Isa à la maternelle...
Ah la maternelle !
Je me souviens que je voyais les enfants passer dans la rue avec leur cartable et que mon frère y allait. Alors j’avais demandé à moi aussi y aller.
Maman nous avait cousu des sacs à goûter dans un tissu à carreaux, avec une coulisse dont on passait le cordon autour du poignet. Je me souviens que j’aimais bien en sentir l’odeur mélangée de coton, de pain et de beurre, quand je le ramenais vidé. Il y avait une petite espagnole dont la maman enduisait les tartines d’huile d’olive, et je me souviens qu’elle en avait marre parce que son sac à goûter était tout taché. Moi, les taches ça arrivait à la saison des fraises, quand Maman en coupait des rondelles sur le beurre avant de saupoudre le tout de sucre, mais je ne me plaignais pas, c’était délicieux.
Je me souviens sous l’ongle de l’épaisse peinture vermillon qui recouvrait les pots cylindriques, peut-être d’anciennes boîtes de conserves, rangés dans des casiers au fond de la classe, et dans lesquels dormaient, trop souvent à mon goût, les grosses perles de bois avec lesquelles on avait parfois le droit de jouer.
Je me souviens des rondes dans la cour de récréation, avec le fromage au milieu sous son chapeau pointu, des marches sur lesquelles on sautait, d’un petit garçon frisé très brun qui ressemblait à Soupalognonycrouton (mais je ne le savais pas encore) et qui me plaisait bien, il parlait tout le temps, même qu’une fois il avait fini puni sous le bureau de la maîtresse.
Je me souviens que Maman m’avait tricoté un long bonnet rayé à pompon dont j’étais très fière, et qu’une fois que j’étais arrivée avec en retard, la maîtresse avait fait chanter à tous les enfants, « meunier tu dors, ton moulin va trop tard », et tout le monde me regardait et je me souviens que je n’ai plus jamais voulu le porter.
Je me souviens qu’il y avait près du portail d’entrée un réduit bien fermé, à peine plus haut que nous, où on devait ranger les poubelles et peut-être quelques outils, et que je le regardais avec respect en l’imaginant plein de fourmis avec dedans l’œil de Dieu, parce qu’on nous avait appris (c’était une école catholique) que même si on était aussi petit qu’une fourmi cachée dans le noir, Dieu pouvait nous voir.
Je me souviens qu’il y avait un bac à sable et que c’était pas facile d’arriver à se procurer un seau, un rateau ou une pelle. Je me souviens d’avoir joué le berger dans une crêche de Noël parce que j’avais un capuchon en fourrure de lapin que Maman m’avait retaillé dans un manteau à elle, et je me souviens que les robes des anges et de Marie étaient bien plus belles.
Je me souviens qu’on faisait des dessins tout raides en tirant des aiguillées de laine vive dans les trous tout indiqués de fiches cartonnées, ça s’appelait du picage, et qu’on collait des gommettes à l’intérieur des ailes de papillons tracés à gros trait noir..
Je me souviens qu’on portait tous des tabliers, le mien était en nylon rose, et que quand je l’avais appelé sarrau, la maîtresse avait ri en disant que je venais de la campagne, et je me souviens que je ne lui ai pas pardonné.
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isa
PS : tu reconnaîtras le bonnet