Une miette de Monsieur Roquet
Une vie pour rien!
J'ai préparé mon épitaphe: "Une difficile maieutique mais on s'rapproche".
Au cas ou je meure prématurément, renversé par le Rer B, que je prends très rarement.
Au cas ou je ne décide pas de me faire incinérer.
J'ai failli devenir un écrivain: publié, sans doute.
Il s'en est fallu de peu. De 2 centimètres exactement.
Rien à voir avec le plafond.
Ecrire était toute ma vie. Les autres auraient dû le sentir.
La sueur penchait mon front sur des affres terribles: laisser une trace et faire sortir de mon crâne un truc qui ressemble enfin à quelque chose. Du vomi ou de la bave. De la haine, de la rage.
J'écrivais des tonnes de pages sur l'écran, elles brillaient d’ailleurs assez : ce n'était pas de la fierté, ni même un aboutissement, mais juste un meilleur réglage de la luminosité.
Un long chemin me séparait pourtant de mes débuts.
J'ai commencé d'écrire vers l'âge de bronze.
Evolué vers l'âge ingrat.
Terminé sur l'âge I té.
Du japonais "sagesse morose".
Je terminerai sans doute dans une maison de retraite, près de Melun. Ou à l’asile.
J'enregistrais sous Word, tout ce que j’écrivais, je ne relisais pas d'abord, je relirais plus tard, laissant le temps faire et défaire les nœuds… de mes chaussures.
Je compare les textes à des chaussures: blanches et bleues. Des baskets pour êtes plus précis.
Usés, les noeuds, j'avais relu mes textes.
J’étais devenu comme eux, exécrable !
De moins en moins écrivain.
Dans la chambre "34", je marche désormais pieds nus.
Deux centimètres, ça compte!