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VITDITS ET AGLAMIETTES
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Vous venez d'atterrir sur le blog d'AGLAMIETTES où sévissent Aglaé, Thomas et Dan.

Chez nous, vous trouverez des textes courts, des aphorismes pas toujours très sérieux, des réparties dites VD, ou « Vitdit » pas vraiment classiques, mais, autant que possible humoristiques.

Laissez-nous un commentaire si vous avez le temps et l'envie.

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vitdits-ecran

Participez sous la rubrique : « Le Plumard » réservée à nos amis et invités.

A bientôt !

2 juillet 2012

Jean Barbé..."Jadis dans mon patelin y avait la Françoise..."

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Fages quai (la tulipe)

"La Tulipe" chez Page...

 

 

 

 

 

Jadis dans le patelin il y avait Françoise, boulangère qu’avait des écus et qui était plutôt gironde en son genre… il y avait le louchebem qu’on appelait Castor à cause d’une dentition à toute épreuve et il y avait M et Mme Gaston qui faisaient dans l’épicerie ; pas toujours très fine l’épicerie Gaston mais ouverte du lundi au dimanche midi et de 7 à 20 h et davantage ce qui rendait bien service quand on tombait en panne de sel ou de moutarde.

Si on avait besoin d’une poignée de clous au débotté ou d’un truc pour déboucher les chiottes dans l’urgence on filait chez le père Madec qui avait « tout », qui ne savait pas toujours où et ne le retrouvait pas tout de suite mais finissait par le dégotter derrière une étagère poussiéreuse ou au tréfonds d’un tiroir qui bruissait et lâchait de drôle d’odeurs quand il l’ouvrait

En cas de nécessité Monsieur Trouillot, pharmacien diplômé faisait crédit jusqu’au remboursement de la sécu et si le garagiste Leberre était trop occupé à démonter un joint de culasse ou je ne sais quoi qui le tenait toute la journée à moitié enseveli sous une carcasse de berline ou le bloc moteur d’un tracteur, ou encore s’il était parti en dépannage ou se musser en quelque affût pour caresser à la chevrotine un sanglier de passage , et bien on se servait tout seul en gazoline et on mettait l’appoint sur son bureau dans la boîte sur l’établi au coin de l’atelier. Côté jardin, les semences de bisannuelles comme les pieds de vivaces, les plants de salade, ceux de fraisiers ou de pomme de terre, étaient toujours de première qualité à la graineterie Hénanf.

C’est chez Françoise ou chez Castor qu’on prenait régulièrement au jour le jour des nouvelles des uns et des autres mais c’est après en allant boire un jus ou l’apéro, suivant l’heure, sur le zinc ou à la terrasse, suivant la saison, du bar-tabac « à l’orée du bois », qu’on détaillait, discutait de tout, discutaillait de rien, de l’indice du coût de la vie et de la mondialisation qui allait nous tomber sur la gueule un de ces beaux matins, du cours du cochon et des giboulées de mars, des guerres d’ici et de là et surtout et avant tout de la nécrologie d’ici et d’alentour, histoire de ne pas louper un enterrement où on aurait été mal vu de ne pas y être vu, fusse celui d’une nonagénaire oubliée mais vaguement cousine d’un cousin par alliance ou d’un ami d’enfance, d’un copain du club des boulistes ou d’un ami d’un copain.

 

Aujourd’hui le bar-tabac n’est plus que bar et faute de jaseur - partis sans doute fumer ailleurs - il n’ y avait plus vraiment besoin de terrasse, alors il n’y en a plus. Dans la boucherie à Castor on tranche d’autres quartiers : c’est une agence immobilière ouverte 3 fois la semaine, l’après-midi pour essayer de vendre les cinq ares par part du lotissement de la Cité du Bois Joli à la sortie ouest du pays.

Quand la mère Gaston a dévissé son billard le père Gaston est parti s’installer chez ses enfants à la ville et dans les murs de son commerce il fut un temps question d’installer une crêperie pour les touristes de passage… mais ça fait déjà deux ou trois paires d’années que les vitres de l’épicerie ne sont occultées que d’un crêpe de lait de chaux.

Pareil pour le garage, on se demande même pourquoi qu’ils ont laissé la pompe à essence dans la cour. Epouvantail de métal qui n’effraie pas même les ronces faufilant leurs stolons d’épines dans les fentes du bitume et dans les plis boudinés du bonhomme Michelin dont l’effigie monte toujours la garde sourire aux lèvres sur le mur de la façade de l’atelier.

Vu que la boulangère avait fermé, vu que le pain c’est le peuple, vu que le peuple c’est la cité, vu tout ça et pour garder un air cité à la commune le Conseil Municipal a mis d’abord un mec dans les murs transformés en « dépôt de pains ». Mais foutu bricheton qu’on livrait là chaque matin depuis je ne sais quelle usine ! un réchauffé vraiment pas terrible et ça n’a pas duré… un coiffeur s’y est bien collé pendant presque six mois mais finalement ça a été transformé en deux T2 duplex que l’agence de la boucherie Castor essaie, 3 après-midi par semaine, de louer à quelque éventuel misanthropes égaré et sans toit… personnage romanesque qui ne se trouve pas tous les jours dans les petites annonces. La quincaillerie Madec et la maison Hénanf mitoyenne sont devenues un entrepôt de la coopérative agricole.

Quant à Monsieur Trouillot, étant donné qu’il n’avait plus le nombre de clients que son code professionnel exige il fut prié par l’ordre des apothicaires diplômés d’aller ouvrir ailleurs une officine un peu plus performante, ceci en dépit des protestations officielles du ci-dessus Conseil Municipal, pour une seconde fois unanime ; la fermeture de l’agence postale ayant un an plus tôt suscité elle aussi cette belle unanimité. Elan citoyen admirable, admirable de fermeté et admirable parce que désespéré et vain il semble pourtant mettre tant d’honneur et de dignité dans l’inutilité puérile de sa démarche.

Ce n’est pourtant que lorsque l’école, l’institutrice-directrice et la vingtaine d’enfants, ont été transférés et regroupés dans une commune voisine qu’on a vraiment compris que la modernité nous rattrapait plus vite que prévu. L’heure de la sortie qui ne sonnait plus prenait d’un coup des airs de requiem sinon de glas.

 

Maintenant sauf les bagnoles qui passent, qui traversent plutôt, on ne voit vraiment plus grand monde dans le patelin.

 

Pourtant il nous arrive encore de nous rencontrer au centre commercial du chef lieu d’à côté. Heureusement qu’on l’a celui-là…à trente bornes c’est beaucoup mais y a tout, tout, tout : trois super-bouffes, des marchands de téléphones et des opticiens à la pelle, deux pizzerias, cinq ou six agences bancaires et au moins le double de distributeurs à billets, une immense pharmacie self-service, des voyagistes avec des vitrines de rêves ensoleillés, des marchands de godasses et d’écrans plats, pis des fringues, des fringues, des fringues… des fringues partout ! cinq toubibs, deux dentistes, et les Pompes funèbres : un vrai paradis.

Bon, comme c’est quand même un peu loin du patelin on n’y va que le samedi … comme les gens de tous les patelins alentour d’ailleurs. Heureusement que c’est ouvert le samedi quand on est de repos parce que faut quand même bien compter en moyenne une petite heure de queue pour refiler notre oseille en échange du caddy. Mais c’est moins cher. Alors le caddy on le remplit jusqu'à ras-bord, et des fois on en prend deux. En rentrant on bourra le congélo pour que ça dure jusqu’au prochain samedi merveilleux quand on pourra se retrouver pour papoter avec nos concitoyens au hasard des rayons enchanteurs. A la sortie on prend le temps de refaire la queue pour un plein d’essence à l’une des stations services, histoire d’amortir les frais de déplacement,… et puis on rentre joyeux avec ce sentiment d’une journée bien remplie ; il arrive même certain samedi qu’ on abuse un peu en décidant de prolonger la sortie jusque dans l’après midi ; dès lors les rois n’étant plus nos cousins on se paye le resto dans le fast-food self-service dont on emporte comme un relent d’amour l’odeur tenace des frites molles et huileuses au revers de nos cols.

 

Autrefois nous étions vraiment les rois des cons !

 

Aujourd’hui on bouffe des fraises en décembre et on ne les paye que fin de mois avec la carte de crédit… on ne passe plus nos samedi à cultiver son jardin en bavardant avec les voisins par dessus le grillage ou à aller dépenser des sous à la terrasse de « l’orée du bois » en refaisant le monde alors qu’il était en train de se refaire tout seul en se foutant pas mal de nous.

Aujourd’hui on vit.

 

Jean Barbé

 

 

 

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Commentaires
H
Oups...<br /> <br /> "fait mal" et non "ait mal"<br /> <br /> S'cusez:-)<br /> <br /> RV
Répondre
H
Ouch ! La chute ait mal ! :-)<br /> <br /> Mais j'ai connu ce genre de village...<br /> <br /> Et ça me rappelle un peu le bouquin de Fallet "La soupe aux choux".<br /> <br /> Merci Jean !<br /> <br /> <br /> <br /> RV
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