Damy Tangage..."Analyse"...J'adore ce texte...Bonnes vacances Denis!

Image sans rapport avec le texte mais j'adore!

Regard allongé, renversé, je perçois

Profil d’une ligne courbe de son bas

Où la jambe s’efface, au dessus du genou

Dans les plis arrondis d’une jupe. C’est fou.

La main pose soigneusement, comme un voile

Qui masque l’ouverture où coule mes fantasmes.

- Je…

- Je vous écoute.

Ses doigts longs tombent pudiquement.

Les miens se tendent et mon index se place en croix sur la fente de mes lèvres.

- Chut…

Silence. Mes yeux se ferment et j’imagine, dessous les plis, accueil profond.

Murmure…

Regard allongé, renversé, je perçois

Profil d’une ligne courbe de son bras

Jusqu’à s’effacer, aux limites du coude.

Angle mort. Je poursuis atteins l’épaule ronde où se love une envie:

- Je…

- Oui ?

Mes yeux se ferment et j’imagine la courbe d’une dune et son creux sous la bise.

- Je ne sais par où commencer…

- Prenez le temps.

Je le prends.

Regard allongé, renversé, je perçois

Profil de son visage. Mais je ne vois

Ni sa bouche ni son nez ni ses yeux. Je devine

Ses cheveux en cascade, noirs et j’imagine…sa main caressant les miens.

Ma tête se penche aussitôt pour s’appuyer enfin…sur mon épaule droite.

- J’ai envie de vous dire…

- Oui ?

Combien j’aimerais être ailleurs, avec elle, sous la lune

À regarder la mer, son envoûtant espace et son reflet mouillé dans ses yeux noirs.

Mais je ne vois ni la mer ni la vague ni l’écume.

Je me noie.

Murmure…

Regard allongé, renversé, je perçois

Profil d’une silhouette présente, là, à portée de ma main, à perte de ma vue.

Si je me retournais.

- Si je me retournais…

- …

Il ne se peut. J’ai peur de la briser et de ne voir dans ses éclats

Que mes propres débris.

Si je nous casse alors qui nous recollera ?

- Je ne peux !

- Ne vous sentez pas obligé.

Je lui suis obligé. Je suis obligé d’arrêter là le cours de ma folie.

Regard allongé, renversé, je perçois

Silhouette brune et fine…

…Hombre à l’envie…

- …

• Nous allons en rester là pour aujourd’hui.

Damy Tangage

Comments

[Damy]

Un jour, enfin décomplexé grâce au travail d'analyse que Madeleine avait fourni malgré moi, je suis rentré dans le boudoir à lumière tamisé, je me suis tenu debout face à elle, fier et tremblant comme une feuille morte de papier mâché, je lui ai pris les mains dans les miennes, j'ai plongé mon regard franc et enflammé dans le sien, profond, accueillant et désireux de moi et lui ai murmuré avec aplomb et nuances:



- "Je vous aime"



Réponse froide, claquante comme un fouet, digne du milieu:



- "En êtes-vous sûr ?"



Je suis tombé raide (hum ...) sur le divan et j'ai passé ma séance à la traiter de sale pute, d'incompétente etc.



Elle n'a pas dit un mot

Elle a accepté le diagnostic.

[aglaé]

...l'écriture sobre et astucieuse pour raconter cette non-séance d'analyse...ce qui rend meilleure encore la dernière phrase...le patient, sous le charme de cette femme derrière lui, de son parfum, sa voix, un ti bout de jambe, une main sur l'épaule, est incapable de trouver les mots qu'il doit en général donner en pâture à son analyste...il est dans un silence amoureux perceptible à la lecture...Joli texte mon Damy!

[Damy]

C'est vraiment curieux comme la jolie dame au chapeau ressemble à Madeleine Comte Sponville, mon ex-analyste !

Madeleine n'a jamais réussi avec moi le contre-transfert qu'elle a toujours réussi avec les malades de l'Oedipe. Je l'avais prévenue d'emblée que je ne haïrai jamais mon père au point de vouloir le tuer pour que je puisse faire tranquillement l'amour avec ma mère. J'opérerais dans son dos (non, pas celui de ma mère...pfff...)



Contre toutes règles déontologiques de sa profession, après m'avoir beaucoup aimé, Madeleine s'est réfugiée dans un ashram en Indes pour méditer le reste de sa vie sur la condition de l'homme (j'atteste que ceci est la vérité).



Hélène, ma chérie, tu as tout bien vu ... Mais tu connais si bien l'endroit où repose mon viel if ...



Bizous m'Agla

Lô, un peu de retenue en séance svp, on n'est pas chez Mme Soleil ici ...

Je vous aime, ne m'en veuillez pas

[Hélène]

Je vois....un enfant allongé sur un tapis, ou la tête sur son bras posé sur une table devant laquelle il serait assis regardant, les yeux mi-clos.



Je vois...ce bas, cette jambe sous le plis de la robe, l'intime protégé par la main, fantasme d’œdipe, source de la vie, sa propre vie...une matrice.



Je vois...ligne courbe du bras, épaule ronde, la nourriture sublimée,une envie...un sein.



Je vois...une mémoire floue d'enfant, l'absence des yeux, bouche, nez, ...un souvenir.



Je vois ....la douceur des cheveux noirs sur le visage de l'enfant...une madone.



Je vois l'enfant imaginer la main caressant ses cheveux, le besoin d'elle, mais je vois également la tristesse de l'enfant qui l'a perdue et ne garde que la fragile mémoire de cette image.



Je vois...l'enfant devenu adulte et sa peur de briser le souvenir à trop vouloir le retenir.



Vois-je ce que l'auteur voit: sa mère ?



Oui, restons-en là pour aujourd'hui.



Merci Damy, je me suis attardée un peu dans ma propre analyse de ton texte.

Je suis peut-être à côté de ton idée....



Et grand merci Aglaé pour cette délicieuse publication.



La bise à vous deux

Hélène

[Lô]

... claudique. Tape "automat ed hopper" et la Lumière sera... :-)