Hervé Baudouy..."La Parole est d'Argent"...3eme partie...et bonsoir vous tous!!!

La Parole est d'argent.

Chapitre III.

Grace à des relations intimes et généreusement horizontales de la femme
du Directeur des Hautes Études Escronomiques, nous sommes en mesure
de vous dévoiler aujourd'hui un document tout à fait étonnant : La Leçon
Inaugurale du Préfet des Études, responsable de la formation des futurs
économistes, chefs d'entreprise, responsables du marketing, parrains
maffieux et assimilés.


"Biens Chers Frères et néanmoins Élèves,

C'est avec une émotion annuellement renouvelée que je vous accueille
aujourd'hui en ce Temple du Savoir et de la Vérité.

Vous avez signé, lors de votre inscription, un engagement de
confidentialité.
Cela était nécessaire, car nous parlerons de choses que les fidèles,
citoyens et autres consommateurs ne doivent pas savoir.
Pour le commun des mortels, nous sommes "l'École des Hautes Études
d'Économie".

En fait, vous vous trouvez au Grand Séminaire d'Économie.
D'ailleurs, je m'appelle Alec O'Nomy.
Nous vous formerons à la Nouvelle Religion, qui bientôt, recouvrira le
monde, les consommateurs et les travailleurs des Vérités Premières :
"Spéculation, Dégraissages, GrossPépètes"
Notre Devise sera : "Credo In Unum Deum : Cac40"


N'oubliez jamais que vous serez en mission d'évangélisation ; il vous
faudra inculquer aux gens qui travaillent, aux chômeurs, aux consommateurs,
aux petits actionnaires, la passivité, la résignation, à trouver normal
un état de choses chaotiques et incontrôlable.
Pour cela, il vous faudra mentir avec aplomb, et utiliser un jargon
incompréhensible au vulgum pecus.
Pourquoi mentir ?
Pour garder votre job !
Vous serez employés par les grandes institutions financières, les
banques, les grandes compagnies, les bourses.
Vous imaginez-vous dire la vérité ?

Exemple : Vous martèlerez avec application que le chômage d'aujourd'hui
crée les richesses et les profits de demain.
Vous savez bien que c'est faux. Le chômage crée les profits
d'aujourd'hui. Mais si vous dites ça, vous allez pointer au chômage
dans la demi-heure qui suit.
Les seuls économistes qui peuvent dire la vérité (que le Diable les
patafiole !), sont ceux qui travaillent dans les Universités ;
ils ne perdront pas leur job !

Parce que vous le découvrirez peu à peu : il n'y a PAS de lois en
économie, on ne peut rien prévoir scientifiquement.
Nous œuvrons dans la théologie : nous utilisons des articles de foi,
des axiomes, non démontrés, et qui s'auto suffisent.
La seule chose que peuvent prévoir les économistes, c'est le salaire des
économistes.



La loi qui dit que le commerce accroit la richesse est une farce. Elle
ne dit pas la richesse de qui elle accroit...
Quand à la loi de l'offre et de la demande, c'est le summum de
l'hilarité (off-record, bien entendu)
Jadis, on entendait : « Souffre aujourd'hui et tu gagneras le paradis ».
Maintenant, on assène : « Souffre, et tu gagneras le paradis
économique » (quitte à expliquer dans 20 ans qu'il *faut* réduire les
retraites...)



Il faut dire maintenant : "La pression sur les salariés fait que les
entreprises sont plus compétitives", mais sans rire :
on sait bien que c'est faux : perte de productivité, démotivations,
dépressions, absentéisme. Mais les actionnaires ne sachant pas
voir plus loin que le prochain bilan... Et encore, quand ils savent les
lire.
Il faut dire :"Les salaires doivent être plus flexibles, afin que les
gens ne soient pas paresseux ; Et, bien sûr, nous ne parlerons
jamais - c'est tabou ! - de la flexibilité éventuelle des dirigeants...
C'est de la morale, en fait, une resucée de la morale 19e siècle,
repeinte aux couleurs de l'économisme...

Le but, vous l'aurez compris, c'est d'instaurer le règne de
l'arbitraire, de l'aléatoire, du fait du prince, la peur autrement dit,
peur pour sa job, peur de l'avenir, peur du patron, et ce qui donne des
génuflexions professionnels fort juteuses...
En fait, nous sommes entrés dans une économie de rentiers « le chômage
doit servir de stabilisateur à l'économie »!
Le rentier, ou l'actionnaire, édicte : « Je veux 10 % de rendement,
cette année". Le PDG, s'incline : "Oui, Maitre, je m'en occupe".
Et il taille, il coupe, il restructure, il coupe les budgets, sans
oublier de se servir au passage...


Un peu de géométrie : la société - surtout au niveau du travail - est
organisée en triangle, ou en pyramide.
Ceux qui dirigent sont presque en haut... Presque.
Au-dessus, il y a les actionnaires, ceux qui palpent.
Puis on descend jusqu'en bas, où se trouvent ceux qui travaillent.

Et y a pas de miracle, mes frères ! Si ceux d'en haut veulent palper, et
gros !, faut que ceux d'en bas en chient !
C'est proportionnel, mathématique : si vous en donnez plus à ceux d'en
bas, c'est ça de moins dans les poches du rentier, ou de l'actionnaire,
on est bien d'accord ! C'est le principe des vases communicants, sauf
que là, la pente obligée est ascendante !
Le cas des économistes est particulier : nous sommes là pour dire aux
"gros" comment palper encore plus (restructuration, dégraissages,
surcharges de travail, coups fourrés en bourse, délits d'initiés,
lessivage d'argent, etc...

Donc, nous sommes payés très cher !



Il vous faudra vous imposer comme les autorités indiscutables et
indiscutées, du monde économique.
Vous apprendrez ici le jargon nécessaire, comme par exemple la balance
des invisibles (ça sonne assez religieux, non ?),
les incubateurs, la stagflation, etc.
Il vous faudra aussi apprendre à discourir, plus ou moins longuement,
sans éclater de rire, et en ayant l'air de croire à ce que vous dîtes.
Ce n'est pas si simple qu'on le pense. Des travaux pratiques seront
organisés à cet effet.

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Les Textes Sacrés :



Les œuvres de Keynes, bien sûr, en tout premier lieu,
Milton Friedman, etc. Consultez la liste des Prix Nobel d'économie, pour
constituer votre bibliothèque de base.
Ensuite, apprenez-en de grands passages par cœur.
Ca vous servira à répondre à côté de la plupart des questions qui vous
seront posées.

Car le fond de la question est là : Vous répondrez toujours à côté de la
question, ou en expliquant en quoi la question est importante,
difficile, qu'elle mérite un examen approfondi, tout cela dans un
salmigondis de termes plus abscons les uns que les autres,
ou bien encore en renvoyant négligemment le questionneur à un texte
obscur et illisible. Ce qui s'appelle, chez nous aussi, "botter en touche".

Un autre ouvrage est aussi à consulter, pour affiner votre pensée et
votre expérience : La Religion du Capital, de Paul Lafargue :

http://dx.doi.org/doi:10.1522/cla.lap.rel


Pour terminer, quelques pensées à méditer :
Bien sûr, le pouvoir est souvent un leurre. Mais il permet - souvent
aussi - d'avoir le leurre et l'argent du leurre !

Sur le Langage, l'Argent et le Pouvoir, que je vous cite de mémoire :

« Les paroles des politiciens sont des discours elliptiques, dont les
foyers sont le pouvoir et l'argent ; quand ces foyers sont confondus,
l'ellipse se restreint à un petit cercle d'initiés »



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Intermède linguistique.


Petit Dictionnaire (1)


Audit.
Destruction de la civilisation telle que nous la connaissons, causée par les
Quatre Comptables de l'Apocalypse.

Trou Noir.
Opportunité d'investissement.

Piranhas Nettoyeurs.

Poissons carnivores qui dévorent les restes des petits investisseurs après
un atterrissage ruineux.

Produits dérivés.
Types d'investissements basés sur des formes de nuages...
Exemple : cumulo-pigeonus, le strato-cavus, etc...
Les Boursicoteurs ont découvert le moyen de prendre des paris sur la durée
de vie des nuages...

Prévisions de Gains.
Une forme de rêve éveillé, pratiqué par les comptables corporatifs et les
shamans New-Age.

Poisson.
Petit investisseur. Nage dans de grandes écoles ; se comporte comme tous les
autres poissons.
Ennemis naturels : tout ce qui n'est pas un poisson.
Espérance de vie : trois minutes.

Prise de Contrôle Amicale
Forme utilisant la corruption plutôt que les canons. Les équipages ne sont
pas blessés. Les seules victimes sont les investisseurs.

Prise de Contrôle Hostile.
Sorte de bataille navale, au cours de laquelle une bande de pirates en
assassine une autre, dans l'espoir d'acquérir un nouveau navire.
Généralement, les deux navires sont endommagés et coulent. Les pirates
augmentent leurs fonds de retraite et s'échappent.


Consolidation.
Méthode de suppression d'employés qui consiste à fusionner deux sociétés
prospères en une sorte de porridge déliquescent.


Fraude Corporative.
Crime grave.
Souvent puni par des sermons extrêmement sévères.

Dettes.
Se présentent sous plusieurs formes.
Les dettes encourues par les petits investisseurs ont une courte période de
demi-vies et doivent être remboursées immédiatement.
Les dettes encourues par les gros investisseurs sont bénéfiques pour
l'économie et les caisses des partis politiques, et doivent être remboursés
par les petits investisseurs.
Les dettes générées par les Compagnies se présentent sous la forme de
papier, habituellement appelé Actions, portant l'effigie d'un pigeon et qui
attire les petits investisseurs.

Indice boursier.
Amalgame d'actions, destiné à inspirer la peur, la rage, l'angoisse et la
joie. Se déplace comme les ascenseurs et mange les poissons (voir ce mot).

Errer dans le désert.
Continuer à enseigner après des coupures budgétaires.

Avocats (d'affaires) :
Caméléons schroedingeriens. Existent d'un côté ou de l'autre d'une affaire,
suivant celui qui paye le mieux. Les chats ont découverts à quoi servent les
avocats, mais n'ont pas encore décidé de nous le révéler.

Prévisions boursicotières.
Méthode de prévision des sautes du marché par l'effeuillage de marguerite :
» Je gagne... un peu... beaucoup... ».

Atterrissage en douceur.
Tout ce dont un agent de change peut s'éloigner
Quand l'investisseur ne perd pas toute sa mise.

Agent de change.
Entremetteur.

Politiciens.
Vous trompez les gens pour avoir de l'argent, c'est de la fraude.
Vous les trompez pour avoir leurs votes, c'est de la politique.

Devinette.
Quelle est la différence entre un économiste et un météorologue : le
météorologue devine parfois juste...

Stock-options :
Mode de rémunération parallèle, destiné à augmenter les revenus des plus gros
salaires. Cela permet de revendre en Bourse des actions
que l'on n'a pas achetées, avec un gros profit donc, dans tous els cas de figure
Question séditieuse : Pourquoi ne distribue-t-on pas des stock-options
à tous les salariés ? Parce qu'alors, il n'y aurait plus de pauvres...
donc plus de riches ! Élémentaire, non ?

A suivre…

Hervé