Aglaé Vadet...Où l'on voit comment les champignons entrent chez nous pour la première fois ...BONSOIR!

 

Un Mercredi d'Octobre 1965 chez les Vadet. Les mômes à la maison...Trois ans, six ans, neuf et dix ans. Dehors, dès le matin, un fin crachin doux et silencieux promet une journée à l'abri du soleil et des dessins animés à la téloche jusqu'au soir...d'ailleurs ils sont déjà plantés devant l'écran avec les dernières tartines de Nutella rescapées du petit déjeuner.

Je dis non ! à cette perspective de merde et trouve une parade, bonne ou mauvaise, je ne sais pas encore, pour me tirer de là. Toilettes réduites au petit lave-cul indispensable et tenues de survie. Le tout au pas de charge, panier goûter sommaire : flotte et biscuits. Exit la vieille 403 qui pue les mégots de la veille par ce temps-là, la poussette pliable dans le coffre, et embarquement des passagers.

Je démarre mais il est temps de faire part de mes projets et je n'ai pas tellement confiance dans les réactions des gosses. En général, ils se méfient de mes initiatives sur ces coups-là !

- On va en Forêt de Brotonne. Là où nous nous sommes promenés avec votre père Dimanche dernier... Oui, je sais, il faisait beau, mais vous savez que c'est très chouette aussi la forêt sous la pluie, ou en hiver... t même sous la neige...si,si...je n'exagère pas. Vous verrez comme on se sent bien après une bonne marche... on rentre à la maison où il fait bien chaud...et on regarde quelques petits dessins animés avant le dîner.

Deux d'entre eux roupillent bien avant d'atteindre le bon coin de forêt que je vise car c'est le seul que je connaisse un peu et que je redoute de me perdre. Je ne suis pas une fana des grands espaces de liberté. Les dimensions du Jardin du Luxembourg à Paris me suffisent amplement ! Mais aujourd'hui, je n'ai pas le choix !

Nous y sommes. Je gare la voiture sur une allée herbue, je libère la meute et déplie la poussette. Il fait très doux et la pluie s'est arrêtée. Les arbres dégoulinent en faisant une petite musique à la fois cristalline et feutrée...comme si on mettait un tissu sur les touches d'un xylophone. Vous voyez à peu près ? C'est sympa en tout cas.

Nous pénétrons tous les cinq dans le sous-bois, moi en dernier traînant la poussette en terrain hostile... ce sont des feuillus variés et assez communs, orme, bouleaux, chênes, dont la voute commence à être moins verte et moins épaisse, filtrant une lumière humide, grise, jusqu'au sol boueux, marron, couvert de feuilles presque mortes.

Mais, après quelques pas, les enfants sont cloués sur place. Le sol est jonché d'une quantité étonnante de champignons de toutes les formes, toutes les tailles, toutes les couleurs. Moi-même je n'en ai jamais vus autant, rassemblés, lumineux comme une décoration de Noël. Nous restons sans voix. Juste avant de parler tous ensemble.

C'était le moment d'avoir une idée, et pour les idées, je ne crains personne... voici donc ce que je propose dans ma grande sagesse :

- Nous allons ramasser ces champignons, mais pas n'importe comment et pas pour faire n'importe quoi... très soigneusement, chacun de vous ramasse trois ou quatre champignons et moi, je vais ouvrir le coffre de la voiture...Vous les apportez... je les range... vous repartez... et ainsi de suite. Puis, nous reviendrons à la maison et nous installerons notre cueuillette, délicatement, sur le bulgom de la grande table... Il ne faut pas qu'ils soient cassés ou abîmés. D'accord ?... Il faut cueillir le champignon entier, et surtout, surtout, ne rien porter à la bouche car certains d'eux nous rendraient malade. Compris camarades ?

- Et qu'est-ce qu'on en fera ensuite ?

- On attendra le retour de Papa et on lui montrera notre exposition !

- Au boulot, moussaillons !

On a fait exactement tout comme prévu et le travail d'équipe, ce jour-là, a fonctionné au poil. Les petites serviettes humectées de savon ont toutes servies généreusement à nettoyer les mains. Du coup, on avait oublié de goûter !

Retour à la maison. Les deux petits fatigués. En pyjama et "bonsoir les petits"... J'installe comme prévu, avec l'aide des deux grandes, les gros blancs en forme d'entonnoir, les tout ronds au chapeau lisse et rond, des tout petits très minces violets et juponnés. D'autres avec le dessous du chapeau comme une éponge douce et ferme, d'autres encore presque noirs... Nous sommes ravis du résultat !

Doudou est rentré deux heures plus tard !

On s'est pas fait engueuler, ce que je craignais un peu et pour plusieurs raisons !

Il a été bluffé, comme on ne disait pas encore à l'époque... et après un silence et un examen sérieux de l'exposition, il a dit :

- On ne touche plus à rien... moi, comme vous, je ne connais rien à ces petites bêtes, mais demain, je vais à La Galerne et je reviens avec un livre sur la question... Nous verrons ça tous ensemble... ce qu'on ne sait pas faire dans la vie, il suffit de l'apprendre...

C'est ainsi que la passion des champignons est entré chez nous pour de longues années, d'innombrables balades et des souvenirs en pagaille.

aglaé

Comments

[aglaé]

...on les a foutus à la poubelle.........je ne me souviens pas des détails, mais, assez vite on a rapporté des Chanterelles,des trompettes de la mort, des russules charbonnières et certains bolets...ensuite, vers septembre les années suivantes, on a eu des coins à Cèpes.
La meilleure de nous tous pour dénicher les bons endroits, c'était SOPHIE, sans contestation possible!

[sylvie]

vous les avez mangés les champignons ?

[aglaé]

La forêt de Brotonne

L'une des plus belles hêtraies de France, constituée de hautes futaies. Ses pinèdes et ses clairières sont tapissées de bruyères roses ; ses mares, souvent entourées de vestiges d'habitations, ont conservé leurs noms pittoresques (mare Sasurette, Noire, Lullin, Tonne, des Grès, Plate, du Diable, de la Truite, etc.), même si, pour certaines, elles ont disparu.