Une oulipomiette du Québec...je n'en dis pas plus! 0O :-)
Ma condition m'oblige à chercher à droite et à gauche. À chercher le plus vite possible. C'est une question de survie. D'abord parce lorsqu'il est dans ma situation l'homme doit chercher le plus vite possible ensuite parce qu'ils sont de plus en plus nombreux à chercher et ils veulent tous chercher plus vite les uns que les autres.
Une histoire de survivant
Je suis chercheur
Il y a eu Albert le notaire, Fred le looser, Jimmy le frustré mon ancien voisin et maintenant il y a moi. Aujourd'hui je serai l'as des chercheurs et ce soir j'aurai la satisfaction bien accrochée au creux de mon estomac.
Je suis l'homme le plus chanceux du secteur, le plus rusé et ma survie ne tient qu'à mon intelligence.
Tous les grands chercheurs sont intelligents
Chercher plus vite c'est d'abord trouver plus vite ; de façon à semer la panique dans le regard des autres.
Provoquer le respect.
Chercher avec une telle précision que les autres soient convaincus qu'il ne leur restera plus rien.
Dans une vie de chercheur on ne peut survivre qu'avec un cerveau bien entraîné. Faut toujours être aux aguets. On n'a qu'une vie après tout.
La semaine dernière une rumeur est passée. Elle racontait que Willy le balafré et Bobby le tricheur étaient arrivés au top des chercheurs. Ils avaient tout raflé. Ben v'là que du coup les autres se prennent pour des génies et se mettent à chercher à deux.
Mais aujourd'hui il y a moi.
Être un bon chercheur demande une attention de tous les instants, de la concentration et de la persévérance. Je cherche continuellement. Je cherche en longeant les murs des maisons. Je cherche dans tous les coins sombres et les plus dangereux. Je cherche dans les poubelles et je ramasse précieusement toutes les miettes de nourriture qui traînent et je les mets dans mes poches en lambeaux. Ça me réconforte de les savoir là et ça m'encourage à chercher plus vite. Je cherche aussi dans les arrières-cours des bistrots et je trouve parfois quelques gouttes de whisky dans un fond de bouteille cassée. Ces gouttes sont comme un coin de ciel qui glisse dans ma gorge, ça me réchauffe et me donne envie de chercher encore. Je souris au passant qui me donne quelques pièces, ça m'aide à tenir bon et à chercher plus vite. Parfois je donne un grand coup de pied dans la poubelle qui ne vomit rien de bon en me narguant de son grand vide parce que je sais que ça va me donner le courage de chercher encore et toujours plus vite.
Prenez deux chercheurs aussi meurtris et ravagés par la vie l'un que l'autre, placez-les côte à côte sur la même ruelle et c'est toujours moi qui cherche et qui trouve le plus vite.
Mille fois par semaine j'arpente les ruelles des bas-fonds de la ville. Heureusement mes jambes sont solides et mon dos tient le coup. Je connais tous les endroits les plus hot, tous les coins et recoins, tous les fonds de poubelle du quartier, aucune miette ne m'échappe. Je vois tout.
Je me concentre et mon regard devient aussi allumé que celui d'un chat. Il balaie le décor et ramasse toutes les miettes du possible et de l'imaginable.
Tout compte dans mon attitude
Puis un beau jour la vie ne tient qu'à la qualité de votre réveil. C'est la qualité du réveil qui fait le survivant.
Vous avez choisi un nouvel emplacement discret et sombre derrière un large escalier. Vous avez entassé quelques vieilles couvertures supplémentaires. Vous avez même enfilé plusieurs pulls de laine. Vous avez essayé de trouver la position idéale pour dormir en vous enroulant très serré dans les couvertures. Vous avez tourné et retourné sans parvenir à trouver un peu de chaleur, en cherchant comment vous avez fait pour dormir hier.
Quand j'arrive à dormir je cherche dans ma tête. Quand j'arrive à manger je cherche dans ma tête. Je fais des plans, des voyages, je rêve de m'en sortir. Mes jambes sont fatiguées et je porte sur mon dos le poids de la détresse.
Lorsque le réveil m'arrache à la nuit. Il m'arrache à tous mes rêves. Après il ne reste plus qu'un chercheur automate qui marche sans arrêt et cherche encore pour trouver plus vite que les autres.
C'est la loi de la rue.
Et puis un matin il y a ce moment qui arrive forcément dans une vie, le seul moment de vrai repos. Le repos absolu du chercheur.
Vous avez eu le courage de vous réveiller comme à chaque matin mais vos jambes ne se réveillent pas, elles sont devenues lourdes. Elles ne répondent pas à vos supplications. À cause d'une stupide erreur le froid de l'hiver a perforé vos os pourtant un chercheur est toujours vigilant. Elles étaient si chaudes et invitantes. Vous les avez bu un peu trop tôt ces dernières gouttes de whisky.
Et là c'est le vrai repos, le repos immense. Vos jambes sont devenues aussi froides et dures que le béton. Plus rien n'a d'importance, vous n'êtes plus un chercheur, votre cœur prend la fuite, votre regard n'insiste plus…
Puis vous trouvez une miette de lumière et vous devenez un chercheur d'étoiles.