Une vieille miette pour les nouveaux!'Fumette et tic tac'...
Elle
m’a répondu non pas du tout quand j’ai demandé si la fumée ne
la dérangeait pas.
Ce pas du tout, accompagné d’un quart de
sourire, m’intrigua.
- Ma question vous fait rire ?
-
Oui et non. Je termine cette année une longue carrière de fumeuse.
Ayant empesté famille et amis depuis un demi siècle, je me suis
jurée de ne jamais me plaindre de la fumette des autres, sous
quelque forme que ce soit.
- A quel âge votre première
cigarette ?
- Cinq ou six ans !!!
Le quart de sourire
s’élargit et je me réjouis ; on allait s’amuser, et j’adore
ça.
- Duraille d’arrêter ?
- Affreux. Et pourtant
depuis des années je fumais sans aucun plaisir du matin au
soir…Cendriers pleins à ras bord, papiers muraux jaunis en
quelques mois, j’ai même fait des trous à mes draps de lit ; Sans
compter les migraines de mon mari que j’ai failli tuer…Une nuit,
sans doute à la suite d’un rêve, je me suis réveillée assise,
mon briquet allumé à la main.
- Si je suis indiscret, ne
répondez pas : ça a fini comment ?
- Tout d’un coup.
-
……………….
- Vers cinq heures, un matin, je me suis vue
comme si c’était une autre personne devant moi….dans la
cuisine….le coude sur le frigidaire…un vieux café de la veille….
Et, bien entendu, la première clope au bord des lèvres….une odeur
de fauve dans la bouche, dans les cheveux, l’horreur. Rien d’autre
que mon réveil quotidien. Sauf une idée qui m’a donné envie de
vomir : jusqu’à ce soir, quoi que je fasse, à la maison ou
dehors, en voiture, en travaillant, en m’occupant des enfants, en
lisant….paquet après paquet, pris dans la cartouche de dix paquets
qui ne me quittait pas, j’étais condamnée par moi-même à un
esclavage douloureux et puant.
- Et alors
- J’ai écrasée
la dernière sans la finir.
- je suppose que c’est une
grande satisfaction d’arrêter de fumer, étant donné ce que vous
en dites ?
- Les premières semaines sont difficiles ; mais
j’étais accrochée à cette idée unique, ne pas allumer de
cigarette, quelle que soit l’heure ou les circonstances, mon mari
qui me connaît par cœur me parlait de tout sauf de mon problème,
devinant qu’il me fallait toutes mes forces et une solitude totale
pendant quelques temps…Six semaines environ…. Je n’ai pas un
aussi mauvais souvenir qu’on peut le penser…. J’ai retrouvé
les odeurs et le goût des aliments…je n’ai pas grossi….je
n’étais pas fière de moi….pas plus que si j’avais réussi à
me passer de beurre ou de pain….
- Bilan globalement positif ?
- Pas vraiment.
- Ah bon !
- J’ai trouvé une
compensation très anodine en suçant des bonbons….tous les fumeurs
connaissent ça…
- Pas méchant en effet.
- Sauf pour moi.
J’ai adopté des petits bonbons anisés ou mentholés, je ne sais
plus très bien,…des tictacs…vous connaissez ?
- Oui. Ils
sont petits et blancs ?
- C’est ça. Ils roulent très
agréablement entre le palais et la langue….une petite caresse
sucrée….ils sont lisses et frais…Insensiblement, ma consommation
est passée d’une boîte tous les deux jours à deux, puis trois,
puis quatre…au bout de trois mois je les achetais par paquets de
six….j’en suçais même la nuit…je ressortais le soir après
dîner pour refaire une provision de peur d’en manquer le lendemain
au réveil….la maison était jonchée de boîtes vides, sur les
tables, sous le lit, sur le rebord de la baignoire…j’étais accro
aux tic tac comme je l’avais été aux cigarettes….l’horreur !
- Alors ?
- J’ai arrêté complètement. En même temps je
me suis interdit le recours aux chewing gum et aux autres friandises.
J’avais compris que je ne pouvais rien contre une assuétude qui
pouvait se produire pour n’importe quoi…des carottes râpées
aussi bien..
- Vous êtes une curieuse petite dame !
- OUI.
Et plus que vous ne le croyez….mais le reste est une autre
histoire.
Aglaé