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VITDITS ET AGLAMIETTES
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Vous venez d'atterrir sur le blog d'AGLAMIETTES où sévissent Aglaé, Thomas et Dan.

Chez nous, vous trouverez des textes courts, des aphorismes pas toujours très sérieux, des réparties dites VD, ou « Vitdit » pas vraiment classiques, mais, autant que possible humoristiques.

Laissez-nous un commentaire si vous avez le temps et l'envie.

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vitdits-ecran

Participez sous la rubrique : « Le Plumard » réservée à nos amis et invités.

A bientôt !

10 décembre 2012

Aglaé Vadet...'Brèves de Mémoire'...pour Hervé et Joa en particulier...

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 Le Paris de mon enfance ressemble si peu à celui d’aujourd’hui. A la devanture des teinturiers, je lisais  « Deuil en 24 heures ». Longtemps je n’ai pas su ce qu’était un deuil. Ensuite, ce fut pire. A l’occasion d’un décès dans ma famille, quand j’ai vu les vêtements teints en noir en l’espace d’une journée, l’énigme s’est éclaircie.

 

Les petits métiers des rues existaient encore. On entendait  « Peaux d’lapins peaux ». Je suis incapable de vous dire si le marchand voulait acheter ou vendre les fameuses peaux. A vrai dire, je m’en foutais, mais la chanson me charmait.

Au marché on entendait « duuuu mourron pour les p’tits oiseaux » ou bien « marchands d’lacets, marchands d’lacets ». Je l’ignorais alors, mais c’était un reliquat du Moyen Age dans le Paris du vingtième siècle.

 

 Entre huit ans et quatorze, c’est la guerre. Cartes d’alimentation… vous connaissez. Je suis même allée chercher un masque à gaz -je crois que c’était au Moulin de la Galette désaffecté en raison de la guerre-. On l’a rangé en bas d’une penderie et on en a plus parlé, mais ça devait être obligatoire. Plus rigolo : en revenant de l’école, je vois une grande barrique, sans couvercle, sur un trottoir de l’avenue de Saint Ouen. Je m’approche et regarde, c’était des olives vertes.

Je cours à la maison. Je raconte. Mes parents intrigués, me donnent de l’argent avec pour consigne d’en acheter autant qu’on voudrait bien m’en vendre. Je suis revenue, la bouche pleine, avec un kilo d’olives. Un trésor à l’époque. Nous ne saurons jamais pourquoi et par qui cette denrée inhabituelle avait été expédiée.

 

Mes parents ne voulaient pas se commettre avec les combines de marché noir. Une seule exception, le gigot de ma communion solennelle, le meilleur de ma vie. On en a parlé pendant six mois.

 

Dans ces années là, j’ai vu le premier film sérieux de mon existence. Mon frère aîné m’avait emmenée voir « L’assassin habite au 21 ». Merveilleux film ou merveilleux souvenir ? Les deux je crois. Je ne résiste pas au plaisir de vous rappeler le dénouement. Il y a trois assassins dans cette affaire policière. Chaque fois que l’un deux commettait un crime et se faisait arrêter, c’est un autre qui prenait le relais. Il tuait à son tour, innocentant le prisonnier. J’avais dix ans et cette idée m’a semblé diabolique et admirable.

 

Je n’ai pas vu que des chefs d’œuvre, mais je n’avais pas la notion de la qualité d’un film. Au Métropole, petit cinoche de quartier, j’ai posé mes yeux sur un navet prodigieux « Les Abandonnées » sur la réhabilitation des prostituées. Mes parents avaient fini la soirée dans un grand fou rire et furent stupéfaits de me retrouver en larmes devant ce mélo grandiloquent.

 

La piscine de mon quartier, une des plus anciennes de la capitale, est située en bas de la rue de la Jonquière. Nous avions rendez-vous le jeudi matin avec deux ou trois camarades, devant la porte. Dès que nous avions franchi les trois marches qui nous séparaient de la caisse -et, c’est ce moment là qui constitue le meilleur de mon souvenir- un ensemble de cris joyeux, de rires, de brouhaha sympathique, un peu lointain, faisait battre mon cœur d’une émotion délicieuse, pour un plaisir légèrement différé, et à cause de cela, plus intense. A cela, s’ajoutait une odeur de bain chaud légèrement javellisé et les bassins bleus que nous apercevions bientôt ressemblaient à une grande baignoire destinée aux ébats de grands poissons bruyants et rigolards. Toute ma vie j’ai ressenti cet instant d’arrivée dans une piscine, comme un des meilleurs petits bonheurs de l’existence.

 

Tous les souvenirs d’enfance ne sont pas agréables. Deux fois, vers dix ans, il m’est arrivé ceci : je revenais de l’école le midi avec mon amie Chrissy. Nous riions comme des folles. On peut dire que c’était un bon moment. Mais tandis que, elle, prudente, pensait à « prendre ses précautions » après les trois cours du matin, moi, disons le tout net, je n’avais pas fait pipi depuis le matin. Pendant que nous marchions ensemble, tout allait bien. Mais, au moment précis où je m’arrêtais de marcher, c’est à dire dans l’ascenseur… c’est ça, vous avez compris : je faisais pipi. Honteuse, je sortais au troisième étage et, pour me donner le temps de réfléchir aux ennuis qui m’attendaient chez mes parents, je m’asseyais sur les marches de l’escalier, sur quoi ? La moquette rouge… Et, trois minutes après, il fallait bien sonner à la porte, écarlate jusqu’aux genoux et inondée.

 

Le six juin mille neuf cent quarante quatre, toujours avec mon amie Chrissy, vers huit heures et demie du matin, nous marchions en direction de l’école comme chaque matin en échangeant nos histoires de petites filles. Quelque chose de vaguement inhabituel attire soudain notre attention. Un petit groupe d’adultes, puis un second, puis un troisième, bavarde, chahute, plaisante.

Nous nous approchons d’eux, curieuses, les oreilles bien ouvertes. Nous avons entendu, mais avons-nous compris directement la portée de la nouvelle que tout ce tohu-bohu révèlait « Les Américains ont débarqué ». C’était donc ça ! Et les gens dans cette rue Legendre habituellement sinistre, parlaient fort, s’interpellaient, une atmosphère de fête dévala le quartier comme une vague d’espoir. Mon souvenir ne va pas plus loin. Je pense que nous avons repris le chemin de l’école en regrettant que les grandes personnes ne soient pas rigolotes un peu plus souvent.

 

A cette époque, ma grand’mère paternelle, qui était davantage une mémé lecture qu’une mémé confiture, m’a emmenée au théâtre pour la première fois de ma vie. Et quel théâtre mon dieu ! La comédie française ; je n’ai pas dormi de la nuit. J’ai trois souvenirs fondus en un seul : la salle rouge et or, la sonnerie grêle et entêtée qui rameutait les derniers spectateurs et presqu’en même temps les trois coups sonores, majestueux, impératifs du brigadier qui font taire les derniers murmures dans la salle. Le silence. L’enroulement qui n’en finit pas du rideau qui se lève et… le comédien déjà en scène, assis dans un fauteuil, enfoui dans une robe de chambre sans élégance, une plume d’oie dans la main droite, une feuille de papier devant lui posée sur un écritoire, et qui monologue :

 

Trois et deux font cinq, et cinq font dix, et dix font vingt. Trois et deux font cinq. Plus « un petit clystère insinuatif, préparatif, et rémollient, pour amollir, humecter, et rafraîchir, les entrailles de monsieur »…………………

…………………………………………………………………………………………….

« Les entrailles de monsieur, trente sols. »

 

J’ignore tout de la pièce de Molière « Le Malade Imaginaire », et je ne connais pas le célèbre comédien qui tient le rôle d’Argan ce soir-là et qui s’appelle Denis D’Inès, mais je pige tout de suite la drôlerie du texte, la liste interminable des soins et des médicaments prodigués à ce faux malade qui déchiffre le montant des honoraires de son médecin en protestant contre les tarifs exorbitants du praticien.

«  Ah ! Monsieur Fleurant, tout doux, s’il vous plaît, si vous en usez comme cela, on ne voudra plus être malade ».

Et à la fin du monologue Argan appelle sa servante en faisant sonner une petite cloche « drelin, drelin, drelin, drelin, ils sont sourds » « Toinette, drelin drelin, drelin, Toinette »  « Mon Dieu, ils me laisseront ici mourir, drelin, drelin, drelin. Chienne, coquine, drelin, drelin, j’enrage ». Ma citation n’est sans doute pas très exacte mais j’ai un tel plaisir à m’en souvenir.

 

Quand mes enfants ont eu à leur tour l’âge de voir une pièce de théâtre nous les avons emmenés voir « Le bourgeois Gentilhomme ». Cette fois je connaissais la pièce et le nom des acteurs. C’était sans importance. Je ne regardais presque pas la scène. Je regardais mes enfants et je pensais à mes douze ans.

 

Quelques années plus tard, avec ma sœur et mon beau-frère, je me souviens d’une équipée mémorable. Leur maison, implantée à Sceaux, au sud de Paris n’était pas très éloignée de l’aéroport d’Orly. Un soir d’été, en mille neuf cent cinquante deux, à peu près, dans cette direction sud, un incendie impressionnant. Mon beau-frère, Georges, nous déclare avec une belle autorité, qu’il s’agissait certainement d’un accident d’avion. « Vite, vite, les filles, il faut aller voir ça » ; En moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, nous sortons la voiture du garage et en route, direction Orly. Excités comme des puces. Mais, manifestement, plus nous approchions du but, plus il s’avérait qu’aucun incendie n’était visible ni devant, ni à droite, ni à gauche. Nous avions perdu notre incendie. Tant pis. Demi tour et nous revenons vers la maison. En approchons de Sceaux, une fumée très inhabituelle planait au dessus du Parc. Nous nous approchons de la grille principale, un service d’ordre assez bon enfant faisait signe aux automobiles de circuler. L’un de nous décide d’aller aux renseignements et revient vers les deux autres, mort de rire. Il était bien là notre incendie avec cette fumée épaisse. Sacha Guitry tournait, de nuit, l’incendie de Moscou, pour un film historique dont j’ai oublié le nom et, de loin, quelques flammes un peu hautes avaient réchauffé nos imaginations de jeunes gens. Ce n’était que ça.

 

Puisque je parle de ma sœur, qui vient de nous quitter, je veux dire qu’elle avait un don pour des contrepèteries involontaires qui faisaient notre bonheur. Devant un de ces petits manèges peu fréquentés, mal peint, moulinant une musique pauvrette, elle s’était campée et avait déclaré  « c’est pitable, non, pardon, c’est mineux » ou bien  « mais si, souviens toi, c’était ce fameux connard tellement couru ». Si, sortant de chez le dentiste, elle râlait parce que la voiture était garée un peu loin du cinéma, elle lançait à son mari  « Tu ne vas pas me faire marcher avec ma dent ». C’était Mado, inoubliée.

 

Mes derniers souvenirs de Paris, au moins pour la période de ma jeunesse, remontent à mille neuf cent cinquante trois, avant mon mariage. Chez Charlot, place Clichy, quand nous étions riches, les spécialités de poissons faisaient nos délices. Mais notre joie, c’était de repérer, en ce haut lieu des fruits de mer, un pauvre mec qui détestait ça, qui s’était laisser entraîner là par surprise et qui se consolait comme il pouvait avec des spaghettis bolognaises .

 

A cette époque nous voyions les films d’Orson Welles, nous traînions Rue de Seine devant les galeries de peintures, et nous avons acheté un hamster quai de la Mégisserie qui nous a pourri la vie pendant deux ans. Nous avons vu « N’écoutez pas mesdames, » au théâtre de la Gaieté, nous avons déjeuné chez Roger La Grenouille qui nourrissait tous les clochards de son quartier, nous avons salué l’immeuble du cher Blondin, quai Voltaire, lui qui nous faisait rire et qui nous émouvait. Nous avons découvert Paul-Louis Courrier. Et les mémoires d’un truand de Trignol. Nous avons acheté « Monsieur Jadis » quatre fois, nous avons acheté les poèmes de Raoul Ponchon chez Gibert, vous savez celui qui écrivait :

 

Je hais les tours de St Sulpice

Quand par hasard je les rencontre

Je pisse

Contre

 

Agla

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Commentaires
S
Merci !<br /> <br /> Bisous<br /> <br /> RV
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A
...que je fis....car c'est plutôt un temps de sécheresse pour le moment....Légèrement tristoune quand même...
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J
Pas étonnant que tu fasses de beaux tableaux, ta mémoire est remplie de scènes colorées...;-)
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