Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
VITDITS ET AGLAMIETTES
VITDITS ET AGLAMIETTES
Publicité
Archives
Derniers commentaires
VITDITS ET AGLAMIETTES
Newsletter
0 abonnés
Visiteurs
Depuis la création 355 413
Vous y êtes !

Vous venez d'atterrir sur le blog d'AGLAMIETTES où sévissent Aglaé, Thomas et Dan.

Chez nous, vous trouverez des textes courts, des aphorismes pas toujours très sérieux, des réparties dites VD, ou « Vitdit » pas vraiment classiques, mais, autant que possible humoristiques.

Laissez-nous un commentaire si vous avez le temps et l'envie.

Les commentaires sont accessibles sous chaque post de nos auteurs.

Une réponse vous sera adressée (sauf caprices de l'informatique toujours possible) !

vitdits-ecran

Participez sous la rubrique : « Le Plumard » réservée à nos amis et invités.

A bientôt !

25 juin 2011

Extrait du Jyfoutou..."Devant une caisse de filets de merlans"...

Certaines amitiés suivent des trajectoires compliquées. J’avais rencontré Annick, pendant nos études communes d’infirmières, dans une ville française de moyenne importance. Les jeunes filles qui suivaient cette formation en deux ans,à cette époque là, sous l’œil faussement bienveillant des sœurs de saint Thomas de Villeneuve étaient, comme on dit, des jeunes filles de bonnes familles.

 

La plupart d’entre elles avaient suivi plus ou moins bien des études secondaires dans une boite très privée, sans toutefois espérer un bachot et elles avaient bien raison en cela. Leurs familles avisées estimaient qu’une formation médicale même légère leur donnerait un vernis élégant et que, peut être, un jeune interne en médecine plein d’avenir apprécierait leurs charmes au passage. Dieu merci, quelques solides filles de la campagne, généreuses et sans ambitions, insufflaient à l’ensemble du groupe, bonne humeur et simplicité.

 

Je me suis rapprochée très vite d’Annick, sans très bien savoir pourquoi sur le moment. Je pense que c’est son humour qui m’a séduite. Nous portions pour la dernière année, le voile d’infirmière comme dans les vieux mélo après la guerre de quatorze ; Si bien que nos cheveux à toutes deux, déjà maigres et fins de nature, furent dans un état pitoyable après quelques semaines. Nos ennuis de coiffure devinrent un sujet quotidien de jérémiades et de rigolades réunies, et nous nous croisions dans les couloirs de l’hôpital en nous interrogeant d’un ton désespéré : « Comment vont tes cheveux ? » Rire, dans un hôpital, en mille neuf cent cinquante, sous l’œil perçant des bonnes sœurs, n’était pas chose aisée. Nous avons donc choisi le plus souvent possible des stages communs, le matin, à la maternité, dans les services chirurgicaux, dans les équipes de spécialistes. L’après midi, nous avions des cours à l’école d’infirmière, que nous suivions scrupuleusement, sans nous quitter. Annick fut obligée d’interrompre ses études au début de la deuxième année, pour cause de primo infection tuberculeuse, ce qui pouvait être grave et surtout, incompatible avec une activité hospitalière. Quoique séparées par les circonstances, nous avons gardé des relations excellentes, fréquentes et toujours très gaies. C’est à cette époque là, qu’elle me dit un jour, à propos de sa mère qui faisait son ménage à longueur de journée " Ma mère, elle n’a retenu qu’une chose de son catéchisme, c’est " Tu es poussière et tu retourneras en poussière ».

 

L’année suivante, nous nous sommes mariées toutes les deux, elle avec un marin, et ils formaient à eux deux un couple magnifique, et moi avec un médecin qui venait de terminer ses études. Sans être jamais devenus des amis vraiment intimes, j’ai le souvenir de quelques soirées très réjouissantes avec eux. Annick avait beaucoup d’esprit et son mari lui emboîtait le pas avec bonheur. Quand Bernard fut nommé capitaine au long cours, Annick se plaignait que son mari dirige sa famille à la baguette comme son bateau et elle lui avait cousu sur ses vêtements, y compris les pyjamas et les slips, de superbes galons dorés. Tout naturellement, pendant les voyages de Bernard, son mari, nous nous voyons plusieurs fois par semaine, et une fois sur deux elle partageait avec nous le repas du soir.

 

Deux enfants sont arrivés chez nos amis et quatre chez nous, sans rompre cette amitié.

Si bien que je ne comprends pas pourquoi, lentement, insidieusement, les liens qui nous unissaient se sont desserrés, il s’est glissé entre nous une lassitude, des reproches légers, des jalousies, je dirai bien des « mauvaisetés » Très lentement, nous nous sommes moins rencontrées, puis encore moins, puis plus du tout. Nous ne nous sommes pas disputées, simplement éloignées. Nous nous connaissions depuis près de quinze ans.

 

Pendant des années, même dans la rue en faisant nos courses, nous ne nous sommes jamais rencontrées. J’ai connu d’autres amies. Nous avons quitté notre quartier pour habiter une maison et un jardin hors la ville, et le temps a passé, entraînant avec lui des regrets sans doute, et des oublis, certainement. Je ne me rappelle pas si je pensais à elle, si je faisais des reproches précis à elle ou à moi. Compte tenu de nos caractères respectifs, je pense plutôt ceci : puisque nous avions moins de plaisir à nous voir, pourquoi continuer à nous rencontrer. C’était une rupture douce, une infidélité réciproque, avec des souvenirs heureux. Personne n’était coupable.

 

Un matin d’hiver, plusieurs années plus tard, bien boutonnée jusqu’au cou, un panier à la main, j’ouvre la porte d’une poissonnerie du quartier commerçant du Havre, et j’entre. Quelques femmes sont là, devant l’étal, un peu serrées les unes contre les autres car la boutique n’est pas grande. Je jette un coup d’œil aux poissons, puis aux femmes à coté de moi, et mon cœur fait un bond dans ma poitrine : Annick est là, à quelques mètres de moi. Deux ou trois femmes nous séparent, choisissant soigneusement qui leurs merlans qui leur cabillaud. Il nous est impossible de ne pas nous voir. Et nous voyant il nous serait impossible de ne pas nous saluer.

 

Notre gêne réciproque nous paralyse. Je voudrais disparaître sous terre. J’éprouve un malaise grandissant sans me résoudre à un acte raisonnable, soit un bonjour, c’est pourtant simple, soit une sortie du magasin nette et sans bavure. Mais je reste fichée en terre. Annick, servie avant moi, me frôle sans un moten partant, ses filets de merlans roulés dans un journal. Où était donc notre humour ce jour là ?

 

Je passe une journée très maussade. Je ne parle à personne de mon aventure du matin et mon mari, très occupé à cette époque de notre vie ne peut deviner à quel point je suis mal à l’aise. Je vais et viens dans la maison, sans rien faire de bon, je rumine, je tourne en rond comme un vieux chien malade. Je ne voyais plus Annick depuis des années, sans chagrin particulier, mais quelque chose en moi ne peut supporter la scène du matin. Je ne la digère pas. Je veux l’effacer. Je cherche une idée pour supprimer cette matinée de ma vie. Je m’allonge sur mon lit. Je suis en larmes.

 

« Toc, Toc,Toc »

Je descends…

- Madame Aglaé V.

- Oui

- Une petite signature, s’il vous plait…pour Interflora…

Merci Madame, au revoir Madame

 

Elles sont plus jolies à regarder que les filets de merlans…une brassée de roses…elle non plus, elle n’a pas supporté.

aglaé

cuisinefleurs

 
Publicité
Publicité
Commentaires
M
http://youtu.be/ZtnTaUcMLjA<br /> <br /> Bisou
Répondre
Publicité