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VITDITS ET AGLAMIETTES
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Vous venez d'atterrir sur le blog d'AGLAMIETTES où sévissent Aglaé, Thomas et Dan.

Chez nous, vous trouverez des textes courts, des aphorismes pas toujours très sérieux, des réparties dites VD, ou « Vitdit » pas vraiment classiques, mais, autant que possible humoristiques.

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A bientôt !

27 septembre 2012

'En Vernon', texte d'isa en 2003 pour un atelier d'écriture cornaqué par Jean Barbé....la suite demain...bonsoir!

vallée de l'Ain depuis Oliferne

vallée de l'Ain depuis Oliferne

 

 

Je voudrais, je ne pourrais pas, oublier ce jour, de fin mai je crois. Oui je voudrais, mais ne peux, l’effacer de ma mémoire, le délaver aux soleils des étés, le lessiver à la fonte des neiges.

Fût ce jour non advenu, vous ne me verriez pas ainsi défaite et délaissée … Quand par hasard on me rend encore visite, de plus en plus rarement il est vrai, je ne peux m’empêcher, chaque fois, de leur faire ce conte funeste. Je sais bien pourtant que j’assombris ainsi leur journée, mais égoïstement je me réjouis de les voir emporter, à leur départ et pour longtemps, ce souvenir trop lourd. Qui sait, visiteur après rare visiteur, peut-être à force de le distribuer finira-t-il par s’alléger ?

 

Mais puisque vous êtes là, après cette montée abrupte depuis la vallée, et que vous avez fini par me trouver au bout du chemin, malgré le bosquet déjà bien implanté où je me cache désormais, vous aussi aurez droit à mon histoire.

 

 

 

Ce jour était un jour de fête, ma cheminée ronflait doucement, et sur la cuisinière à bois mijotait un civet, tandis qu’un gâteau refroidissait sur la croisée, embaumant toute ma cuisine. Maria la mère s’affairait aux légumes et aux sauces, qui ne souffrent point l’inattention, et Céline la fille dressait déjà la table. Elle avait cueilli un bouquet. Son frère Paul était nerveux, sa chemise blanche le serrait au cou, il finit par en déboutonner le col, tandis que son père se recoiffait une dernière fois dans le miroir accroché de guingois au-dessus de ma pierre d’évier.

 

Enfin, Paul, penché à la fenêtre, s’écria par-dessus son épaule : « Les voilà ! », puis sortit vivement, un grand sourire aux dents. Il se précipita vers Marguerite, oubliant presque de saluer Marcelle, sa mère, ce qui le fit aussitôt rougir. Marguerite, qui aimait chez lui ces brusques accès de pudeur, lui prit la main jusqu’à ma porte. Tout le monde s’y embrassa, s’exclama sur sa bonne mine, ses beaux atours, les délicieux fumets, et se congratula : c’était jour de fiançailles aujourd’hui.

 

Le repas commença gaiement, je ronronnais en fumant paisiblement. La conversation vint sur les nouvelles de la vallée, où vivaient Marcelle et sa fille.

 

  • « On dit que les maquisards ont attaqué hier sur la route d’Oyonnax un convoi d’allemands qui se repliait en désordre vers le nord. Pas loin d’ici. Ils en auraient tué deux … 

  • Ah mince ! fit le père en fronçant les sourcils qu’il avait encore bien noirs, heureusement qu’ils n’ont pas eu l’idée de monter se cacher par ici, c’est pas bon d’avoir des partisans dans le coin. »

 

A l’instant le front de Paul vira au cramoisi et sa bouche disparut derrière sa serviette tandis qu’une toux violente l’agitait. Chacun le dévisageait d’un air inquiet. Il se versa un verre de vin, sourit et enchaîna avec animation sur les foins qui venaient si bien cette année qu’on aurait sûrement un fameux regain, à condition que les orages veuillent bien nous épargner. Et les génisses donc, Madame Marcelle voudrait peut-être les voir tout à l’heure ? Elles sont si belles ce printemps.

Ils arrivèrent pour le dessert et le café. On n’entendit leurs moteurs qu’au dernier moment, après qu’ils eurent dépassé le haut de la côte. En quelques secondes leurs uniformes familiers sautèrent à bas des camions, m’encerclèrent, m’investirent, et vociférant renversèrent table et chaises, bouquet et cafetière. Ils sortirent brutalement hommes et femmes dans la cour, me fouillèrent de la cave aux poutres du grenier, hurlèrent des questions, et sans attendre les réponses poussèrent tout le monde à coups de crosse vers le mur ensoleillé de la grange. Je n’eus pas même le temps de recueillir un sanglot, parmi les piétinements et les ordres. De brèves rafales strièrent l’air précocement chaud, et déjà vous gisiez tous, ensanglantés, les uns sur les autres dans la poussière dorée qui retombait, Victor et Maria, Marcelle et Céline, Paul et Marguerite. Quand le silence se rétablit après le départ de la colonne, je compris que c’en était fini, d’eux et de moi.

 

Si me voyez ainsi en ruine, encerclée d’épicéas plantés sombres sur mes grasses pâtures, c’est à ce jour de 1944 que vous le devez. Sans lui, je serais encore une ferme, à tout le moins une grange d’estive, voire une résidence secondaire pour suisse en mal d’immobilier. Mais ce soleil a tourné de son lever à son coucher, ce qui fut a été, les morts sont enterrés dans la vallée. Grâce à moi, que vous avez daigné écouter dans le bruissement de mon bosquet de hêtre, vous savez qui porta ces six noms gravés sur la plaque scellée à même mes dernières pierres. Emportez, emportez mon souvenir, que je puisse me reposer enfin.

 

Isabelle Herbert

 

 

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Commentaires
A
...voici qqs lignes d'Isa:<br /> <br /> tu te souviens peut-être de ce texte "En Vernon". C'était mon tout premier essai de prose narrative, sur l'atelier de Jean Barbé qui avait proposé comme thème "Et si ... ". ce devait être en 2003 ou 4.<br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> J'étais partie d'une stèle aux six noms plantée près des ruines d'une ferme désormais noyée dans une forêt dont je devais faire le plan de gestion, et des bribes de l'histoire qui m'avaient été rapportées, un peu déformées.<br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> Le propriétaire ayant reçu le texte en même temps que son plan de gestion, il vient de m'envoyer tout un dossier...<br /> <br /> <br /> <br /> Nous aurons la suite demain comme promis!<br /> <br /> <br /> <br /> BONSOIR!!!
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