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VITDITS ET AGLAMIETTES
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Vous venez d'atterrir sur le blog d'AGLAMIETTES où sévissent Aglaé, Thomas et Dan.

Chez nous, vous trouverez des textes courts, des aphorismes pas toujours très sérieux, des réparties dites VD, ou « Vitdit » pas vraiment classiques, mais, autant que possible humoristiques.

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vitdits-ecran

Participez sous la rubrique : « Le Plumard » réservée à nos amis et invités.

A bientôt !

29 février 2012

Une grosse miette professionnelle..."Une drôle d'infirmière"...et bonsoir!


imagesContrairement aux habitudes feutrées du service, elle a surgi un matin avec un « Bonjour ! »tonitruant .Nous savions qu’une infirmière à mi-temps devait arriver ce matin là. En soi, l’événement était sans surprise.

La Maison de Retraite où se déroule mon histoire, bâtie juste après la guerre ,était beaucoup trop grande et abritait en permanence presque quatre cents vieillards, hommes et femmes, répartis en quatre pavillons, autour d’un jardin d’arbres et de pelouses. Au rez-de-chaussée, les pièces communes et le restaurant occupaient presque tout l’espace ainsi qu’un long couloir où les personnes valides, assises sur des fauteuils, côte à côte ,et silencieuses très souvent, demeuraient là des heures, l’œil vague, fixant les jardins.

Les premiers étages abritaient les chambres de nos pensionnaires et le dernier étage, le plus triste ,donnait asile aux personnes grabataires. Celles ci ayant perdu toute autonomie, ne descendaient plus à la salle à manger. Leurs repas et leur soins étaient donnés par les aides soignantes, leur toilette était faite dans leur lit.

A chaque étage, une pièce était réservée à l’équipe soignante , la tisanerie ,pour s’asseoir un peu, s’offrir un café et bavarder cinq minutes.

Notre nouvelle recrue se présenta selon les meilleurs usages .Nous fîmes de même et durant quelques jours la mise au courant du travail nous occupa les unes et les autres .Notre « petite nouvelle » était une personne de cinquante ans, un peu moins peut être ,un peu grande et un peu lourde, un peu boudinée dans sa blouse, le cheveu coupé court ,le visage rond, l’œil très malin, le tout
éclairé le plus souvent d’un sourire radieux.

Elle eut droit d’emblée à toute la sympathie de l’équipe soignante y compris celle de nos deux patrons qui faisaient chacun une visite par semaine dans notre établissement.
Et pourtant, comment dire ça, nous avons tout de suite compris qu‘elle n’était pas une très bonne infirmière…. En tout cas, pas dans le sens habituel.

D’abord, elle n’avait pas travaillé depuis de longues années. Depuis le temps de ses propres études, le métier avait beaucoup changé .Les connaissances strictement techniques s’étaient considérablement élargies Nous étions plus rapides car nous étions plus jeunes et notre mémoire était excellente.

Elle a toujours demandé notre aide pour des interventions inhabituelles en prétextant avec un grand éclat de rire qu’on ferait ça bien mieux qu’elle.
Et sans qu’elle l’ai demandé, on lui a demandé de nous laisser faire les pansements délicats, car les siens étaient à refaire toutes les demi heures.
A quoi pouvait bien nous servir une pareille collègue  ? Je puis dire à peu près sans mentir :à tout le reste…
Tous les matins les aides soignantes de tous les étages de cette grande baraque nous téléphonaient les principales difficultés du jour. Ici une fièvre, là une indigestion ; ailleurs des larmes, des disputes ,une déprime, et des rouspétances partout et toujours. A ce moment là, vers neuf heures environ, notre Lucienne, j’avais oublié de vous dire son nom, préparait les fiches sacro-saintes, la table roulante avec l’ assortiment de médicaments, de coton, compresses, désinfectants habituels ; elle partait et on ne la revoyait pas avant midi.
Cette grande tournée du matin, c’était vraiment son truc. Elle voyait indifféremment les malades et les bien portants, les aides soignantes , les kinés, et même les visiteurs à l’occasion. Sa voix la précédait partout : Les grand-mères l’entendaient arriver à leur étage. Et pas seulement sa voix, son rire également. Lucienne échangeait d’abord les nouvelles du jour avec les premiers rencontrés, s’asseyait sur un lit ou sur une chaise à la tisanerie, acceptait un café, lisait les titres des journaux, toujours à haute voix, se levait, entrait dans les chambres, embrassait, serrait de vieilles mains noueuses, arrangeait des cheveux blancs avec ses grandes mains d’accoucheuse. Le reste se faisait très tranquillement : petits soins, température, prévention des escarres,. En quelques semaines elle connaissait leurs noms et leurs prénoms ,elle inventait des sobriquets rigolos, regardait les photos des petits enfants ou du mari disparu. Chacun lui racontait un moment de sa vie, à l’occasion…peut être enjolivée ou aggravée mais qu’importe. Elle savait faire instinctivement ce que les médecins de famille font si bien : donner l’impression à l’autre qu’on a tout son temps, et ce n’était pourtant pas le cas :Quatre pavillons logeant quatre cent personne, même si on ne voit pas tout le monde chaque matin, c’est une course d’endurance. Elle repartait chez elle, souvent en retard, et elle nous disait : »tant mieux, si mes garçons voient l’heure tourner, ils vont se remuer les fesses pour préparer le déjeuner et je n’aurai plus rien à faire ! ».
En décembre, elle a entrepris de décorer deux ou trois salles du rez- de- chaussée pour Noël. Un bon curé qui faisait parti de nos pensionnaires lui a servi d’arpète
Ils ne se quittaient plus d’une semelle revêtus tout deux de la longue blouse des frères Ripolin. Ils ont peint à la gouache des surfaces imposantes juchés sur des escabeaux, les ont inondées de couleurs éclatantes. Le mur est devenu un but de promenade, les grands pères critiquant le nombre et la position des feux du sémaphore et les incorrections de perspective des bateaux à l’horizon C’était la première fois qu’elle réussissait à mettre les Grands pères dans son jeu. Ils étaient moins bavards, plus pudiques que les femmes. Plus touchants aussi. Mais moins rigolos, d’après Lucienne. « Tu comprends avec les grands- mères je ne m’ennuie jamais » disait elle »tous les jours elles ont un nouveau problème, une plainte, une jérémiade ». « ou elles ont perdu leurs papiers ,ou leur voisine a laissé leur lampe allumée exprès la veille au soir ou on leur a donné du maïs à manger comme à des poules, etc. » dans la mesure où elles sont enquiquinantes elles sont aussi passionnantes ».

Pour la visite des patrons qui avait lieu dans le grand bureau nous présentions un à un les pensionnaires malades avec un résumé de leurs plaintes. Et, avant l’arrivée de Lucienne, cette visite ,sérieuse et silencieuse, n’avait aucun caractère comique particulier. Mais, bientôt, le climat des visites se modifia. Un jour que l’un de nous annonçait les deux chiffres de la tension de notre patient : »14/8 » on entendit distinctement une voix qui disait : »coulé » comme pour une bataille navale. C’était si inattendu, qu’il fallu attendre un large sourire sur le visage du médecin, pour, discrètement nous tenir les côtes .Une autre fois, le patron ayant parlé de la maladie de « Launois-Bensaude » Lucienne, avec une désinvolture incroyable dit : »S’il vous plaît, monsieur, qu’est-ce que c’est que la maladie de Machin Chouette ? » Gros succès, une fois de plus. Ou alors , elle arrivait à la visite avec des pendants d’oreille en faux diams de sept centimètres de long empruntés à une grand mère trop contente d’être complice de ce mauvais coup .Ses réparties sauvaient quelquefois la mise à un employé.
Dans l’ascenseur, un matin, le médecin qui nous accompagnait lève les yeux vers le plafond. Notre regard suit machinalement le sien et nous découvrons ensemble une traînée de taches marron dont l’origine ne fait aucun doute malgré notre étonnement. Surprise suivie d’un profond silence. Et, rompant le silence, Lucienne dit, presque admirative : »Un acrobate ! » et le fou rire général étouffe toute vélléité de punitions de qui que ce soit.

Je n’arriverai jamais à faire comprendre pourquoi cette grande bâtisse de vieillesse, d’ennui ,de solitude, et de mort dont je ne parle pas ici mais qui flotte en permanence, oui, pourquoi ,en quelques mois était devenu vivable, humaine et presque heureuse.

Trois ans. Cet épisode si particulier a duré trois ans. Avec la complicité souriante d’une surveillante d’une intelligence rare .Après elle ,comme il arrive toujours ,une autre est venue irréprochable sur le plan professionnel, mais incapable de comprendre ni de supporter notre sympathique phénomène .Je crois qu’elles ont essayé de cohabiter pendant un mois ou deux, puis de s’éviter dans toute la mesure du possible. La situation a duré quelques semaines encore comme ces vieilles liaisons amoureuses qui n’en finissent pas de finir. Mais le cœur n’y étais plus. C’est exactement ça :le cœur n’y était plus .Un jour ,Lucienne est partie, par la même porte qu’elle avait franchie trois années auparavant, mais cette fois elle lançait : »au revoir », et pourtant, nous ne l’avons jamais revue.

agla



 

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Commentaires
A
...dans les années 78/79 au Havre.<br /> <br /> Maison de retraite Romain Rolland.<br /> <br /> Elle a été détruite depuis et remplacée par un centre plus moderne, plus gai; et beaucoup plus commande pour tout le monde.
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