Xavier Bordes...'L'Innombrable échec'...
Tel qu’un océan qui lance et relance sa transparence
Instable à l’assaut des hauteurs immuables du littoral,
Et l’obsession du ressac ne parvient pas à surmonter
L’obstacle du sable luisant comme une peau d’orange,
Ainsi le poème, à grands bouillons d’une écume fugace
Aux limites, s’efforce, recommence, se cabre et s’écrase
Platement sur le vélin à jamais trop vaste pour lui.
Une île-au-loin, bien entendu, parmi le bleu dérive,
Touffue de palmes, d’oliviers, d’amandiers, de dattiers,
De rochers verdissants par le miracle d’un printemps
Éternel. Mais les eaux ne peuvent que la cerner, la refléter.
Jamais en pénétrer le coeur ni ses brumes de rêve.
Et celui que l’on dit poète et qui n’a droit qu’à l’inassouvi
Désir de recenser les choses, lancé sur sa maigre pirogue
De roseaux mal liés, balancé par la houle de l’approche,
Finit, ridicule, en mots déchiquetés, sur la barrière de corail,
Environné des poissons polychromes de ses souvenirs.
Xavier Bordes