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VITDITS ET AGLAMIETTES
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Vous venez d'atterrir sur le blog d'AGLAMIETTES où sévissent Aglaé, Thomas et Dan.

Chez nous, vous trouverez des textes courts, des aphorismes pas toujours très sérieux, des réparties dites VD, ou « Vitdit » pas vraiment classiques, mais, autant que possible humoristiques.

Laissez-nous un commentaire si vous avez le temps et l'envie.

Les commentaires sont accessibles sous chaque post de nos auteurs.

Une réponse vous sera adressée (sauf caprices de l'informatique toujours possible) !

vitdits-ecran

Participez sous la rubrique : « Le Plumard » réservée à nos amis et invités.

A bientôt !

10 juillet 2011

Jean Barbé...'Simienne-Party'...et BONSOIR!

 

guenon

Ne me regarde pas comme ça ! Ça m’fait comme au zoo quand les singes m’observent et qu’ils ont l’air de savoir ce que je pourrais bien dire pour me justifier.

Elle jette les yeux au plafond et envoie valser d’une véronique le drap jauni et rêche au pied du pucier.

  • Pauvre mec, soupire-t-elle.

 

Puis elle sort sa viande de ce torchon ; en se grattant la fesse, elle se dirige mollement vers la chaise pour récupérer ses frusques. Elle les enfile vite fait - rien qu’une robe courte en jersey sur des mules pointues à hauts talons – elle graisse ses papotes au bout d’un bâton de rouge, ramasse les banque-notes et les loge avec le lipstick dans son petit sac noir puis elle ouvre la porte et la franchit sans se retourner mais en répétant :

  • Pauvre mec !

 

Elle a raison.

Je n’ai jamais su parler aux femmes, même celles que je paye pour m’écouter finissent toujours au bout d’un moment par me renvoyer d’où je viens, à mon indigence intime et casanière. Je ne trouve jamais les mots que je voudrais, ceux qu’il faudrait. Pareil quand je suis devant l’enclos des singes. J’ai payé l’entrée du zoo, ils sont derrière les barreaux, c’est moi qui paye les cacahouètes et qui porte des godasses, c’est bien eux que les gens viennent voir mais c’est quand même bien eux qui me regardent comme une bête étrange. Je ne sais jamais ce que je pourrais ou devrais leur dire.



Je n’ai jamais su parler aux femmes ni à personne d’ailleurs.

Lorsque j’ai appris à parler j’ai compris que la vie est chose difficile si on ne sait pas se taire. « Parler » est un acte circonstancié. On ne doit le commettre jamais sans en mesurer l’importance ou la pertinence au risque de tomber dans l’inconvenance. Que ce soit la bouche pleine, pendant que les autres parlent, pour ne rien dire ou pour dire n’importe quoi ; que ce soit aux murs, des histoires de famille, à tort ou à travers, de ses hémorroïdes, à mots couverts, sans réfléchir, pour se soulager, inutilement, gravement, imperceptiblement, distinctement etc. « parler » frôle toujours la limite du convenable. Rester convenable quand j’ouvre mon clapet est devenu une obsession et je ne parle jamais que pour relater, exprimer, des choses objectivement convenables, positivement vraies et qui ne mettent pas le monde en péril. C’est donc comme ça que je sais parler. C’est comme ça que je parle, aux femmes ou aux autres, et c’est pour ça que les autres et les femmes prétendent que je ne sais pas leur parler.

 

Je ne suis planté chez elle que depuis un petit quart d’heure, j’ai donc le temps.

J’ai toujours tout le temps. C’est pour ça que je n’ai jamais su garder une montre à mon poignet. Je ne suis jamais ni en retard ni en avance, je suis là simplement au moment où je dois l’être.

J’ai toujours du temps et c’est heureux parce que j’ai toujours passé mon temps à le perdre ; à essayer aujourd’hui de deviner, de comprendre, remplir d’hypothèses, ce que j’aurai pu faire du temps que j’ai paumé hier quand je tâchais de refaire avant-hier.

C’est à bord de cet étrange paradoxe, une sorte d’omnibus qui ne s’arrête jamais, que je suis là où je dois être chaque jour sans jamais vraiment savoir où ni sans me rendre compte du voyage et des étapes que j’ai pourtant franchies. Et c’est comme ça, comme au cours d’une croisière on sent inexplicablement qu’on a changé de latitude, que je suis, un beau jour que je pensais à la veille en relisant le temps, devenu mortel.

C’est comme ça que tout a basculé : il y avait donc une destination… et c’était peut-être demain ? Cette considération brutale m’a alors pourri l’existence. Pour la première fois me vint cette idée qu’en consacrant mes heures à réfléchir à ce que j’aurais pu, dû, mais n’avais pas dit, je n’avais encore jamais rien su dire.

 

 

 

 

Son méchant parfum rôde encore dans la turne et à présent m’écœure un peu. Je me rhabille et descend à mon tour. Je règle la chambre au taulier sans lui adresser la parole puisque je n’ai rien à lui dire, et je sors sur le boulevard.

Nous sommes mardi ou mercredi et c’est le printemps. Je n’ai rien à foutre de précis de cette journée splendide qui n’aura peut-être pas de lendemain. Alors je m’offre un sandwich au jambon parce que j’ai un peu faim et comme chaque jour je prends le bus 115 qui m’emmènera au parc zoologique.

 

Je me suis plante devant la cage des singes et la grande guenon dominante et moi, essayons de tuer les heures en nous dévisageant mutuellement. Elle me regarde et copie parfois mes gestes ; elle retrousse ses longues lèvres roses en les tendant en avant, vers moi, pour des baisers dans le vide ; elle se gratte lentement du bout du revers de ses doigts, nonchalante dans le cou et lascive sous l’aisselle. Puis encore et surtout, elle a cette façon de pencher un peu la tête sur le côté et d’écarquiller ses petits yeux dans leurs grosses arcades quand elle perçoit une autre expression sur mon visage : elle prend alors un air songeur ou, le plus souvent, condescendant.

Parfois elle esquisse un sourire…

La salope ! alors même que je n’ai pas ouvert la bouche, elle sait exactement tout ce que je pense et tout ce que je ne peux ni ne sais dire pour me justifier.

 

Nous discutons ainsi, les yeux dans les yeux, jusqu’à la fermeture du jardin.

 

 

Jean Barbé

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Commentaires
A
...tu connais la vieille formule de ma jeunesse?(avant la guerre de 70):<br /> - Vouzici?...je vous croyais zaux zeaux???<br /> C'était au temps du thermalisme élégant...<br /> Aglabisous pour toi!
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A
Salut Aglamour, suis venu par hasard chez toi, et j'ai vu ce texte de Barbé. Son nom est remonté comme une bulle d'eau dans une bouteille d'huile d'olive. Très chouette son texte. Libre. Il avance en sandales ficelées de raphia. Bravo.<br /> <br /> Reviendrai. Bizz
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