Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
VITDITS ET AGLAMIETTES
VITDITS ET AGLAMIETTES
Publicité
Archives
Derniers commentaires
VITDITS ET AGLAMIETTES
Newsletter
0 abonnés
Visiteurs
Depuis la création 355 413
Vous y êtes !

Vous venez d'atterrir sur le blog d'AGLAMIETTES où sévissent Aglaé, Thomas et Dan.

Chez nous, vous trouverez des textes courts, des aphorismes pas toujours très sérieux, des réparties dites VD, ou « Vitdit » pas vraiment classiques, mais, autant que possible humoristiques.

Laissez-nous un commentaire si vous avez le temps et l'envie.

Les commentaires sont accessibles sous chaque post de nos auteurs.

Une réponse vous sera adressée (sauf caprices de l'informatique toujours possible) !

vitdits-ecran

Participez sous la rubrique : « Le Plumard » réservée à nos amis et invités.

A bientôt !

28 mai 2010

Extrait d'un entretien avec Emil Cioran...

l_be5225645ebc4d4fa5626cbb6b3838af 

CIORAN

…..............................................................................

…...........................................................................

…..............Au fond, avec l’âge, tout s’épuise, même le cynisme. Je n’ai pas dépassé le cynisme, comme attitude théorique, je ne l’ai pas dépassé. Mais on le dépasse sur le plan affectif. Tout s’use. Je n’ai aucune raison de revenir sur ce que j’ai écrit. Dire : je me suis trompé, les choses dans le fond ne sont pas si terribles que ça... Non. Mais les choses qu’on a exprimées, on n’y croit un peu moins. Pourquoi ? Elles se détachent de vous. En ce sens, le fait d’écrire – c’est connu, tout le monde le dit – est une sorte de profanation, parce que les choses auxquelles vous croyez intégralement, à partir du moment où vous les avez dites, elles comptent moins.

Ce qui m’a sauvé, c’est l’idée de suicide. Sans l’idée de suicide je me serais sûrement tué. Ce qui m’a permis de vivre, c’est que j’avais ce recours, toujours en vue. Vraiment, sans cette idée je n’aurais pas pu supporter la vie. L’impression d’être coincé ici, par je ne sais quoi. Pour moi, l’idée de suicide est toujours liée à l’idée de liberté. J’ai remarqué que, dans la vie, il y a très peu d’êtres qui ont compris. Vous pouvez rencontrer de très grands écrivains qui n’ont rien compris, des gens qui ont énormément de talent, qui ne valent rien. Au contraire, vous pouvez rencontrer quelqu’un dans la rue, dans un bistrot, qui a eu une révélation : c’est un homme qui a approfondi, qui s’est frotté au grand problème.



Le fait de vivre est une chose si extraordinaire, justement, quand on a vu les choses telles qu’elles sont, que cette vie, qui est totalement dépréciée, disons dans l’œuvre théorique, elle paraît extraordinaire sur le plan pratique. Vivre contre l’évidence : chaque moment devient une sorte d’héroïsme.


La connaissance, poussée jusqu’au bout, peut être dangereuse, et malsaine, parce que la vie est supportable uniquement parce qu’on ne va pas jusqu’au bout. Une entreprise n’est possible que si on a un minimum d’illusions. La lucidité complète, c’est le néant. Je ne suis pas nihiliste, je ne suis rien, vous savez. C’est difficile à dire. Je suis sûrement un négateur, mais même la négation, ce n’est pas une négation abstraite, un exercice ; c’est une négation qui est viscérale, qui est donc affirmation, malgré tout, c’est une explosion. Est-ce qu’une gifle est une négation ? Donner une gifle, c’est une affirmation. Ce que je fais, ce sont des négations qui sont des gifles, donc des affirmations.


... Traduit en langage ordinaire, un texte philosophique se vide étrangement. C'est une épreuve à laquelle il faudrait les soumettre tous. La fascination qu'exerce le langage explique à mon sens le succès de Heidegger. Manipulateur sans pareil, il possède un véritable génie verbal qu'il pousse cependant trop loin, il accorde au langage une importance vertigineuse. C'est précisément cet excès qui éveilla mes doutes, alors qu'en 1932 je lisais Sein und Zeit. La vanité d'un tel exercice me sauta aux yeux. Il m'a semblé qu'on cherchait à me duper avec des mots. Je dois remercier Heidegger d'être parvenu, par sa prodigieuse inventivité verbale, à m'ouvrir les yeux. J'ai vu ce qu'il fallait à tout prix éviter.


On peut dire que la philosophie est, dans le fond, dissociée ( de la réalité ) ; elle est devenu une activité en soi. Qu'est ce que cela signifie ? Qu'avant même d'avoir abordé un problème, elle prend la parole, et croit de la sorte dire quelque chose sur la réalité mais à mon sens, ce n'est pas la bonne voie ; elle peut-être extrêmement dangereuse. C'est pour cela que je crois qu'en philosophie, il n'est pas nécessaire d'inventer sans cesse des des mots nouveaux, des termes techniques. Nietzshe n'a pas créé de mot, ce qui n'a pas amoindri son oeuvre. Tout au contraire : cette technicisation est le grand danger de la philosophie universitaire , et c'est ce qui l'éloigne des choses.


Au fond, plus rien ne signifie quelque chose pour moi, je vis sans avenir. L'avenir est pour moi exclu à tous égards ; quand au passé, c'est vraiment un autre monde. Je ne vis pas à proprement parler hors du temps, mais je vis comme un homme arrêté, métaphysiquement et non historiquement parlant. Il n'y a pour moi aucune issue parce qu'il n'y a aucun sens à ce qu'il ait une issue. Je vis ainsi dans une sorte de présent éternel sans but, et je ne suis pas malheureux d'être sans but.

Publicité
Publicité
Commentaires
D
La chanson de Léo « Avec le temps » vaut tous les plus longs discours philosophiques, avec en plus cette émotion arrache-tripes, bouleversante, qui nous fait prendre immédiatement conscience de l’essentiel. <br /> Tout est dit en quelques mots renversants. <br /> (sans parler de la musique qui nous transporte).<br /> <br /> http://www.youtube.com/watch?v=SlaemKF4ez8&feature=related<br /> <br /> A écouter jusqu'au bout...<br /> (Mais pourquoi cette chanson me fait chialer depuis que je suis môme ?)
Répondre
J
Je ne parlais pas du fond… je ne connais pas assez Cioran pour en débattre vraiment… je me situais sur la forme du discours, la façon de dire les choses… des choses pertinentes sans aucun doute mais enveloppées souvent dans un langage qui les rend forcément moins digestes et bien plus complexes qu’elles ne sont en réalité.<br /> <br /> C’est en ce sens que l’Artiste m’est plus accessible parce qu’il est par essence dans l’évocation directe et intime de son sujet, directement sensible et perceptible, fusse à travers l’effet esthétique.<br /> Et ce ne sont pas les artistes « engagés » qui en l’occurrence seraient à mon sens les plus convaincants : pour reprendre encore J Julliard qui reprend lui-même Pascal, ce n’est pas de « s’engager », d’être dans un camp ou encarté, qui est important c’est d’être « embarqué » dans la vie, dans son temps, ses vicissitudes et ses béatitudes, pour en tirer les conséquences qu’il faut… c’est d’être « absolument moderne » comme le revendiquait Rimbaud pour éventuellement se lever chaque matin en criant « je proteste, je proteste, je proteste» comme le voulait faire Lorca… ah ! merde… encore des artistes que ces deux-là.
Répondre
D
Je parlais ici de controverse par rapport au texte de Cioran.<br /> J’aime lire Cioran parce qu’il est inclassable dans le domaine de la philosophie : ce n’est pas un existentialiste ou un hédoniste, que sais-je. Il n’entre dans aucune catégorie bien définie. C’est avant tout un « subjectif », un penseur individualiste et tout de même un tantinet cynique qui souvent se fout de la gueule du monde avec brio. Cette idée me plaît bien car Cioran me fait souvent rire, paradoxalement.<br /> <br /> Ha ! Le Nouvel Obs. ! le seul journal dont certains articles sont bien torchés et pertinents. Ma mère est abonnée et souvent elle m’envoie un papier susceptible de m’intéresser. Même pas bobo !<br /> En parlant du NObs et d’intellectuels, je songe à l’affaire BHL, ce philosophe que j’aimais tant dans ma jeunesse, qui cite un certain Botul et son livre « La vie sexuelle de Kant », alors que Botul n’a jamais existé. Remarque, qu’importe si le véritable auteur du bouquin se nomme en fait Frédéric Pagés (un bon canular d’élève de philo), ce livre n’est pas con du tout. Cependant, BHL aurait dû réviser ses classiques. Pas facile d’être un intello surtout quand on est emmerdé par une poupée Barbie qui joue les divas sur le divan.<br /> <br /> Quant aux artistes, ils ne parviennent pas vraiment à me convaincre, dans le sens « prise de conscience » immédiate. Là, je me sens coincé dans le « Beau ». Certes, on parle des « artistes engagés », sûrement plus qu’un BHL engagé dans les chemises blanches. <br /> Fort heureusement, elles ne sont pas noires…
Répondre
J
Pas vraiment de controverse de ma part en l’occurrence… je suis bien d’accord, comme tu dis, que Cioran c’est d’abord le mec qui pense, écoute ce qu’il pense et l’écrit enfin !<br /> Céline joint le mot brut de cervelle et la phrase vierge de cogitation à l’idée et à la pensée… Ferré aussi d’ailleurs dans son genre, c’est un peu pour ça que j’ai dû rameuter ces deux-là dans le fil.<br /> <br /> Je lisais cette semaine sous la plume de Jacques Julliard dans le Nouvel Obs’ (ouais… je sais !!! c’est chicos l’Obs, un rien bobo sur les bobords mais y a quand même des trucs intéressants) une tentative d’opposer foncièrement la démarche de l’artiste à celle de l’intellectuel…. Je souscris et je pense que je suis en général et sentimentalement plus attiré, plus sensibilisé et mieux convaincu par l’artiste que par l’intellectuel… (et encore je ne parle pas de nos intellectuels télévisuels du moment,…parce que là je parlerai alors qu’il n’y a vraiment rien à dire !!!!!!)
Répondre
D
...que Cioran n'est pas un philosophe au même titre qu'un Kant, un Heidegger ou un Sartre qui, eux, entrent dans un mouvement bien précis que l'on peut apprendre à l'école.<br /> <br /> Céline est un romancier avant tout, n'en doutons pas.<br /> <br /> Quant à Cioran, c'est "un mec qui pense"... <br /> ...beaucoup à lui...<br /> <br /> Céline parle, parle... Cioran moije, moije...<br /> C’est un plaisir fou de les lire chacun pour ce qu’ils sont.<br /> <br /> J’en profite pour dire que cette discussion serait passionnante - surtout avec mon ami JB dont j’apprécie le sens de la controverse - si on ne me coupait pas la parole ! Je parle de ce système parfaitement crétin de « filtrage » des interventions sur le blog. Impossible d’avoir une conversation sensée dans de telles conditions. S’il faut attendre la taulière avec ses clés en plein milieu d’une idée, c’est un véritable coït interrompu.<br /> <br /> Je reviendrai en ces lieux lorsqu’on nous laissera "baiser" en toute liberté.
Répondre
Publicité