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VITDITS ET AGLAMIETTES
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Vous venez d'atterrir sur le blog d'AGLAMIETTES où sévissent Aglaé, Thomas et Dan.

Chez nous, vous trouverez des textes courts, des aphorismes pas toujours très sérieux, des réparties dites VD, ou « Vitdit » pas vraiment classiques, mais, autant que possible humoristiques.

Laissez-nous un commentaire si vous avez le temps et l'envie.

Les commentaires sont accessibles sous chaque post de nos auteurs.

Une réponse vous sera adressée (sauf caprices de l'informatique toujours possible) !

vitdits-ecran

Participez sous la rubrique : « Le Plumard » réservée à nos amis et invités.

A bientôt !

5 avril 2011

Hervé Baudouy...'La Guerre Secrète'...du bon texte!

FLICKR_LANGAGE

 

Le langage et les mots sont une étrange chose,

Plus fragiles et précieux que la plus belle rose.

Si vous perdez un mot, vous perdez une idée.

Vous perdez une phrase ? C'est un rêve envolé !

 

Quelque part dans l'ombre, de sinistres sorciers

Veulent créer le silence. Aux armes les claviers !

 

 

***

 

 

Georges était un langacheteur.

 

Le langage, en ces temps de mondialisation forcenée, de libéralisation frénétique, et de commerce de tout, était devenu un "objet" commercial, qu'on pouvait acheter ou vendre. Un marché juteux s'était ainsi développé, à l'ombre de la mondialisation sus-mentionnée.

Georges travaillait pour Semantik, l'une des quatres principales maisons de courtage qui contrôlaient le commerce des phrases. Il s'était spécialisé dans l'achat des clichés et assimilés.

 

"Etincellant" - description parfaitement légale : n'utilisant qu'un seul mot, elle ne tombait pas sous le coup des lois en vigueur ; "étincellant" ne donnait qu'une faible idée de sa performance dans ce domaine.

Mais c'était le mot le plus utilisé pour qualifier ses résultats.

 

Dans son costume Armani de rigueur et ses chaussures de cuir italiennes,, son apparence ne donnait pas à penser qu'il était un révolutionnaire. Son supérieur, devant qui il se tentait, n'aurait jamais soupçonné cela.

- Je ne sais pas comment vous faites, Geaorges, mais je suis content de vous voir réussir !

- Je fais de mon mieux pour aider l'entreprise, Monsieur, Il suffit de comprendre les principes de base de ce genre de marché.

Son apparente humilité était une facade. Outre le plaisir qu'il prenait, il se sentait missionnaire.

- Hé bien, je voulais vous féliciter à nouveau. Nous trouverons un acheteur rapidement. Je ne vous demanderai pas comment vous les avez convaincus de vendre si bas.

L'homme cligna de l'oeil.

Georges sourit poliment avant de s'excuser : la paperasserie et toutes ces sortes de choses... Les ordres de ventes étaient arrivés une heure auparavant , par les canaux officiels. Par ces documents, la Pagramount Bros. s'engageait à vendre les droits sur les phrases :"Bien mal acquis ne profite jamais", " Mieux vaut prévenir que guérir" et "T'as de beaux yeux, tu sais", y compris leurs dérivés ou combinaisons. Si un éditeur ou un réalisateur souhaitait inclure dans son oeuvre tout ou partie de ces phrases, il ne pouvait plus en obtenir les droits chez la Pagramount Bros…

S'il n'avait tenu qu'à Georges, personne n'aurait plus jamais été autorisé à utiliser ces mots en public.

 

A son bureau entouré d'écrans reflétant l'évolution des différents marchés du langage, il plaça un appel sur sa console d'audiovidéo personnelle, un canal protégé.

- Danielle ?

- Bonjour Georges. Quoi de neuf pour nous ?

- "Bien mal acquis ne profite jamais", " Mieux vaut prévenir que guérir" et "T'as de beaux yeux, tu sais". Ils sont d'accord pour vendre. Tous les droits, pour tous les marches.

- Excellent !

- Je continue à travailler avec Flamrasset sur l'ensemble moliéresque. Ils seraient assez d'accord pour nous céder "Cachez ce sein que je ne saurais voir", mais ils s'entêtent sur "Qu'allait-il faire dans cette galère?". Ils pensent que c'est encore profitable pour eux.

- Pas de problème. Vous êtes toujours le meilleur. Nous allons faire une offre immédiatement pour les autres.

Elle sourit et disparut de l'écran.

 

Elle était la seule figure du Comité qu'il connaisse. Au cours de leurs rares conversations personnelles, il avait appris qu'elle travaillait pour le Comité par passion artistique. Il soupçonnait que c'était le cas pour beaucoup.

Les buts du Comité, par contre, restaient nébuleux pour Georges. Mais ils s'accordaient aux siens pour l'instant.

Tranquillement, discrètement mais sûrement, le Comité achetait les droits sur toute phrase , histoire, slogan publicitaires, pièce ou scénario qu'il pouvait négocier.

Et ces droits n'étaient jamais revendus ou libérés ; dans les faits, ces mots et leurs diverses combinaisons devenaient tabous, sacrés, intouchables.

En bref, le Comité rétrécissait le langage, l'anémiait, peut-être dans une tentative pour l'éliminer ?

 

Des gens comme Danielle, par contre, pensaient qu'une telle cure d'amaigrissement forcerait un sursaut de créativité et d'originalité dans le discours public, et que les écrivains et les concepteurs chercheraient de nouvelles voies d'expression.

Georges, lui, percevait l'image d'un groupes d'hommes puissants et riches de manière obscène, derrière tout ceci, guidés par leurs buts nihilistes. Les monopolistes sont des nihilistes, comme chacun sait.

Dans ses moments d'optimisme, il avait même imaginé que leurs buts s'accordaient vraiment aux siens.

 

Il se considérait comme un révolutionnaire ontologique, un anarchiste métaphysique ; un outil, utilisé par un But divin mais impersonnel. Il souhaitait que l'univers s'essoufle , épuise toutes ses possibilités. Forcer le langage à épuiser toutes ses capacités était la petite contribution de Georges vers ce but. Lorsque l’univers aurait terminé sa course, Georges croyait vraiment qu'un autre brillerait à sa place, un monde moins corrompu, moins rempli de souffrances.

 

Bien sûr, le temps nécessaire pour que cela arrive était inimaginable ; mais, pour celui qui y croit, l'éternité elle-même n'est pas trop longue pour l'accomplissement d'un rêve.

 

Replongeant dans des heures de paperasserie sacrificielle, il songea que la phrase "A la grace de Dieu" serait bientôt la

propriété du Comité...

 

Hervé Baudouy


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Commentaires
H
Meci Sylvie ! :-))<br /> <br /> RV
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S
Très intéressant... <br /> Hervé a le chic pour trouver des idées originédites.
Répondre
H
Merci Dan !<br /> <br /> RV
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D
... autant d'imagination RV...<br /> Chapeau !!!
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