Suite et fin de l'Hommage à Queneau parle Samovar/Hervé...
MARIUS:
Ah non ! Pas lui !
Contre lui, c'est foutu : Rostand lui fait ses vers.
William! Victor ! Au secours, ou je vis un enfer.
Et Christian l'accompagne, ça m'aurait étonné.
L'Amoureux Transi, chaud lapin des Glaciers !
[Christian, paniqué, essaie de placer son couplet:]
CHRISTIAN (toussote avant de commencer)
Hum !... Hum!... Je vous aime, je t'adore...
... Je t'aime...
Heu... Oui! Je t'aime !...
A propos, je voudrais baiser votre cou
Sans grimper tout là-haut et me rompre le cou.
JULIETTE (en aparté)
Quel ennui ! Il déraille, à cette heure, le petit Marius.
Il va se transformer en monsieur Diafoirus !
LA NOURRICE:
Mais c'est nul !
Il relit un brouillon de la pièce, ou j'ai la berlue ?
CYRANO (chuchotant):
Arrête, tu l'endors.
J'ai trouvé ton surnom, c'est le Sot Porifique!
Pousse-toi donc, laisse-moi faire.
J'ai rêve ce matin quelques vers.
(Il chuchote plus fort:)
... On se devine à peine.
Vous voyez la noirceur d'un long manteau qui traîne,
J'aperçois la blancheur d'une robe d'été :
Moi je ne suis qu'une ombre, et vous qu'une clarté!
J'ai si peur d'un sourire, si peur du ridicule
Que devant un aveu je m'arrête et recule.
... Oui, mon coeur,
toujours de mon esprit s'habille, par pudeur :
Je pars pour décrocher l'étoile, et je m'arrête,
Par peur du ridicule, à cueillir la fleurette.
JULIETTE:
Vous pouvez tout oser, vous pouvez tout me dire.
Laissez le coeur parler, laissez votre âme sourire...
Marius s'approche :
MARIUS:
Dites donc, les mecs, j'étais là avant vous !
Faudrait pas piétiner les plates-bandes des voisins !
JULIETTE :
Voilà que je rêve, j'entends plusieurs voix.
Tu es schizo, Marius ?
MARIUS
Non, trésor, je règle un petit problème, et je suis à toi.
CYRANO :
Souffrez, monsieur que je vous expliquasse
Nous aimons tous les deux la sublime Roxane...
MARIUS:
Mais ce n'est pas Roxane! C'est ma blonde Juliette.
CYRANO:
Il n'importe.
J'ai appris tout mon texte, il faut bien qu'il me serve,
Et ce n'est pas en vain que j'aurai tant de verve!
MARIUS:
Je suis avocat, je vous traînerai en cours!
CYRANO:
Traînez, monsieur : que m'importe ce que vous coulez faire?
Laissez-nous dans ce jardin extraordinaire.
[Ça s'envenime, ils touchent leurs épées...
Mais Gavroche reprend son aubade...
Le jardin et les visiteurs font silence;
Le régiment de Sambre et Meuse, trompettes et cuivres déchaînés,
passe fièrement en chantant : »Dormez en paix, braves gens, nous
veillons! »
Quelques pots de chambre et des tomates jaillissent des fenêtres...
Marius sort son cellulaire et appelle Olive]
MARIUS:
Olive, c'est Marius, c'est complètement raté!
OLIVE:
Quoi donc?
MARIUS:
Tu sais bien, la mignonne dont je t'avais parlé
OLIVE:
Oublie-là ! Je t'invite. J'ai fait la bouillabaisse
[Un peu plus loin dans les fourrés]
CYRANO:
Ce coup-là c'est foutu, je ne sais plus que faire...
Je vais m'engager dans la Légion Étrangère!
[Christian s'éloigne, une cigarette au bec, en chantonnant :
CHRISTIAN:
Et je m'en vais, clopin, clopant...
LA NOURRICE (entre chez Juliette:)
Allez, mon bichon, je t'ai fait couler une douche.
Froide !
Ça va te calmer un peu.
[Juliette, visiblement "fume" de colère et de frustration.]
[Une rue de Vérone]
On est devant la taverne : "Verone's Topless Palace"
On y pénètre.
Le Narrateur est assis à une table, devant un pichet de vin
LE NARRATEUR:
Je passerai rapidement sur la suite...
LE NARRATEUR (VOIX OFF)
... Mercutio se fait embrocher par Tybalt...
[Sur la grand-place, Mercutio et Tybalt se battent à coups de lances, et
Mercutio se transforme en brochette]
... Tybalt se fait truffer par Marius qui a troqué son Code Civil contre
un six-coups...
[sur la même grand-place, duel au revolver Marius-Tybalt.]
... Le Prince n'est pas content, et il le dit!
[Toujours sur la grand-place, le Prince parait , monté sur un âne ,un
branche d'olivier à la main:
LE PRINCE:
Mes enfants ! Mes enfants !
En vérité, je vous le dis:
"Celui qui vit par l'épée mourra par le poison!"
Je ne suis pas content de vous.
Marius, vous serez en pénitence, à Mantoue.
MARIUS:
Mais c'est loin...et c'est cher!
LE PRINCE (sortant une carte de crédit):
Ite Visa Est!
Allez, mon fils !
LE NARRATUER ( Voix OFF)
... une nuit d'amour, où il est beaucoup question d'alouette et de
rossignols...
[La mère de Juliette se rapproche de la chambre de Juliette. Marius
descend
par le balcon, à moitié nu, son Code Civil sous le bras.
LE NARRATEUR:
On frise le vaudeville.
Heureusement, Gavroche est là...
[Dans le jardin, Gavroche salue :"Toujours prêt !", et entraîne Marius
vers une calèche.]
LE NARRATEUR:
... Et sur la route qui poudroie, Marius s'éloigne vers Mantoue...
Mais ce n'est pas fini !
Juliette, sur les conseils pernicieux de Frère Laurent, avale un faux
poison, meurt faussement, est faussement enterrée.
[Trois plans:
1. Juliette boit un grand bock de poison.
Une pom-pom girl passe devant :"Tue-Vite : le poison de l'élite !
La Ciguë branchée. L'essayer, c'est l'adopter !"
2. Juliette tombe en faisant un clin d'oeil.
3. On met Juliette dans un cercueil à double-fond.
La même pom-pom girl repasse devant, dans l'autre sens:
"Les gens prévoyants n'utilisent que Bi-Tombe, le cercueil bi-place !"
LE NARRATEUR (Voix OFF)
Marius est à Mantoue, et s'ennuie magistralement.
Il reçoit un e-mail de Balthazar, son valet ...
[MArius devant son écran, dans un café Internet, lit le message:]
"Juliette bouffe les pissenlits par la racine - Stop - Revenez vite -
Stop - Avec votre Code Civil - Stop - Section Héritage après mariage."
LE NARRATEUR (Voix OFF)
... et bien sûr...
[Marius saute dans sa Ferrari. fonce à Vérone et arrive devant le
caveau.
Panneau : "Capulet's Caveau" ; une boite aux lettres sur la porte.
On le suit dans le caveau. Il tombe sur Paris, l'embroche en quelques
coups d'épée, découvre Juliette, et s'empoisonne devant la tombe]
MARIUS:
Ah! Je me meurs de me voir si seul en ce caveau.
Tous ces corps répandus me sont comme une invite.
Tout est dit. C'est ton tour, Marius: Mourrons vite !
[Il tombe. La même pom-pom girl repasse:" Pour vous débrancher avec
classe : Curare-Express!"
Juliette se réveille]
JULIETTE:
Mais quelle heure est-il donc? Où est ma robe de chambre?
Ce lit est bien étroit; c'est étrange, qu'il fait sombre!
Nourrice, j'ai très faim ! mes deux oeufs au bacon,
Un grand thé au citron, avec un nuage de lait...
Mais...Où suis-je ? Et ces corps répandus sur le marbre?
C'est Paris? Et de un . Celui-là, c'est Marius!
Enfer et mandolines, ça fait deux allongés.
Marius, mon bichounet, lève-toi, il est tard.
Nous devons sur le champ détaler sans retard!
Il se tait...il blanc... il est clair qu'il est froid...
A mon tour de partir, car jamais deux sans trois !
[Elle se flanque la dague dans le coeur et tombe.
La pom-pom girl:"Tranche-Net, le poignard efficace !"
Devant le caveau, la Nourrice et Balthazar brandissent des pancartes en
défilant :"Non aux armes!
Ca nous met au chômage!"
[Le Prince apparaît, toujours sur son an, mais avec un fouet;]
LE PRINCE :
Je vous l'avais bien dit ! Vous voilà bien avancés!
Approche Montaigu; toi aussi Capulet!
Quand donc finira-t-on ainsi de s'étriper?
Résultat: à la Bourse Vérone ne cesse de baisser !
CAPULET :
Je l'admet O mon Prince, nous sommes allés trop loin...
MONTAIGU :
Je confirme, c'était un peu exagéré...
CAPULET:
J'ai fait dès ce matin . jeter toutes les épées.
MONTAIGU:
Les dagues et les couteaux sont partis dans le foin!
CAPULET:
J'ai offert à Montaigu, au Conseil d'administration
Un siège capitonné avec quelques actions.
MONTAIGU:
J'ai donné à Capulet, en gage d'amitié
Un paquet oublié de tous mes emprunts russes.
J'ai faxé à Rodin, et lui ai commandé
Une statue en ivoire de Juliette et Marius.
[Le Soleil s'est levé.
On voit Gavroche s'éloigner en chantant:
"I'm a lonesome Titi. Je vais revoir Voltaire
Avec mon vieux lasso, je vais relire Rousseau..."
Le Soleil monte.
Fondu enchaîné sur le Soleil dans le Jardin du Luxembourg...
Cosette est assise sur un banc. Elle attend. Arrive Roméo en courant,
essoufflé]
ROMÉO :
Ma chérie! C'est génial, j'ai gagné au Loto!
Alors, j'ai acheté notre livre adoré
"Voir Vérone et mourir!"
Veux-tu que ce matin je t'en fasse lecture ?
COSETTE:
Bien sûr, mon Roméo
Mon seigneur, mon héros,
De plus, tu lis si bien !
ROMEO:
Alors, écoute-moi bien.
[Il s'assoit à côté d'elle. Deux pigeons se font la conversation.
Roméo commence à lire:]
ROMÉO:
C'est une triste histoire, mais si belle à la fois :
Les Amants de Vérone s'étaient jurés leur foi.
Mais la vie et Murphy, en complices achevés,
Firent que tout cela allait mal se terminer...
Hervé Baudouy