Deux miettes de gauffrettes pour un dessert...

Dans une brasserie du Havre à l’heure du déjeuner, un homme de cinquante ans en face de sa vieille maman termine son repas non loin de nous. L’homme me fait face. C’est un homme du Pays de Caux, un homme de la terre, la peau du visage un peu tannée, le cheveu gris court, mal soigné, aplati par le port régulier de la casquette. Un col de chemise à rayures alourdit encore le pull over aux motifs jacquart un peu criards.

Le garçon apporte un chocolat liégeois somptueux dans une coupe conique et la pose devant l’homme. L’œil gourmand, il s’installe avec lenteur pour une dégustation attentive. Le dos bien droit . Les pieds à plats et en dedans comme l’enfant concentré devant un jouet neuf. De sa grande main rougeaude, il saisit précautionneusement l’extrêmité de la cuiller à long manche et fait sauter les trois lamelles d’amandes grillées qui surplombent les volutes de crème chantilly. Il soulève, par petites bouchées délicates la crème au chocolat du fond de la coupe de façon à la chapeauter d’un volume égal de mousse blanche et sucrée…Aussi longtemps qu’il peut, il fait le tour de la gaufrette plantée au bord du verre…Au moment où elle va sombrer, il en saisit l’ extrêmité et mordille la moitié humectée de chocolat…Il utilise l’autre moitié, bien fragile, pour ramasser les ultimes particules de dessert, le long des parois transparentes.

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