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VITDITS ET AGLAMIETTES
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Vous venez d'atterrir sur le blog d'AGLAMIETTES où sévissent Aglaé, Thomas et Dan.

Chez nous, vous trouverez des textes courts, des aphorismes pas toujours très sérieux, des réparties dites VD, ou « Vitdit » pas vraiment classiques, mais, autant que possible humoristiques.

Laissez-nous un commentaire si vous avez le temps et l'envie.

Les commentaires sont accessibles sous chaque post de nos auteurs.

Une réponse vous sera adressée (sauf caprices de l'informatique toujours possible) !

vitdits-ecran

Participez sous la rubrique : « Le Plumard » réservée à nos amis et invités.

A bientôt !

25 juin 2014

ANNIE ERNAUX, Regarde les lumière mon amour... (pour en savoir plus)...

annie ernaux

Extrait de Regarde les lumières mon amour :

« Dans n'importe quel hypermarché... »

Les cabines d'essayage de naguère discrètes et gérées par une employée, ont disparu. Elles sont remplacées par trois réduits minuscules, logés dans un renfoncement du mur, simplement séparés de l'allée où les clients circulent par un rideau. I n'y a plus de vendeuse. A la place, un avertissement :

NOUS INFORMONS L'AIMABLE CLIENTELE QUE LES CABINES DOIVENT UNIQUEMENT ÊTRE OCCUPEES POUR L'ESSAYAGE DES ARTICLES TEXTILES (Limités à trois par personne).

En clair, toujours traduire le langage de l'hyper : il est interdit de dormir, manger, faire l'amour, dans les cabines. Pour l'heure, rideau ouvert, une adolescente fatiguée est assise et discute tranquillement avec sa mère debout en face d'elle.

Ici, le soir d'un autre été, j'étais prise dans une file d'attente si longue qu'elle commençait entre les rayonnages de biscuits, loin d'une caisse devenue invisible. 
Les gens ne se parlaient pas, ils regardaient devant eux cherchant à évaluer la vitesse de progression. Il faisait très chaud. Mais la question que je me pose des quantités de fois, la seule qui vaille : pourquoi on ne se révolte pas ? Pourquoi ne pas se venger de l'attente imposée par un hypermarché, qui réduit ses coûts par diminution du personnel, en décidant tous ensemble de puiser dans ces paquets de biscuits, ces plaques de chocolat, de s'offrir une dégustation gratuite pour tromper l'attente à laquelle nous sommes condamnés, coincés comme des rats entre les mètres de nourriture que, plus docile qu'eux, nous n'osons pas grignoter ? Cette pensée vient à combien ? Je ne peux pas le savoir. Donner l'exemple, personne ne m'aurait suivie, c'est ce que raconte le film Le Grand soir. Tous trop fatigués et bientôt nous serions sortis, enfin sortis de la nasse, oublieux, presque heureux. Nous sommes une communauté de désirs, non d'action.

Annie Ernaux

 

Regarde les lumières mon amour :

Pendant un an, Annie Ernaux a tenu le journal de ses visites à l'hypermarché Auchan du centre commercial des Trois-Fontaines situé en région parisienne. « Voir pour écrire, c'est voir autrement », écrit-elle. On redécouvre en effet à ses côtés le monde de la grande surface. Loin de se résumer à la corvée des courses, celle-ci prend dans ce livre un autre visage : elle devient un grand rendez-vous humain, un véritable spectacle. Avec ce relevé libre de sensations et d'observations, l'hypermarché, espace familier où tout le monde ou presque se côtoie, atteint la dignité de sujet littéraire. Annie Ernaux est écrivain. Elle est notamment l'auteur de La Place (1984), La Honte (1997), Les Années (2008) aux Éditions Gallimard.


Le Mot de l'éditeur, Regarde les lumières mon amour :

Pour Annie Ernaux, l’'hypermarché est un grand rendez-vous humain, un véritable spectacle. Sa fréquentation est très loin de se résumer à la seule corvée des courses. Dans le journal de ses visites au magasin Auchan des Trois-Fontaines, la romancière livre les sentiments mêlés, attirance mais aussi interrogations, que suscite en elle ce haut lieu de l’abondance. Grâce à ce relevé libre de ses sensations et de ses observations, l'’hypermarché, espace familier où tout le monde ou presque se côtoie, arrive enfin à la dignité de sujet littéraire.

Annie Ernaux est romancière. Ses derniers livres sont Retour à Yvetot (Éditions du Mauconduit, 2013) et L'Atelier noir (Éditions des Busclats, 2011).

 

Un résumé paru dans "Le Point" :

Jusqu'en 2007, raconte Annie Ernaux, le rayon super discount d'Auchan, au centre commercial Trois-Fontaines, à Cergy, était installé à côté d'un rayon bio de petite taille, à l'intersection des deux ailes du niveau 2. Plus tard le bio a crû, et le discount, déménagé. Il se trouve désormais au fond du même étage, près de la nourriture pour animaux, moins engageant qu'elle cependant avec ses emballages neutres empilés sur des palettes et ses caisses de bonbons ou de biscuits apéritifs en libre service. "Ici le langage habituel de séduction, fait de fausse bienveillance et de bonheur promis, est remplacé parce celui de la menace, clairement exprimée. Sur toute la longueur du rayon self discount, en bas, un panneau avertit en rouge Consommation sur place interdite."

Dans Regarde les lumières mon amour, sixième titre de la collection "Raconter la vie" lancée au Seuil par Pierre Rosanvallon, Annie Ernaux tient sur une année le journal de ses passages au Auchan de la région parisienne qu'elle a l'habitude de fréquenter. La chose est à peu près inédite : le supermarché n'est pas - n'était pas jusqu'ici - un objet littéraire. D'abord, avance la romancière, parce qu'il demeure une sorte d'"extension du domaine féminin" : "Ce qui relève du champ d'activité plus ou moins spécifique des femmes est traditionnellement invisible, non pris en compte, comme d'ailleurs le travail spécifique qu'elles effectuent." Ensuite, suppose-t-elle, parce que les intellectuels et les écrivains, dans ces années 1950 et 1960 qui virent naître les grandes surfaces, n'avaient ni le besoin ni le désir de les fréquenter.

Elles sont pourtant le lieu par excellence où se croisent des vies qui s'étalent, plus tard, sur le tapis roulant des caisses. Tel pourra s'offrir le luxe d'acheter sans regarder les prix, tel subira sou à sou "l'humiliation infligée par les marchandises" ; telle promène un caddie de mère de famille, telle est célibataire. Jusqu'à l'écrivain elle-même, reconnue par une cliente, qu'elle voit avec un étrange malaise observer ses achats : de la confiture anglaise au gingembre, des croquettes pour chat stérilisé, de l'emmental bio, deux bouteilles de vin. Les centres commerciaux sont constitutifs, note Annie Arnaux, de notre façon de "faire société" avec nos contemporains, dans l'immuable tiédeur des rayons et la lumière qui tombe des rampes de métal. "Est-ce qu'(y) venir n'est pas une façon d'être admis au spectacle de la fête, de baigner réellement - non au travers d'un écran de télé - dans les lumières et l'abondance ?" "Regarde les lumières mon amour", dit, au moment de Noël, une mère à sa fille en poussette.

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