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VITDITS ET AGLAMIETTES
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30 juillet 2013

Lettre à Voltaire...de Sylvaine...

 

 

taureau_Apis

 

 

LETTRE A VOLTAIRE

 

   Ne vous étonnez point, Monsieur, si je vous écris trois siècles après votre mort. Quoiqu’à mon sens il ne reste plus de vous qu’atomes épars, je ne saurais à qui d’autre adresser ma lettre. Car sachez-le, l’Infâme est de retour. Nous avons régressé en deçà de votre époque, et mis vos Lumières sous le boisseau.

En Europe, pourtant, l’indifférence religieuse semblait avoir triomphé en même temps que la république. L’influence du Christianisme faiblissait, et paraissait vouée à s’éteindre. Aussi le danger vint-il d’ailleurs. Je me reproche aujourd’hui de n’en avoir pas mieux discerné les prémices. Je m’inquiétais, bien sûr, du messianisme biblique qui dominait l’Amérique du Nord comme du fondamentalisme musulman, mais j’étais loin de penser que l’un et l’autre feraient un jour cause commune avec le Vatican et le Christianisme oriental pour lutter contre l’impiété du siècle. Le Judaïsme, pourtant si jaloux de ses particularités, se joignit bientôt à eux. La situation évolua très vite, si bien qu’en 2060 un mouvement œcuménique d’un nouveau genre réunit à Washington, capitale des Amériques, les représentants des trois religions du Livre. Ils signèrent une déclaration commune, dans laquelle ils faisaient taire leurs différences pour proclamer l’Union Sacrée des Monothéismes, et une volonté de prosélytisme accrue.

Si alarmante que fût la nouvelle, je ne m’en inquiétai pas à l’excès. Notre patrie, Monsieur, devenue grâce à vous et à vos disciples terre de laïcité et de tolérance, me paraissait à tort à l’abri du péril. A vrai dire, celui-ci ne revêtit chez nous que des formes insidieuses. Elles se révélèrent d’autant plus redoutables, comme la suite l’allait prouver. On vit d’abord des ministres revendiquer publiquement une foi qu’ils auraient dû garder en leur particulier, s’ils avaient fait leur devoir. L’opinion ne s’en émut guère, et les conséquences ne s’en firent point sentir d’abord. Moi-même, quoiqu’irrité de voir la religion sortir de la sphère privée qui aurait dû étroitement la contenir, je n’imaginais pas de plus amples dérives. Pourtant l’habitude fut bientôt prise : on vit tous les dirigeants européens proclamer leur obédience, comme le président des Amériques. Le reste suivit bientôt. En France, l’élection de 2069 porta au pouvoir un novateur qui ruina la victoire conquise deux siècles plus tôt par vos disciples, en abolissant la séparation de l’Eglise et de l’Etat. Celui-ci, désormais, dispenserait une éducation religieuse obligatoire qui proposerait en option l’un des trois Monothéismes triomphants, se chargerait de construire et d’entretenir les lieux du culte, et intégrerait à la Fonction Publique un clergé recruté par concours. J’étais encore étudiant à cette époque ; il vous plaira peut-être, Monsieur, d’apprendre que je formai alors avec certains de mes condisciples un Mouvement des Libres Penseurs que nous destinions à détourner une part de ces prébendes, en revendiquant pour la religion du doute les mêmes privilèges que pour les autres. Naturellement, nous n’ignorions pas que les sceptiques sont inaptes à former la moindre Eglise, et notre projet ne dépassa pas le stade du canular.

D’ailleurs mes études m’accaparaient à temps plein ; je me consacrais aux sciences de la nature, et je passai brillamment mon doctorat. J’avais un dossier assez solide, et des résultats assez probants, pour briguer et obtenir un poste de chercheur. Pourtant ma candidature fut repoussée, et le fut encore l’année suivante. Je vécus alors en enseignant les rudiments de ma discipline à des élèves incapables de fixer leur attention plus d’un quart d’heure - déconcentration qui vous surprendrait, Monsieur, mais se trouve déjà si répandue qu’elle a fait l’objet de plusieurs thèses. Quand je posai ma troisième candidature, mon directeur de recherches souhaita m’entretenir en privé. Ce qu’il me dit risque de vous faire désespérer des hommes, quand vous constaterez qu’au regard de la superstition, le talent et le mérite ne pèsent pas plus lourd dans mon siècle que dans le vôtre. Sachez donc que le dossier de chercheur signale obligatoirement l’appartenance religieuse, et que je me désignais toujours comme agnostique. Mon professeur m’informa que si je m’obstinais, je courais à l’échec une fois de plus. « Déclarez-vous animiste ou témoin de Jéhovah, précisa-t-il, mais reconnaissez-vous une obédience quelconque. Il n’y a que l’incroyance qui soit suspecte ».

L’indignation me laissa coi. Chez moi, je pris contact avec mes anciens condisciples - le progrès des sciences que vous appeliez de vos vœux nous permet aujourd’hui, Monsieur, de communiquer à distance. J’appris que tous avaient cédé du terrain au fanatisme, et s’étaient avoués par politique adeptes d’une religion déterminée. J’en fus d’abord accablé, puis saisi d’une colère que vous comprendrez sans mal. Mes yeux tombèrent sur une statuette égyptienne qui ornait ma table de travail et dont j’aimais les lignes pures. Elle représentait le taureau Apis, le disque solaire entre les cornes. Sa vue m’inspira un défi superbe et suicidaire auquel je cédai sans réfléchir. Puisque je devais choisir une religion, je me déclarerais d’obédience apisienne. Je remplis aussitôt mon dossier, et je l’envoyai dans la journée pour m’ôter la tentation de me reprendre. Tantôt jubilant, tantôt transporté de rage, je restai jusqu’au soir dans un état second.

Durant la nuit cependant, mon excitation tomba. Je compris que j’avais sacrifié mes espoirs de carrière au plaisir de tourner en dérision la bigoterie du siècle, laquelle ne me pardonnerait pas. Je passai les jours qui suivirent dans l’humeur la plus noire, et maudissant un goût de la provocation qui m’avait fermé tout avenir. Je n’escomptais pas même un scandale, lequel serait étouffé naissant. C’est ici, Monsieur, que l’histoire touche à l’extravagance : ma candidature fut acceptée.
Il n’y eut personne pour s’étonner de ma religion fantaisiste, ni pour y reconnaître un culte de l’Egypte ancienne - notre école ayant répudié l’étude de l’Histoire et des Lettres, les gens les mieux appris en ignorent presque tout. Les choses auraient pu en rester là, mais le zèle des clercs est sans mesure. Deux ans après ma nomination, le Centre qui m’avait recruté organisait une série de conférences sur les religions de ses chercheurs. En tant qu’unique Apisien, je fus invité à exposer la nature de ma croyance et les rites qu’elle commandait.

Je devine votre sourire devant cette situation absurde qui n’aurait point déparé votre Zadig. La suite, Monsieur, ressemble assez à vos contes, mais je n’étais pas d’humeur à en sourire. Je fus tenté d’avouer la supercherie, par lassitude, mais c’eût été laisser la victoire aux cagots. J’avais un défi à relever, celui d’inventer une religion nouvelle en empruntant aux mythologies antiques, et de la rendre crédible. Barbouillant de neuf de vieux cultes solaires, je fis d’Apis un principe créateur adoré autrefois sous forme de taureau, mais réduit désormais à son essence vitale. Ne me demandez point ce que j’entendais par là : le fait est que je l’ignore moi-même, mais en matière religieuse, ce qui se conçoit mal prend toujours l’avantage. On me fit quelques questions auxquelles je répondis de la façon la plus abstruse. Sur quoi au lieu de me traiter d’imposteur, on m’applaudit.

Il y eut des articles dans la presse, qui me valurent un abondant courrier. Je répondis par une lettre type, où je pris garde de préciser que l’Apisianisme était une religion du cœur qui se pratiquait sans rite, et de renvoyer chacun à sa foi intime. J’espérais ainsi me tenir à couvert en échappant au zèle de possibles adeptes, mais déjà je ne maîtrisais plus rien. Impuissant, j’assistai au développement de la secte, qui d’ailleurs m’excommunia bientôt. On me soupçonna de déisme, ce qui, Monsieur, vous fera probablement plaisir. On voulait un dieu plus personnel. Pis, on le voulut bientôt incarné. J’avais habillé l’Apisianisme d’oripeaux mythologiques dont les convertis s’emparèrent avec ferveur en les prenant à la lettre pour les transformer en dogmes. Ce fut un méchant écrivailleur, appelé Norbert Caluth, qui se chargea d’annoncer la Bonne Nouvelle : Apis lui était apparu en songe pour lui révéler les mystères de la vraie foi, au tout premier rang desquels figurait celui de son existence charnelle. L’animal divin se réincarnait au fil des âges, mais le genre humain circonvenu par des religions mensongères avait oublié comment le reconnaître, et par quels rites l’honorer. Le retrouver, l’identifier, l’offrir à l’adoration des foules était le premier des devoirs.

Croirez-vous, Monsieur, que ce galimatias en séduisit beaucoup ? Parmi eux, un riche habitant des Amériques, naïf comme votre Ingénu mais de moins bon sens que lui, fit don de sa fortune à la cause apisienne. Il s’acoquina avec Caluth, et tous deux reconnurent un jour leur dieu vivant sous l’espèce d’un veau orphelin né dans un troupeau espagnol. Ils élevèrent l’animal, et lui construisirent une résidence aussi somptueuse qu’un palais où ils n’épargnèrent ni l’or ni le marbre. Depuis, l’endroit est devenu le lieu d’un pèlerinage auquel on attribue des miracles, et où l’urine d’Apis se vend dans des flacons précieux.

Il faut, Monsieur, que la superstition ait dans le cœur humain des racines bien profondes, puisque même vous n’êtes point parvenu à l’extirper. Sachez qu’en trente ans l’Apisianisme a sans cesse accru le nombre de ses fidèles qui se comptent aujourd’hui par millions ; qu’il a son Eglise, ses temples, son clergé, dont un collège de trois prêtres chargés d’assurer la continuité du culte lorsque le taureau vient à mourir, en lui désignant un successeur. Il a même son Paradis, sous forme de pâturages célestes où les bienheureux paissent et ruminent éternellement, métamorphosés en bovins glorieux.

Je vous avouerai que tout d’abord l’aventure me divertit : qu’une religion fût née d’une supercherie discréditait l’origine de toutes, ce qui n’était pas pour me déplaire, non plus qu’à vous, j’en suis sûr. De plus, quitte à honorer un dieu, je ne trouvais pas le choix mauvais : Apis appartient à une espèce qui nous donne sa chair, son lait, son cuir et son labeur depuis des millénaires, et qui à ce titre mérite notre respect. Nous avons bâti nombre de nos civilisations sur elle, sans qui nous serions restés des singes sans poils.

Mais le temps n’est plus à ces considérations qui vous paraîtront sans doute étranges, mais que j’emprunte à un écrivain du dernier siècle *. Je vous l’ai dit, Monsieur, l’Infâme est de retour.

Au départ, les monothéismes issus du Livre ont coexisté pacifiquement avec le culte apisien dont ils ne prévoyaient pas l’importance future. Mais quand la nouvelle religion obtint un statut officiel, c’est-à-dire des subventions d’Etat, on vit imams, évêques et rabbins maudire d’une seule voix le retour immonde du paganisme. Les Apisiens répliquaient sur le même ton, chaque camp usant à l’envi des injures les plus sanglantes. Le Vatican tenta l’excommunication, mais les fautifs se situant déjà hors de l’Eglise, la cérémonie n’eut pas le résultat escompté. Alors les pieux conjurés recoururent à des moyens moins inoffensifs. Savez-vous, Monsieur, ce qu’on appelle une fatwa ? Rien d’autre qu’une condamnation prononcée par un imam, qui voue son objet à la mort et transforme l’assassinat en mission sacrée. Plusieurs ont été formulées contre les fidèles d’Apis, dont le résultat n’a pas tardé. Leurs temples sont devenus la cible d’attentats à l’explosif, qui font des morts par dizaines et qu’évêques et rabbins se gardent bien de blâmer. Ce que je redoute par dessus tout, c’est que le Taureau sacré n’en soit à son tour la victime. On verrait alors les Apisiens prendre les armes, et la paix civile submergée par des horreurs dont la Saint Barthélémy ne peut vous donner qu’une faible idée. Le monde entier s’embraserait, tant nous avons progressé en matière de meurtre collectif.

J’achève ici, Monsieur, cette lettre qui ne vous parviendra pas et que pourtant je ne pouvais adresser qu’à vous. Si le genre humain survit à son propre fanatisme, peut-être tombera-t-elle un jour aux mains d’un homme d’esprit qui saura en faire bon usage. Je suis, Monsieur, très philosophiquement et admirativement votre,

Hugues Sylvain

 

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Commentaires
A
Ben mazette ca en fait couler de l'encre et tout le reste...<br /> <br /> Sur le même thème mais en bcp plus , heu... enfin en bcp moins , bref... : https://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=op4gpmE4OvU<br /> <br /> <br /> <br /> Bonne soirée <br /> <br /> PS: Tu avais raison Maglaé, ça valait le coup de la lire !
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J
On s’imagine mal le boulot du bon Dieu<br /> <br /> Tous les matins qu’il faut qu’il fasse<br /> <br /> Dès son réveil la météo<br /> <br /> Un peu de pluie sur Bornéo<br /> <br /> Du gai soleil sur Montparnasse<br /> <br /> Et ça c’est rien tout juste un jeu<br /> <br /> Viennent vite les travaux sérieux<br /> <br /> Les choix essentiels<br /> <br /> Les décisions importantes<br /> <br /> Comme la grand peste en l’an quarante<br /> <br /> Même si après tout le monde s’en fout<br /> <br /> Faut trouver le goût des citrouilles<br /> <br /> La longueur des queues des grenouilles<br /> <br /> Qui chaussera du quarante cinq<br /> <br /> Qui sera assassin <br /> <br /> Qui sera tué <br /> <br /> Et qui donc touchera le tiercé<br /> <br /> Qui rira bien <br /> <br /> Qui rira le dernier<br /> <br /> Où ça faire tomber les sauterelles<br /> <br /> Dans la mer planquer les baleines<br /> <br /> Modeler un beau cul à Miss Monde<br /> <br /> En n’y passant que dix secondes<br /> <br /> Inventer la roue<br /> <br /> Le beurre le fil et les bretelles<br /> <br /> Souffler dans de savants cerveaux<br /> <br /> L’idée fumante du chalumeau<br /> <br /> Et du lance-flamme<br /> <br /> Libérer les femmes<br /> <br /> En faire des mères<br /> <br /> Penser la guerre pour leurs enfants<br /> <br /> Sauver des âmes<br /> <br /> Saler les larmes<br /> <br /> Donner du talent aux journaux<br /> <br /> Ah quel boulot<br /> <br /> Dieu ! quel boulot<br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> Parfois s’il est vraiment trop fatigué <br /> <br /> Il tape du poing sur la terre<br /> <br /> C’est l’origine incontestée<br /> <br /> Des raz-de-marée<br /> <br /> Des explosions nucléaires<br /> <br /> Du naufrage du Titanic<br /> <br /> De son idée du cha-cha-cha<br /> <br /> De la glissade tectonique<br /> <br /> Des Nègres nés en Amérique<br /> <br /> Et de la marche au pas de l’oie<br /> <br /> De la chute des feuilles en automne<br /> <br /> Des maladies de Parkinson<br /> <br /> De la trouille au ventre des hommes<br /> <br /> Et des hoquets du pape de Rome<br /> <br /> <br /> <br /> Et c’est vachement bien fait !
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R
Il est important de connaître le Monstre en spaghettis volant (c'est le monstre qui est volant et pas les spaghettis, mais la tradition veut qu'on dispose les mots dans cet ordre), c'est-à-dire le pastafarisme :<br /> <br /> http://fr.wikipedia.org/wiki/Pastafarisme<br /> <br /> Ainsi que sa concurrente directe, la licorne rose invisible :<br /> <br /> http://fr.wikipedia.org/wiki/Licorne_rose_invisible<br /> <br /> Leur ancêtre commune est la Théière de Russel :<br /> <br /> http://fr.wikipedia.org/wiki/Th%C3%A9i%C3%A8re_de_Russell<br /> <br /> <br /> <br /> Mais avant de vous attaquer aux moulins à vent en toute généralité, regardez donc si parazar une espèce particulière de moulins à vent ne serait pas plus agressive que les autres. Vous connaissez des musulmans sans guerres ou des guerres sans musulmans, vous ?
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A
Bordel!<br /> <br /> Toutes mes excuses à tous!<br /> <br /> <br /> <br /> J'ai essayé de poster ici:"Aglamétaphysique" que vous trouverez si vous voulez en tapotant votre Google(!!)....mais je n'ai pas réussi!<br /> <br /> <br /> <br /> BONSOIR!
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A
Je suis fière de voir chez nous ce texte intelligent sur un sujet gravissime!<br /> <br /> <br /> <br /> Merci à Dan pour la belle mise en page...j'aurais tout gâché! :-)))
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