
A
Vos réactions me touchent terrible!<br /> <br /> Isa et RV connaissent le Jyfoutou mais pour toi, Arielle, je donne un lien en privé...<br /> <br /> agla du Bisou! A demain!
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A
Ah non, ce n'est pas trop long, tu rigoles !!! Quand est-ce que tu nous proposes une édition - papier de ces merveilleux souvenirs et de ces portraits dont les originaux mériteraient de se glisser dans nos bibliothèques comme ils se glissent dans nos coeurs dès la première lecture.
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S
C'est pas une grosse miette, c'est... le pain entier ! :-)<br /> <br /> Mais boudiou ! Que j'aime ta façon de raconter !<br /> <br /> Si !<br /> <br /> Même le P.S....<br /> <br /> Bisous<br /> <br /> RV
Répondre
A
C'est un peu long c'est certain...<br /> <br /> Je voulais simplement que ces deux textes groupés figurent sur Aglamiettes et ça tombait bien pour moi aujourd'hui!<br /> <br /> Je laisse jusqu'à demain!<br /> <br /> Ce soir une foto d'un dessin d'Usti (Jean Pierre Godefroy) que Edith vient de tirer et qui est très chouette!
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