Mes profs...
Ma rentrée au collège...
Juste avant la guerre de quatorze !!!
Toi Chrissy, jolie petite fille de parents grecs, et qui fut mon amie pour la vie pendant quelque temps, te souviens-tu de notre entrée en sixième ?
De Monsieur Field, professeur d'anglais longiligne et timide, dont je n'arrivais pas à suivre les cours, fixant malgré moi son bec de lièvre mal opéré, et dont les remuements me fascinaient dès qu'il ouvrait la bouche.
De Mademoiselle Lampson, blonde, mince et sévère, qui nous a quittés, en cours d'année, pour devenir religieuse, dominicaine cloîtrée dans un monastère au sud de Paris. Nous sommes allées la voir, en guise de voyage de fin d'année. Lorsque je l'ai aperçue derrière la lourde cloison de bois ciré qui la séparait de nous, je me suis écroulée en larmes, au milieu de mes camarades.
Et Monsieur Bidault, agrégé d'allemand qui nous dictait dès le premier jour de l'année la liste des obligations qui nous incomberaient à son cours. Il terminait par : « La non-observation de l'une quelconque de ces prescriptions entraînera automatiquement la note zéro. »
Et Mademoiselle Langlade, dont j'étais la chouchoute, sans doute dû à ma fraîcheur et ma gracieuseté à cet âge mal dégagé de l'enfance.... Et qui détournait la tête, deux ans plus tard quand elle me rencontrait dans un couloir ; car, pré pubère, un peu grosse, un peu molle, le cheveu ingrat, je lui décochais un sourire niais malgré la profonde affection que je n'avais cessé de lui garder.
Et Mademoiselle Herbert, amie de la précédente, avec ses yeux de husky, en tailleur gris masculin, et veste de cuir gold. Mon père sortant de son bureau après un rendez-vous, avait murmuré entre ses dents : « ...sûrement une vraie garce ». Cette parole avait mis un baume délicieux sur mon cœur.
Et le professeur de math dont l'opulente poitrine était moulée dans un pull d'angora rose.
Et le petit Monsieur Leblanc, toujours un peu crapoteux, qui riait avec bonhomie de ses propres plaisanteries, toujours recommencées.
Tu te souviens, Chrissy, de cette année de guerre, mille neuf cent quarante trois où nous avons mangé à la cantine. Le poisson du vendredi était immonde. Nous le gardions dans notre poche (bonjour l'hygiène) pour le dissimuler dans une anfractuosité du mur, à la sortie.
Que c'est bon, les souvenirs…
Aglaé