Jean Barbé...en écho à la sirène de Damy Tangage...
C’était à peu près l’heure où les fauves vont boire
Alors je suis entré la jugeote en bataille,
J’ai commandé un verre et gardé la bouteille,
Elle ripa vers moi un tabouret de bar
Et vint s’asseoir là les nénés sur le rade ;
J’ai fait signe au barman de lui servir son drink,
Dans sa tasse il pissa d’un flacon exotique
Un éther inconnu en dosant la rasade ;
De sa jupe fendue un genou blanc saillait
Comme un bolet Satan dans un sous bois l’automne,
La fumée du mégot pendu à la pivoine
De sa lippe fanée lui tordait l’œil en biais ;
Quand elle prit son verre pour le siffler d’un trait
J’ai lu sur le biceps de son bras mou et lourd,
Cinq mots mal tatoués : « à nous deux pour toujours »
Et de par là me vint une odeur débusquée,
Le juke-box renversait des musiques d’indiens,
Elle m’a demandé : « alors, t’as la cerise ? »
Et glissant doucement sa main entre mes cuisses
Reprit du bout des doigts les rythmes du bastringue.
Elle me regardait de son œil sans lumière,
Froide, calme, vide, sans rien dire de plus,
Juste au coin de la bouche un étrange rictus
Puis elle se leva et sortit la première,
Je l’ai suivie sans joie, sans dégoût et sans peur
Peut-être vers l’enfer dans cette rue bancale,
Déjà pointait le jour tout au bout du canal
Quand l’espoir y tomba … à peu près à cette heure.
Jean Barbé