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VITDITS ET AGLAMIETTES
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Vous venez d'atterrir sur le blog d'AGLAMIETTES où sévissent Aglaé, Thomas et Dan.

Chez nous, vous trouverez des textes courts, des aphorismes pas toujours très sérieux, des réparties dites VD, ou « Vitdit » pas vraiment classiques, mais, autant que possible humoristiques.

Laissez-nous un commentaire si vous avez le temps et l'envie.

Les commentaires sont accessibles sous chaque post de nos auteurs.

Une réponse vous sera adressée (sauf caprices de l'informatique toujours possible) !

vitdits-ecran

Participez sous la rubrique : « Le Plumard » réservée à nos amis et invités.

A bientôt !

4 décembre 2011

Aglaé Vadet...'Le Beau Zozo'...repiqué sur Pleutil...

 

foto1_normal

 

Depuis qu’il avait pris sa retraite, oncle Augustin démentait une vie paisible et conformiste par des incartades inattendues et répétées. Sa femme n’en revenait pas. Toute sa vie il avait restauré des tableaux anciens dans une petite boutique près de la cathédrale de Quimper, c’est dire le soin méticuleux, la délicatesse extrême qui définissait ce petit homme mince aux mains fines, ceci pendant les quatre ou cinq décennies pendant lesquelles il exerça ce métier artistique avant tout


A soixante sept ans, sa vue ayant baissé, il a fermé la petite boutique que personne n’a voulu racheter. Sa femme Gisèle prospecta les environs, en bord de mer, et quelques semaines plus tard, tous deux s’installaient à Loctudy, dans une petite maison de pêcheur, bien graniteuse et proche du port.


Les premières extravagances de Gustin étaient rigolotes et anodines. Il adopta le pantalon de toile des pêcheurs, une vareuse rose qu’il fallu faire bouillir et rebouillir pour obtenir ce ton délavé inimitable que tout le monde imite, conformément à la mode de cette côte bretonne. Il jouta une casquette bleue marine, une peu trop haute et légèrement galonnée comme celle d’un capitaine d’opérette. L’ensemble était du plus bel effet.


Il se mit à fréquenter le Bistrot du Port, Le Boui-Boui’z, pas tellement pour le petit verre de Côte du Rhône ou de Muscadet qu’il buvait avec le patron, un certain Garec, mais pour les conversations entre ces hommes de la mer qui commentaient avec de grands rires les menus évènements du jour. Tantôt la pêche, tantôt la météo, ou bien l’arrivée des touristes, les achats ou les ventes de bateaux avant les mois d’été.


C’est même à cause de ce dernier sujet, un soir qu’il s’était attardé au comptoir, que l’oncle Augustin, l’oreille tendue, apprit l'achat possible d’un Zodiaque, à des parisiens qui souhaitaient revendre le tout, moteur 6 cv Evinrude compris, pour un prix raisonnable. Augustin, touché à vif, décida d’étudier l’affaire.


Gisèle, consultée, ne fut pas d’un enthousiasme délirant. Leur petite maison manquait du minimum de confort et le chauffage devrait être sérieusement révisé avant l’hiver.


- Gustin, tu connais comme moi notre situation. Notre vie a été dénuée de fantaisie et je sens bien, depuis notre départ de Quimper, tu es en proie à des tocades comme un adolescent. As-tu vu l’écharpe bleue que tu viens d’acheter ? L’as tu vue ? On dirait celle d’un taliban au milieu du désert. Sans compter que les gens du village te surnomment « le Pacha » à cause de ta belle casquette. Nous avons eu une vie si raisonnable que tu n’as pas eu ton contingent de folies. Je te connais bien. Tu l’achèteras sans doute ce bateau.

- Tu m’en veux ?

- Un peu… mais en même temps ça me fait rire.

- Pourquoi ?

- Parce que restaurer des tableaux anciens pendant cinquante ans pour finir sa vie en jouant les vieux loups de mer, c’est vraiment trop. Je ne l’ai vraiment pas vu venir celle-là !

- Puisque tu es presque d’accord, je retourne chez Garec. Il me donnera des détails. Il me faudra un mouillage pas trop loin dans le port et un de ses clients m’apprendra à faire des ronds dans l’eau avec Le Beau Zozo…

- quoi ?

- C’est le nom du bateau. Il ne faut jamais débaptiser un bateau, les vieux marins disent que ça porte malheur.

- C’est pas vrai ! Il ne faut pas manger d’œufs durs à bord ni embarquer un lapin. Ça porte malheur aussi. Et la connerie, Augustin, ça porte malheur ? Fiche le camp avant que je change d’avis. Et pars pas en Amérique sans m’avoir dit au revoir.


L’affaire fut réglée en trois jours. Les parisiens étaient charmants. Le zodiaque était en très bon état. Le mouillage était payé pour toute l’année et les économies placées par Gisèle à la Caisse d’Epargne suffirent amplement à régler le montant de la vente. Augustin mit sans vergogne, le reliquat d’euros dans la poche de son ciré jaune.


Malgré son physique un peu gringalet de citadin aux mains blanches, Augustin pigea sans difficultés les manœuvres expliquées par le fils Garec, lui même pêcheur sur un sardinier, gros homme taciturne dont les cheveux très épais repoussaient la casquette au sommet du crâne. Quinze jours après, Augustin entamait sa première traversée en solitaire, de Loctudy à L’Ile Tudy, dix minutes de route, dans un état d’exaltation, dont, fort heureusement, personne ne fut témoin.


Ce jour-là, comme tous les précédents, vêtu à la manière d’un pêcheur breton, plus la casquette de capitaine, plus l’écharpe de taliban, Gustin cria « à tout à l’heure ! » en direction de sa femme qui étendait du linge et claqua un bon coup la porte derrière lui. Il fit un crochet chez Garec, but un coup, serra quelques mains et partit en direction du port d’un pas décidé. Décidé à faire une jolie promenade avec une météo favorable, une température exquise, une mer de rêve.


Tous les petits voiliers du coin, et plusieurs gros, quittaient Loctudy à la queue leu-leu et Augustin les suivit benoîtement. L’anse de Bénodet, toute proche, était un lieu bénit pour la plaisance. Mon Dieu, que c’est beau « La Plaisance ! ». Augustin naviguait à cet endroit pour la première fois, mais, entouré par cette flottille d’amateurs, il se sentait léger, gai, et bon marin.


Gisèle, de son coté, poursuivait sa journée normalement. Elle lisait Ouest- France, installée dans la cour face à la rue, petites annonces et rubrique nécrologique comprises, simplement parce qu’elle était bien, assise au soleil, en attendant l’heure de faire cuire la soupe. Quelques voisines passaient dans la rue, échangeaient un potin ou deux avec Gisèle qui aimait écouter ces Bretonnes vives et loquaces, dont les propos les plus minces se transformaient en contes bien tournés. L’heure passait, le soleil baissait, chacun rentrait chez soi.


Augustin n’était toujours pas là. Toujours plus en retard de jour en jour. 8h passé, il exagère. 9h… Gisèle enfile son manteau, projetant de faire un saut jusqu’au port. Téléphone ! Voilà, voilà, j’arrive.


- Allo ?

- Allo ?

- Tu m’entends ?

- Non

- Et comme ça ?

- Oui

- Ça va ?

- Pas très bien.

- Doux Jésus, qu’est ce qui se passe ?

- J’ai glissé dans le bateau, sur le plancher mouillé.

- Tu es blessé.

- Je ne crois pas, mais j’ai un peu perdu conscience. Je suis pas sûr. Pas longtemps en tout cas.

- T’as une toute petite voix.

- J’en ai pris un bon coup sur le tromblon.

- Où es tu ?

Je ne sais pas.

- Quoi ?

- Je ne sais pas… sûrement dans la baie de Bénodet… mais les bateaux qui étaient autour de moi sont tous rentrés… Je suis tout seul et pas très vaillant.

- Gustin, écoute-moi. Tu vas rester là où tu es, et je vais aller prévenir que tu as besoin d’être secouru. Tu as entendu ?

- Oui, fais ça ma grande. Je ne me sens pas très bien, je raccroche. Je compte sur toi.


Gisèle a couru jusqu’au Boui-Bouiz’s. Emile Garec l’a accompagnée chez Monsieur Le Maire. Tous les trois ont prévenu la Société de sauvetage en mer de Loctudy, qui a mis au courant la Maison-mère à Brest, et avant la nuit tombée, deux canots de sauvetages et une douzaine de sauveteurs bénévoles fendaient « la mer et les flots » à la recherche de notre homme. Ils ne trouvèrent rien… Le Beau Zozo, disparu !

La nuit était complètement noire et il fut décidé qu’une douzaine de gendarmes longeraient la côte. A tout hasard on tînt la Préfecture au courant, laquelle demanda qu’un avion avec un médecin à bord et du matériel pharmaceutique soient prêts à décoller en cas de besoin.


Au lever du jour, nos gendarmes, épuisés par cette longue marche nocturne, retrouvèrent le bateau et le moteur un peu tordu sur son axe, sur la grève de Concarneau. Le tout, échoué, mal en point, et sans personne à son bord. On devinait, sans en être sûr, la trace de quelques pas dans le gravier sel et poivre de la plage.


Notre homme était-il quelque part dans Concarneau ? Et, s’il y était, où était-il dans Concarneau ? Deux policiers remplaçant nos gendarmes hors d’usage, entreprirent la visite des nombreux troquets en bordure de mer. Personne n’avait vu Gustin. Ils débattaient de la décision à prendre : continuer ou faire demi tour, arrêtés sur un trottoir, quand l’un d’eux remarqua une façade d’hôtel très modeste, portant l’inscription : Auberge de Jeunesse. Comme une inspiration peut venir à un policier comme à un poète, l’idée leur vint d’entrer.


- Dans vos clients, cette nuit, vous n’avez pas reçu un homme de soixante dix ans, un peu fatigué, habillé comme un pêcheur du coin ?

- Si. Même que ça nous a fait rigoler. Excusez-nous, mais dans une Auberge de Jeunesse, on n’a pas souvent ce genre de client.

- Où est-il ?

- Nous n’avions plus de place, hier soir, si bien qu’on lui a proposé un lit dans le dortoir. Il a accepté aussitôt. On n’a pas posé de questions. Il avait l’air sacrément secoué. Mais il avait de l’argent dans la poche de son ciré. Il a tenu à nous payer la chambre tout de suite. Je pense qu’il dort encore.


Augustin ne dormait plus. Il était coquettement drapé dans un dessus de lit, et répondit à toutes les questions à condition de pouvoir avant tout téléphoner à sa femme.


Le lendemain de ces évènements, un article parut dans « la Gazette de Concarneau ».
Ainsi libellé :


« Notre correspondant à Concarneau nous relate l’aventure d’un septuagénaire de Loctudy, qui aurait pu connaître une fin tragique. S’étant égaré en baie de Bénodet au milieu des plaisanciers en vacances dans notre belle région, lesquels plaisanciers disputaient la régate du Bout Du Monde, comme chaque année, Monsieur Augustin P., à bord d’un zodiaque fut, dans un premier temps, considéré comme faisant certainement partie du comité de sécurité. Vers 19h tous les participants avaient regagné leur port d’attache respectif. Notre navigateur solitaire, resté seul en mer, et après un malaise dû à une chute sur le plancher du zodiaque, termina sa promenade héroïque en échouant sur la grève de Concarneau. Transi de froid et mort de fatigue, il échoua une seconde fois à l’Auberge de Jeunesse. Les sympathiques patrons de l’établissement prodiguèrent à notre héros, gîte et couvert. Deux policiers partis à sa recherche le trouvèrent au saut du lit, reposé, avec une grosse bosse sur la tête, s’enquérant avec une certaine inquiétude de sa femme et de son bateau ».


L’article parut, accompagné d’une photo, notre Augustin drapé dans une courte pointe à fleurs. Gisèle aussi fière qu’on peut l’être, obtint du journal, un agrandissement couleur dont s’enorgueillit encore aujourd’hui et pour longtemps, le mur le mieux éclairé du Boui- Boui’z bar.

Aglaé


Tout n'est pas perdu tant qu'on est mécontent de soi (Cioran)

 

 

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Commentaires
A
Sainte Opp ce matin...marché de Noël à la normande...pas de vin chaud ni de bonhommes en pain d'épice mais qqs volailles somptueuses...
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