"J’ai accroché…" Hervé Baudouy...
J'ai accroché, sur la portée du vent, quelques notes irréelles, quelques images farfelues, des mots qui disent qu'il faut rêver, même quand on a peur, même s'il est trop tard, ou trop tôt, ou qu'il fait trop triste, trop froid dans le cœur ; j'y ai ajouté quelques sourires d'enfants, un
rire qui cingle comme un départ, bref, de ces riens qui font qu'on continue... quand même !
J'ai vu les Pyramides s'ouvrir et m'offrir les soleils prisonniers depuis des lumières,
Veillant sur des Pharaons inutiles et de hasard,
Héritiers des Hommes d'Ailleurs qui les abandonnèrent au désert,
Face au Sphinx et au sable, ironique décor d'une histoire cocasse et tragique.
J'ai vu les tombes inviolées, maisons-barques de l'espoir, sarcophages de sarcophages, poupées gigognes de l'éternité - ou du Néant ?
J'ai vu ces palais millénaires, orgues orgueilleuses aux mille tuyaux de granite, chanter le silence ensablé.
J'ai vu ces bas-reliefs, miroirs de pierre ; ils m'ont dit : « Tu as déjà été ! »
J'ai rencontré le silence :
Il m'a dit : « Écoute ! »
J'ai écouté...
... Ces mondes interminables qui se répercutent de soleil en soleil, jusqu'au fond de ces nuits sans frontières où l'homme croit entendre une réponse : sa propre voix, d'espace en espace, lui renvoie son image déifiée, miroir narcissique : les ténèbres sont vides, le vide est ténèbres.
La réponse est dans le sable : « Aujourd'hui ici, demain là-bas. »
Et derrière le sable, derrière le vent, une autre voix résonne, discrète ; il faut être attentif ; c'est le sourire amer des siècles qui savent, des mondes précédents innocents et trompés, des univers successifs et effacés...
J'ai rencontré le Hasard - par hasard - et son jumeau, le Possible, se moquant du Destin...
Et la rose des sables, rêvant qu'elle songeait, me confiait sa vision :
« Quand nous aurons épuisé tous les possibles, même les pires,
Quand le hasard sera certitude,
Quand l'avenir sera mémoire,
Il faudra réapprendre l'oubli
Et ces matins de peur... »
***
Le vent écrit l'histoire dans les collines nomades.
Qui les lit, qui les comprend ?
Puis le vent prend racine, et il dessine un arbre, mémoire feuillue.
Regarde la caravane, elle dessine une histoire ; c'est le langage des pas qu'il faut apprendre, avant que le sable ne reparte porter un peu plus loin la parole in-connue...
Je n'ai que des mots à donner...
La nuit est un coquillage qui me chante la mer, qui me parle d'ailleurs, qui me chuchote des histoires...
Et depuis bien longtemps je dors dans son sourire.
La mer est dans ma tête.
Je suis le voyage, le bagage, le bateau, la vague et le vent.
Les souvenirs sont la pluie du Temps, et les rêves en sont la trame.
Je descends du vertige, humain par hasard, funambule fantomatique.
Je tricote les mots pour oublier demain.
Et le silence du Temps me chantonne « Continue ! »
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Hervé Baudouy sur une image de Sylvie Huret