Thomas Arfeuille... COGITE !
On entend souvent dire que l’avion est le moyen de transport le plus sûr. Etrangement, personne ne conteste cette allégation qui, totalement mensongère, n’est fondée sur aucune étude sérieuse. Il est facile en effet de prouver que le transport aérien est très dangereux. Comment ? Avec une sérieuse démonstration par l’absurde : si nous pouvons démontrer qu’un Bœing 747, fleuron de l’industrie aéronautique, est beaucoup moins sûr qu’une voiture (moyen de transport considéré comme le plus dangereux, après les deux roues), nous aurons fait la démonstration éclatante (comme une roue d’un avion lors d’un atterrissage raté) de ce que nous affirmons.
Pour ce faire, il serait tentant de nous appuyer sur des statistiques indiquant le nombre de décès par kilomètres parcourus avec tel ou tel vecteur transportant un être humain. Cela pourrait paraître logique, mais cela conduirait à des aberrations, puisqu’il nous serait alors facile de conclure, par exemple, que la station spatiale internationale, qui se déplace à environ 28 000 km par heure, est le véhicule le plus rassurant jamais conçu par l’homme. Quelques dizaines d’astronautes l’on habitée pendant des mois, sans mourir, parcourant des millions de kilomètres. L’orbite terrestre basse serait donc la promenade la plus sûre au monde, et la marche sur terre le moyen de locomotion le plus risqué. Vous y croyez ?
L’écrasante majorité des avions… s’écrase à proximité d’un aéroport, au moment du décollage ou de l’atterrissage. Les navires coulent le plus souvent près des côtes, et en particulier près d’un port, après avoir percuté un écueil ou un autre bateau. Les trains déraillent méthodiquement près des gares, là où se trouvent le plus d’aiguillages. Les automobilistes se tuent majoritairement près de chez eux ou près de leur lieu de travail, sur leur trajet quotidien. Et les piétons n’éprouvent même pas le besoin de sortir de chez eux pour périr en chutant dans leur escalier ou en glissant sur le carrelage de leur salle de bains.
Soyons sérieux. Pour cette étude raisonnable, il faut raisonner en considérant le nombre de trajets effectués, quelle qu’en soit la distance, quelle qu’en soit la durée. Ce postulat est essentiel.
Apparu au milieu des années soixante, le 747 s’est rapidement avéré comme l’un des avions les plus sûrs jamais crées, et, après cinquante ans de services dans toutes les grandes compagnies aériennes, il est toujours aussi bien considéré par les experts (dont nous ne faisons pas partie) : aucun crash ne serait directement imputable à la conception de cet appareil ; seuls les pilotes, les responsables de la maintenance, les contrôleurs aériens, auraient merdé, épaulés en cela par des missiles soviétiques égarés et des bombes terroristes. Excellent avion, sans rire, et c’est pour cela que nous l’avons retenu, pour que notre enquête ne soit pas une enquête à charge.
Bilan du 747 : 3000 morts en 50 ans.
Nombre de passagers transportés en 50 ans (source : Bœing) : 3 milliards. Attention : ce chiffre ne signifie pas que la flotte des 747 a transporté la moitié des habitants de la planète, mais simplement qu’elle a permis à x personnes d’effectuer 3 milliards de trajets… en mourant seulement 3000 fois.
Le calcul est simple : vous avez une chance sur un million de décéder lorsque vous montez dans un 747.
Vous-vous dites alors : « ah ! Comme le transport aérien est sûr ! Une chance - ou plutôt une malchance - sur un million d’y rester ! Comme le risque est faible ! »
Nous avons oublié de vous préciser quelque chose : vous risquez votre vie une fois sur un million de voyages, chaque fois que vous prenez cet avion.
La voiture, maintenant.
Les accidents de la route ont causé 3384 morts en 2014, en France (deux roues, poids lourds, piétons, bus compris). Ce qui est insupportable. Oui, mais :
Combien de fois utilisez-vous votre voiture pendant l’année ? Aller au travail, en revenir… Aller faire des courses, en revenir… Conduire vos enfants à l’école (ah, vos enfants ne conduisent pas ? Ils doivent pourtant figurer parmi les statistiques, comme les 400 passagers d’un 747 qui ne pilotent, heureusement pas, eux-mêmes l’avion).
Vous conduisez 2 fois par jour ?... au moins. La réalité est probablement tout autre… vous conduisez bien plus souvent.
Mais bon, admettons, comme estimation très basse, que seulement 30 millions de français font 500 fois par an un trajet routier.
Cela fait 15 milliards de déplacements.
A diviser par 3384.
Vous avez une malchance sur environ 4,5 millions de mourir chaque fois que vous utilisez une automobile.
CQFD.
4,5 fois (au minimum) moins dangereuse que le plus beau représentant du secteur des transports considéré jusqu’alors le plus sûr, l’automobile est un bienfait pour la santé publique, d’autant que dans les avions, les plateaux repas sont toujours aussi mauvais et peu diététiques.
Mais… nous subodorons que notre petite étude ne vous paraît pas suffisamment claire, car sans doute pensez-vous que nous mélangeons, au moyen de données contestables, les choux et les carottes, la peste et le choléra…
Les voitures et les avions ?...
Mais… c’est ce que nous voulions comparer, non ?
Une Laguna diesel est-elle dangereuse parce qu’elle ne peut pas décoller d’une piste de l’aéroport de Roissy ?
Bon, présentons nos résultats autrement :
Nous avons démontré, de façon incontestable, que :
Pour tuer un nombre de personnes presque égal, environ 3000 (il s’agit donc d’un dénominateur presque commun, d’où la pertinence des calculs exposés ci-avant), il « faut » que l’un des meilleurs réseaux routiers de la planète, en termes de sécurité, transporte 15 milliards de passagers, alors qu’il «suffit » à l’un des meilleurs avions de ligne, en termes de bilan de sécurité, d’en transporter 5 milliards.
NB : dans cet exposé, le transport aérien a été très favorisé, car nous ne voulions pas nous retrouver accusés de partialité anti aviaire. Nous avons par exemple omis de compter une très grande partie des gens qui sont morts en prenant l’avion et qui ne figurent dans aucune statistique : ceux qui sont morts de trouille.
Thomas Arfeuille